No Way. Dès le titre, le ton est donné. Le réalisateur néerlandais Ton van Zantvoort, habitué à donner la parole à des marginaux qui survivent en combattant le capitalisme et la consommation de masse, dresse cette fois-ci le portrait de Stijn, un berger qui refuse d’abandonner son métier et ses idéaux pour se conformer à la société d’aujourd’hui. Ce cowboy solitaire continue d’amener ses moutons brouter dans les landes des Pays-Bas dans la plus pure tradition, faisant face à la mécanisation massive. Mais lorsqu’il perd son principal contrat de pâturage (les pelleteuses sont plus efficaces !), la question de la survie se pose. Comment continuer à nourrir son foyer quand la concurrence déloyale empêche les bergers de faire leur travail ? « Il va falloir être créatifs », affirme Anna, sa femme et fidèle associée.
No Way n’est pas uniquement un film sur un berger, mais bien le portrait d’un homme qui vit en marge de la société. Charismatique, rebelle et parfois antipathique, Stijn crève l’écran. Le réalisateur, qui le connaît depuis 2009, fait de lui le personnage principal de son long-métrage, une figure de combattant, dans une construction narrative proche de la fiction. « Je veux que les spectateurs puissent se reconnaître dans cette histoire, dans celle de mon personnage principal », déclare le cinéaste, qui a souhaité pour cette raison intégrer dans le récit des scènes de vie de famille prises sur le vif. Les choix esthétiques marqués et les partis pris narratifs participent quant à eux à la dynamique de ce documentaire qui ne cesse de créer des ruptures, via l’alternance de scènes qui entrent en conflit en même temps qu’elles se complètent. D’abord, ces séquences, nombreuses et très esthétiques, dans lesquelles le gardien conduit son cheptel à travers les landes. Plans larges, travellings, plongées et plans aériens, tous les moyens sont bons pour mettre en valeur ce troupeau visuellement très attractif, ainsi que le paysage majestueux et énigmatique, tantôt brumeux, tantôt enneigé. De purs moments de silence et d’apaisement, qui renvoient à une époque quasi révolue, à cette « vision romantique » du métier de berger que défend encore Stijn. Ensuite, ces séquences d’agitation, synonymes du monde moderne. Batailles administratives, organisation d’événements à destination du grand public afin de sensibiliser à la cause, passages dans des émissions de radio ou de télévision, etc., tous ces moments particulièrement éloquents, renvoient à l’absurdité de la situation. S’adapter toujours plus, se donner en spectacle pour faire parler de soi et espérer éveiller les consciences, trouver de l’argent par tous les moyens, des défis quotidiens toujours plus grands pour cet homme qui souhaite seulement vivre de ce qu’il aime.
Ton van Zantvoort rend compte brillamment de cette personnalité forte qui porte le film, usant à bon escient de son histoire pour alerter plus largement sur les abus du système. Un film militant essentiel, qui souligne aussi l’incongruité de certaines situations avec beaucoup d’humour, comme en témoigne cette scène, à la fois drôle et révoltante, où un policier déclare : « Nous avons établi un procès verbal en ce qui concerne des crottes de moutons abandonnées », faisant suite à une dénonciation de la part de riverains. L’absurdité comme symptôme de l’injustice universelle.
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