Quel garnement, ce Joe : qu’il s’amuse au cœur de sa ville à troquer ses jouets (Joe veut jouer avec ou sans jouet), qu’il pêche la carpe et la botte avec force noyade (Joe à la pêche), qu’il se lance dans l’urbex d’une maison soit disant hantée (..et la maison hantée), découvre le zoo et laisse s’échapper les singes (Joe au zoo) ou parte carrément dans l’espace (Joe et les extraterrestres), il nous entraine ainsi que sa bande de joyeux amis dans ses espiègleries joyeuses et ludiques.
Si de la Tchécoslovaquie 80’s, on connait principalement la sublime technique de marionnettes dite de « l’école tchèque »(portée par Jiri Trnka, Pojar, etc jusqu’à Karel Zeman dont nous vous parlions il y a peu dans nos pages), il faut pourtant se laisser porter par ce beaucoup plus discret et humble versant slovaque, qui constitue la série de l’anthologie sortie cette semaine au cinéma sous le titre « Les mésaventures de Joe », réalisée tout au long des années 80 par Vladimir Pikalik.
Certes, il faut comparaison garder, et l’ensemble se révèle plus léger et imparfait que les grandes œuvres citées ici. Certes, les deux premiers courts-métrages (Joe veut jouer…, et Joe à la pêche), dispensables, témoignent encore d’un balbutiement aussi bien technique que scénaristique, ce dernier point n’étant d’ailleurs jamais transcendé dans l’ensemble des épisodes, plutôt convenus, qui prendront pourtant peu à peu leur envol visuel dans des décors et cadres de plus en plus complexes, travaillés, jusqu’au point d’acme du dernier.
Mais il faut, au-delà de sentir le plaisir du technicien, se laisser porter par les facéties de ce drôle de gosse, quelque part entre (attention les anachronismes à venir) Wallace et Gromit (pour la poésie visuelle et la technique) et Waldo/Charlie (pour l’aspect enfantin-rêveur).
Se laisser, pourquoi pas, toucher par la poésie qui frise l’absurde de certains moments, quand un filet à papillon se détricote en canne à pêche (qui elle-même servira à pêcher une botte aux clous acérés, meilleur appât du monde), ou qu’un coussin qui explose laisse exploser ses plumes dans un moment joyeux de Jingle Bells.
Cette poétisation naïve du monde est d’ailleurs tout l’enjeu de la plupart des films, qui ne se résolvent que par le jeu et l’imaginaire (avec un petit clin d’œil au désir de possession dans le premier, où arrivé au troc d’une voiture, Joe réalise que l’enfant s’amuse bien mieux avec un simple baton) : une casserole sur la tête, un tour de boulon, et la fusée du manège décolle !
Réduire le monde au regard d’enfant, ensemencer de nos peurs une maison hantée (que seule, il faut le signaler, la fille de la bande osera affronter), moquer les adultes trop sérieux (les extraterrestres d’ailleurs feront demi-tour face aux grognements des grands) : joli programme.
Cette fantaisie burlesque, bien qu’imparfaite, saura séduire par la pureté de son trait et son absence quasi-totale de dialogue (il fut surnommé ici « le film où les gens ne parlent pas ») les plus petits, étonnamment emportés par son charme désuet, et émouvoir les plus plus grands par la trace patrimoniale dont il témoigne, celle d’un temps d’un dynamisme incroyable, foisonnant, des animations de l’Est.
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