Il est loin le temps où Thomas Vinterberg, en vilain garnement au côté de l’incorrigible Lars Von Trier, signait une charte qui allait faire couler de l’encre, le Dogme. Une vaste blague quand on y pense mais qui permit néanmoins au Danois de réaliser son meilleur film à ce jour, Festen, portrait au vitriol d’une famille réunie lors d’un repas se transformant en véritable jeu de massacre. Après ce coup d’éclat, Vinterberg pris ses distances avec Zentropa et entama alors une carrière en dents de scie, alternant les réussites mineures comme La chasse et ratages comme l’incursion SF de It’s all about love ou encore le nullissime Loin de la foule déchaînée.
Il ne manquait plus qu’un pas pour que cet ex-auteur exigeant se métamorphose en artisan classique, en faiseur « européen ». C’est chose faite aujourd’hui, avec Kursk, thriller catastrophe, où presque toute ambition personnelle s’est évaporée. En soi, cette petite démission n’a rien de dramatique, au moins, peut-on espérer assister à un bon film de genre enlevé et émouvant. Mais de passer de Lars Von Trier à Luc Besson (production Europacorp oblige! ) ça laisse un peu perplexe.
Le film s’inspire d’un fait réel relatant le naufrage du sous-marin nucléaire K-141 Koursk, survenu en mer de Barents le 12 août 2000. A bord du navire en perdition, 23 marins se battent pour survivre tandis que les familles luttent contre une bureaucratie bornée qui ne cessent de compromettre l’espoir de les sauver. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque, étayant alors la thèse du complot, incriminant une mauvaise gestion des Russes, et notamment une ingérence de la part du KGB.
Kursk, écrit par le scénariste de Il faut sauver le soldat Ryan et de The Patriot, Robert Rodat, pouvait susciter quelques attentes en matière de thriller politique bousculant la thèse officielle, surtout de la part de Thomas Vinterberg, qui reste un citoyen engagé à défaut d’être un grand cinéaste. L’idée que le Kremlin aurait tout fait pour laisser mourir les marins est toujours présente, même si les auteurs prennent bien soin de ne pas mettre tous les militaires russes dans le même sac, donnant aussi le beau rôle à la Navy Anglaise, représentée par un très digne capitaine, incarné par un Colin Firth impeccable.
L’ouverture débute par une séquence de mariage plutôt réussie, évoquant Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, référence écrasante mais assez osée. Les marins se préparent à partir et se retrouvent en famille une dernière fois. Le milieu social décrit, prolétaire, se révèle crédible. Le décor, ville portuaire sinistrée, où s’élèvent des immeubles défraîchies, synthétise la part la plus intéressante du métrage, seul moment, où la critique d’une société archaïque demeure pertinente.
L’espace étriqué est représenté par un format 1.66 avant de s’étirer en scope une fois nos valeureux anti-héros à l’intérieur du sous-marin. Et de revenir en 1.66, pour l’épilogue une fois que tout est perdu. Un coquetterie stylistique un peu grossière, censée donner du sens, avec cette équation scolaire où scope = liberté et évasion et plein cadre = étouffement et sinistrose.
Sinon, Kursk s’en tient aux cahiers des charges et ressemble à un téléfilm de luxe où tout le monde s’exprime en Anglais, co-production européenne oblige, ce qui nuit à la véracité du récit. Rien de déshonorant devant ce spectacle joliment photographié mais dénué de la moindre tension, constamment à la surface de son sujet, notamment en ce qui concerne les relations humaines, catalogue de personnages stéréotypés. Ces derniers sont des archétypes du film de catastrophe, vaguement étoffé par le contexte social, qui s’avère quand même l’un des genres les plus ennuyeux au monde, car nul surprise ne vient enrayer la mécanique. Jusqu’à l’épilogue funeste qui ne suscite aucune empathie.
Etayé d’une poignée de scènes impressionnantes et porté par un casting luxueux et inutile (Matthias Shoenaerts en valeureux marin, Léa Seydoux en épouse éplorée enceinte et même Max Von Sydow en militaire russe grabataire incarnant la vieille Russie), cette adaptation d’un roman de Robert Moore s’avère un thriller claustrophobique anodin gentiment critique envers la société Russe mais qui ne laissera guère de trace. La construction maladroite du film qui alterne les réactions indignées des familles à la recherche de réponses et les séquences de survie à l’intérieur du sous marin, finit par provoquer un ennui tenace.
Thomas Vinterberg est fin prêt pour Hollywood. Il lui manque juste un brin d’efficacité dans les scènes d’action. On pourrait le retrouver derrière un Marvel ou pourquoi pas un James Bond. Ce qui en soit est une bien triste nouvelle.
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