Remis sur le devant de la scène internationale avec les œuvres de Yorgos Lanthimos et Athina Rachel Tsangari, le cinéma grec contemporain nous propose encore une autre de ses facettes avec Météora, second film de Spiros Stathoulopoulos qui s’impose d’emblée pour son art de la simplicité.
Le récit de Météora est en soit épuré au possible : un moine et une nonne font face à l’attirance qu’ils ont l’un pour l’autre, dans un décor naturel à la fois dépouillé et abstrait, que le film se fait un plaisir de nous faire découvrir sur le mode de la magie presque enfantine. Avec ses deux monastères qui se font face chacun sur leur flanc de falaise, le film possède d’emblée un concept pictural très fort, qu’il exploite d’ailleurs sans se priver : échanges entre les deux personnages à leurs fenêtres en jouant de la lumière du soleil, descente des ravins le long d’un énorme escalier pour l’un, à l’intérieur d’un filet suspendu à une corde pour l’autre… Géographiquement, tout est évident, et justement l’un des atouts du film, c’est clairement de ne pas chercher à en faire plus par rapport à ça, de s’en tenir à ces contours très simplement dessinés. Météora se nourrit ainsi d’un cadre à la fois vaste et ténu, mais sans le surexploiter ni le sous-exploiter.
Stathoulopoulos se focalise d’ailleurs sur un quotidien fait de répétition et de rites vaguement surréels, que ce soit pour se rendre auprès d’un vieil ermite que lorsqu’il s’agit de converser auprès de villageois… un quotidien bien peu naturaliste, même quand il est rythmé par les diverses cérémonies, où règnent une réelle quiétude sans qu’on puisse se décider à la qualifier d’envoûtante ou d’oppressante. Semblant se plaire dans l’entre-deux des ressentis, jamais le cinéaste ne cherche d’un côté à associer la force du désir à une nature magnifiée, ni à « dénoncer » les institutions qui hébergent les deux héros, celles-ci semblant même totalement sans aucune prise sur l’ « épreuve » des personnages, les laissant affronter une forme de solitude où le conformisme et peut-être même la foi joue peu… Ce qui ne veut pas dire que Météora soit d’une grande sécheresse, ou fasse non plus dans le lyrisme spiritualisant, tout en intériorité: là encore le réalisateur se démarque des attendus en livrant un rendu à la fois à la fois vif et naïf.
La vivacité à l’œuvre, c’est sans doute cette capacité filmer une scène d’amour en devenir en justifiant pleinement le plan long et fixe, et de saisir tous les moments de basculements sans rigidité, aussi bien par une direction d’acteur subtile qu’une capacité à laisser la durée s’exprimer, non pas en profondeur, mais en justesse… Ici il n’y a plus besoin de découper le plan, ni même de se détourner par l’ellipse : tout tient presque de la fatalité. La naïveté quand à elle passe par ces nombreuses séquences animées, grande singularité du métrage qui se permet dans ces dernières un graphisme oscillant entre l’enluminure et le roman graphique. A ce niveau, le réalisateur ne réussit peut-être qu’en partie son pari de traiter des états d’âmes des deux protagonistes par une rupture de représentation : certaines séquences sont trop longues, pas toujours à la hauteur de leurs ambition (le torrent de sang), quand d’autres semblent n’avoir aucune valeur ajoutée. Mais on y trouve aussi de vrais instants de tendresse étonnants, et peut-être s’agit-il in fine d’un travail en surface agissant sur le ton général du film, puisqu’on en finit presque par ne plus dissocier esthétiquement l’animation et le réel, ces deux strates de ressenti, au bout des 80 minutes…
La tendance de Météora est à dédramatiser souvent avec bonheur les questions qu’il aborde, et sans se parer de fausses pudeurs. C’est certes dans un équilibre précaire, qui s’appuie sur des idées formelles fragiles, mais sans vouloir à tout prix traquer l’oeuvre « majeure », on prendra du plaisir à ce que nous livre Stathoulopoulos. On y traite finalement de la descente du ciel à la terre (ou plutôt du ciel à la « pierre » tant cette dernière semble la matière privilégiée : l’amour s’expérimente au milieu des roches..) sans dualisme grossier. Les deux versants que recherche Météora sont ceux de l’assurance et de la délicatesse, c’est là que se joue véritablement cette rencontre belle et évidente, et surtout parfaite pour l’été.
Sortie en salles le 17 juillet 2013
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