Avec Africaine, son premier long métrage, Stéphanie Girerd transpose ce qui apparaît comme un drame familial franco-français dans un contexte africain. Géraldine, dessinatrice de contes pour enfants, débarque au Sénégal rejoindre ses parents, pharmaciens dans un petit village au milieu de la brousse. Elle vient leur apporter des médicaments, leur épargnant un voyage long et coûteux. Sur place, elle retrouve sa sœur aînée, Alice, qui l’a martyrisée quand elles étaient enfants. Rongée par la rancœur, Géraldine va devoir côtoyer de nouveau Alice, qu’elle n’avait pas vue depuis 12 ans. Pendant ce temps, les parents se focalisent uniquement sur leur travail, au point de mettre leurs filles de côté.
« Je travaillais depuis longtemps sur le thème de la famille comme premier lieu de vie, d’expérience, y compris négative, des relations humaines », explique la réalisatrice qui a déjà visité le Sénégal. « J’y ai découvert une culture qui m’a beaucoup intéressée, notamment les rituels, les rites d’accompagnement, de passage de mémoire, les rites de guérison. Je me suis dit que l’Afrique proposait d’autres solutions aux névroses que celles dont on avait l’habitude, et que là-bas, cela ne fonctionnaient pas si mal pour régler les problèmes ! » Africaine revêt alors les allures d’une quête initiatique où la découverte de l’autre et l’ouverture vers l’inconnu restent essentiels. Géraldine endosse le rôle de l’Occidentale qui découvre une contrée avec un regard neuf et naïf.
Stéphanie Girerd confronte deux modes de vie différents, deux façons complètement opposées d’aborder la vie et ses problèmes. La jeune cinéaste mêle tradition et oralité à l’écrit et aux contes français qu’illustrent son personnage principal, Géraldine. La jeune femme, qui a bien du mal à oublier son passé, découvre les rites et la superstition auxquels les habitants semblent prêter beaucoup d’attention. Stéphanie Girerd fait surtout se rencontrer deux imaginaires divergents et son film de voyager entre deux univers, un hyper-réalisme très français et une ambiance emprunte de mysticisme. Stéphanie Girerd, sans jamais porter de regard condescendant ou cliché, filme les rituels et les danses qui rythment la vie de ce petit village encore très superstitieux. Au travers de sa réalisation, transparaissent sa connaissance et son amour pour l’Afrique, ses habitants et ses modes de vie, avec une rigueur presque documentaire. Sans toutefois tomber dans le travers du regard entomologiste. Parfois les plans durent ou laissent la place à l’imagination par l’utilisation du hors-champ. Alors, Africaine pourrait être une œuvre réellement fantastique tellement la réalisatrice arrive à créer une atmosphère par des jeux d’ombres et des récurrences de mise en scène, reflets de l’état psychiques des deux sœurs. Tour à tour, chacune d’elle devient un monstre aux yeux de l’autre.
Hélas, Africaine n’échappe pas aux défauts et maladresses de beaucoup de premières œuvres, s’empêchant d’être aussi ensorcelante qu’elle aurait pu être. Ces faiblesses essentiellement techniques heurtent le regard, notamment au niveau d’un découpage de l’espace pas toujours maîtrisé. La narration manque parfois d’homogénéité dans la façon de traiter les transitions. Durant de brefs instants, le récit s’éparpille parfois dans la diversité des thèmes explorés avant de reprendre son cheminement. Le premier film de Stéphanie Girerd accuse également de sérieux problèmes de rythme, à cause de cette cadence qu’adoptent les acteurs avec leur qualité de jeu fluctuante. Africaine pâtit parfois d’une facture téléfilmesque que contredisent cependant ses idées de mise en scène, une bonne gestion des points de vue et certaines séquences plus soignées et maîtrisées que d’autres. La réalisation réserve tout de même quelques beaux passages d’errance de l’héroïne durant lesquels Stéphanie Girerd laisse planer un certain mystère par la suggestion, dans la grande tradition du film fantastique à la Jacques Tourneur.
À défaut d’être une œuvre convaincante, Africaine s’avère singulière, inégale et atypique dans sa façon originale d’approcher les problèmes de relation au sein d’une même famille. Le film de Stéphanie Girerd réussit à envoûter suffisamment pour susciter une certaine curiosité.
Africaine
(France – 2014 – 97min)
Scénario et réalisation : Stéphanie Girerd
Adaptation et dialogues : Stéphanie Girerd et Eve Deboise
Directeur de la photographie : Rémi Mazet
Montage : Marie-Pierre Frappier
Musique : Stéphane Palcossian
Interprètes : Nina Meurisse, Anna Mihalcea, Caroline Baehr, Eric Savin, Mame Astou Diallo dite Mami Diallo, Matar Diouf…
Sortie en salles, le 11 février 2015.
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