Premier long-métrage de Thierno Souleymane Diallo, Au cimetière de la pellicule est le récit documentaire d’une étonnante odyssée… et une vibrante déclaration d’amour au septième art.
Filmé par son équipe technique, Thierno Souleymane Diallo parcourt la Guinée, caméra à la main, à la recherche d’une copie de l’introuvable Mouramani, premier film réalisé par un cinéaste francophone africain – Mamadou Touré – en 1953.
Mu par le parcours de son réalisateur et protagoniste, Au cimetière de la pellicule s’apparente dès ses premières minutes à un grand voyage à travers des ruines, littérales et symboliques. L’une des premières choses que le film nous amène à constater est en effet que la Guinée, dont l’évolution de la situation politique a fortement influé sur sa production et son patrimoine cinématographiques – au point de les rendre quasiment inexistants à l’heure actuelle – n’a, ainsi que le résume l’un de ceux qu’interroge Thierno Souleymane Diallo, « pas la mémoire des archives ».
Les recherches de ce dernier l’amènent ainsi à visiter d’anciens cinémas, abandonnés et en ruines, dans lesquels il découvre des bobines gisant dans la poussière depuis trente ans. La visite de ces lieux, ainsi que celle d’un ancien studio de post-synchronisation sonore et les témoignages de plusieurs personnes ayant travaillé dans le monde du cinéma ou fréquenté les salles obscures guinéennes (celles-ci n’existant plus qu’au nombre de trois dans tout le pays en 2023) met également en lumière la grandeur d’un cinéma que la population guinéenne ne peut aujourd’hui connaître, faute d’archives, ou apprécier collectivement dans des endroits dédiés, faute de salles de cinéma… Face à cette amnésie collective, Thierno Souleymane Diallo entreprend également d’enseigner les bases du septième art à un groupe de jeunes élèves, avant de s’envoler pour la France, espérant trouver ce qu’il cherche dans les archives du Bois d’Arcy et faisant un détour par le cinéma parisien La Clef, occupé par un collectif opposé à sa fermeture.
Le film est ainsi habité par une profonde mélancolie, grandissant à mesure que Thierno Souleymane Diallo avance dans sa quête, l’objet de celle-ci étant sans doute moins Mouramani que des souvenirs – ceux de ses études, de personnes ayant connu le cinéma guinéen d’autrefois ou encore les cadavres de bobines, de caméras et de projecteurs – et, surtout, l’essence de son art.
Posant, à travers la réalisation de ce film et le périple qu’il y documente, la question du regard cinématographique et soulignant l’importance de la conservation des films – un plan sur de la pellicule totalement décomposée semble justifier à lui seul le titre du film – et de la transmission du savoir, Thierno Souleymane Diallo signe avec Au cimetière de la pellicule un plaidoyer poétique et spirituel à la gloire du cinéma, de l’art et de la mémoire.
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