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Los Angeles pris dans le vacarme fiévreux des années 80. La démarche claquante et assurée, la tête haute et les cheveux décolorés au vent, Maxine est prête à conquérir Hollywood. Le massacre auquel elle a survécu dans le premier volet n’a pas eu raison de son désir brûlant d’exister aux yeux de tous, de figurer parmi les étoiles du cinéma. Après un bond dans le passé de Pearl, l’inquiétante et sanguinaire figure de X, Ti West retrouve quelques années plus tard l’héroïne aux taches de rousseurs dissymétriques, Maxine, qui comme prévu, s’est fait un joli nom dans le paysage pornographique. Mais trêve de plaisanterie, son avenir n’est pas là, il est bien plus grand, plus clinquant. La sulfureuse final girl entame maintenant son ascension vers la gloire, et rien ne devrait arrêter ou ralentir sa quête, à part peut-être un tueur en série qui semble lancé à sa poursuite… ?

Même si chaque film rompt d’une certaine manière avec le précédent, le tableau final de cette trilogie impose au moins un changement drastique de décor. La lugubre ferme du Texas n’est plus qu’un lointain souvenir. Ti West plonge sous les néons de la cité des anges, saturée de voitures et de publicités. Tout est, à l’image de l’époque, exubérant. Un condensé d’archives en guise de générique résume bien l’effervescence culturelle et le climat moral torturé des années Reagan. Les rêves hippies de la veille se sont dissipés, contaminés par la rage capitaliste et individualiste de la nouvelle décennie ou tout simplement éteints dans leurs propres transes psychédéliques. Le cinéma n’échappe pas au règne de la consommation, il s’inscrit désormais sur bande magnétique, dans de petites boites plastiques nommées VHS qui commencent à envahir les maisons. Un affront pour cet art né dans sur grande toile, mais aussi une nouvelle manière de l’apprécier plus librement et à l’infini, jusqu’à l’indigestion sur petit écran. Paradoxalement, ce nouveau terreau d’hyper-consumérisme laisse fleurir, telle une mauvaise herbe, un féroce conservatisme religieux, qui ne convainc pas tout le monde et inspire même à certains un intérêt particulier pour des cultes obscurs. C’est la panique satanique, les évangélistes voient le diable partout : dans les drogues, dans les chansons, dans les films.

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Maxine débute sa carrière hollywoodienne dans le cinéma d’horreur, auprès d’artistes relégués en seconde zone. Peu de budget, pressions de groupes moralisateurs sur la production, l’ambiance est rude. Mais le feu intérieur ne s’éteint pas, elle bouillonne toujours, prête à crever l’écran et à révéler au public la star qu’elle est déjà. Étonnamment, elle tire sa détermination infaillible dans son éducation puritaine, et retourne contre lui même le mantra de son père «  I will not accept a life I do not deserve ». Ce père, qui la croit prise dans les griffes de Satan, doit être éliminé pour atteindre le sommet. Tuer le père et son conservatisme nauséabond, se laisser entraîner dans la frénésie de l’époque, renaître en idole : voilà le destin de Maxine. Les anciennes stars n’ont qu’à bien se tenir, en témoigne l’altercation avec un faux Buster Keaton, ou la cigarette écrasée négligemment sur l’étoile de Theda Bara sur Hollywood Boulevard.

Malgré ses variations de tonalités et de décors, le triptyque de Ti West décline le même motif, jusqu’à l’obsession : La soif de célébrité. Pearl et Maxine nourrissent au plus profond de leur être le désir de briller, d’éblouir. Pearl cède à l’envie, Maxine à l’orgueil. La rencontre des deux se fait sur le terrain de la luxure. Leurs rêveries sont tellement violentes que la mort les poursuit, dans le renoncement pour Pearl et dans la concrétisation pour Maxine. Le dernier film s’ouvre sur les mots de Bette Devis : « Dans cette industrie, tant que vous n’êtes pas considéré comme un monstre, vous n’êtes pas une star. ». Incarné par une Mia Goth toujours aussi ensorcelante et magnifique, Maxine est un monstre qui en un regard nous a mis à ses pieds avant même d’en mettre un à Hollywood. Elle peut bien s’enorgueillir, écraser tout sur son chemin (dont Kevin Bacon) et s’enivrer de cocaïne, on lui pardonnera. Son entrée dans les studios californiens est aussi l’occasion pour Ti West de confronter le rêve et la réalité du cinéma hollywoodien. Derrière le glamour il y a parfois le glauque. Derrière le sourire il y a souvent la souffrance et le travail acharné. Ici les décors de films sont des structures superficielles et vides qui servent de champs de bataille entre Maxine et un détective privé qui la poursuit sauvagement. Il y a aussi une superbe scène où la future star se fait recouvrir la tête d’une pâte visqueuse et épaisse dans le but de confectionner un moulage. Aveuglée, immobilisée par le temps de repos, l’angoisse la pénètre par surprise, le fantôme de Pearl surgit. Il faut souffrir pour être célèbre. À la fin du film elle admire la reproduction parfaite de ce visage sans corps, le sien. C’est le début d’une objectification qui accompagne naturellement les figures mythiques du cinéma, des stars consommables et consumées. Devant ce spectacle, sublime à ses yeux, elle déclare « Je veux que cela ne s’arrête jamais ». Heureusement les VHS seront là pour assurer son immortalité.

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Avec ses trois derniers films, Ti West fait voyager son thème d’une époque à une autre, d’un décor à l’autre, dans une variations de notes et d’ambiances, sans jamais rompre avec l’horreur et la beauté. Maxxxine s’immerge dans l’outrance des années 80 pour clore avec jubilation cette trilogie.

 

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