Dire que le nouveau film de Stéphane Lafleur, On dirait la planète Mars, a tout de l’ovni cinématographique mériterait certainement d’être vertement réprimandé, tellement le jeu de mot paraît facile. Pourtant, son ton, son sujet, son esthétique demeurent à part, de telle sorte que classer cette œuvre relève du défi. Tour à tour essai de psychologie sociale, comédie absurde, faux film de science-fiction, les pistes sont sans cesse brouillées dans un long-métrage où la forme compte autant que le fond.

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Ça y est, le jour historique où les premiers Terriens ont posé un pied sur Mars est arrivé. Comme pour toutes les missions spatiales, un double du vaisseau est conservé sur Terre. Grâce à cette réplique, à tout moment, des ingénieurs au sol peuvent résoudre les problèmes techniques et proposer des procédures aux astronautes. Mais quid des problèmes entre humains ? Pour traiter cette potentielle difficulté, une équipe de doublures des astronautes participants à l’expédition est construite afin de réguler les conflits internes. David est sélectionné pour en faire partie. Bien sûr, rien ne se passera comme prévu. C’est donc David, interprété par Steve Laplante, qui ouvre le film. Le spectateur le voit passer des tests psychologiques préalables à son recrutement. Immédiatement, une question précise est mise en avant : celle de l’attention qu’il porte à ses rêves. David dit n’en accorder aucune, puis se rétracte. Une forme de conflit intérieur se révèle ainsi, d’entrée, tant du personnage en lui-même que d’une forme d’onirisme qui jalonne le film.

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Onirisme ? Assurément ce n’est pas l’objet de Lafleur que de représenter l’inconscient, à l’instar d’un Lynch par exemple. Le réalisateur Québécois le traduit pourtant à la manière d’un rêve éveillé où David se prend pour un héros de la conquête de Mars. L’important ici est de trouver une cause plus grande que soi, représentée par le scaphandre d’astronaute qui apparaît à David tel une vision. L’astronaute serait ici l’archétype du chevalier moderne.

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Lorsque cette vision chevaleresque est confrontée à la réalité d’une vie en communauté dans un désert paumé d’Alberta, naissent de concert une drôlerie imparable et une forme de mélancolie. L’exploration spatiale peut bien inspirer l’Humanité et convoquer l’héroïsme. L’œil, un brin rieur, de Lafleur ramène tout à quelques vérités, telles des discussions organisationnelles de règles de collocation. Le film confronte les désirs humains pour un ailleurs fantasmé comme catalyseur d’une perpétuelle fuite en avant.

https://fr.web.img6.acsta.net/r_1920_1080/pictures/23/04/28/14/16/3789386.jpgPour raconter cette histoire, Lafleur choisit d’alterner les plans où un ailleurs est possible, ouverts sur de majestueuses étendues désertiques, et un environnement fermé, claustrophobe, où les personnages se côtoient, voire se percutent en permanence. Toute l’esthétique du film se met là au service de l’idée de chevalerie, déjà évoquée plus haut. L’âge d’or littéraire de la science-fiction côtoyait les exploits d’intrépides pilotes d’essai sont sans cesse rappelé à travers les décors et les éléments retro-futuristes (par exemple avec l’imprimante qui délivre les messages quotidiens des astronautes par exemple). Patatras, les choses se corsent lorsque le modèle révèle ses limites et que les enjeux psychologiques de l’équipe s’avèrent leur être propres. Dans la tentative du jeu de rôle mis en place, Lafleur se fend d’un joli discours sur le cinéma. Sur quelques scènes où les protagonistes jouent en trompe-l’œil leur rôle de doubles avec leur dynamique personnelle, le réalisateur donne les limites d’un art condamné à grimer la réalité avec un temps de retard. A travers ce simulacre, David trouvera une exaltante porte de sortie à sa vie étriquée.

En résulte un joli film à la drôlerie douce-amère. Les rêves, si beaux soient-ils, rendent-ils aveugles ? La perspective d’un ailleurs peut-elle faire disparaître la réalité ? Sous ces airs modestes, On dirait la planète Mars se révèle très malin.

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