Depuis près de trente ans, la rentrée de septembre se place sous le signe du cinéma de genre sous toutes ses formes du côté du Forum des Images. En effet, L’Étrange Festival s’est imposé comme un rendez-vous incontournable pour tout cinéphile avide de découvertes. Sa 28ème édition se tiendra du 6 au 18 septembre 2022 et pour la troisième année consécutive, Culturopoing en sera l’heureux partenaire ! Après deux éditions en proie aux conséquences directes de la pandémie COVID-19 (jauges, pass sanitaire,…), l’Étrange peut respirer davantage et propose au total plus de 80 longs-métrages et 90 films courts. Avant de rentrer dans le détail, on décompte pas moins de quatre premières européennes, dix premières françaises et une douzaine d’avant-premières aussi bien en compétition internationale pour le Grand Prix (en partenariat avec Canal+) que dans les catégories hors compétitions (Séances Spéciales, MondoVision et Documentaires).
Afin d’ouvrir les hostilités, l’Etrange Festival proposera une projection de The Diamond, nouveau court-métrage de Vedran Rupic, suivi de l’avant-première française de The Roundup. Le film de Sang-yong Lee, ancien producteur de Kim Jee-woon sur Le Bon, la brute, le cinglé, met en vedette le charismatique Ma Dong-seok (Dernier train pour Busan) qui reprend ici le rôle de flic aux méthodes expéditives qu’il campait dans The Outlaws, sorti en 2017. Alienoid de Dong-hoon Choi viendra conclure ces deux semaines de festival. Le long-métrage, fusion délirante entre le film de sabre et la SF, sera le bouquet final parfait de cette 28ème édition riche en surprises, découvertes et moments forts. Cette année, douze longs-métrages seront en compétition pour obtenir le Grand Prix (décerné en partenariat avec Canal +) et le Prix du Public. Parmi eux, beaucoup de cinéastes émergents. Notons, entre autres, la présence de l’Autrichien Peter Hengl, qui sera présent pour dévoiler son premier film pour le grand écran : Family Dinner. La réalisatrice Natalia Sinelnikova sera également au rendez-vous pour présenter son We Might As Well Be Dead sous forte influence de J.G. Ballard. À noter le retour d’Eduardo Casanova cinq ans après son remarqué Pieles avec La Piedad.
Attardons-nous maintenant la section MondoVision, hors compétition certes, mais extrêmement excitante. Premier événement la venue de Ruben Östlund pour présenter sa deuxième Palme d’Or, cinq ans après sa Palme d’Or pour The Square, le voilà de retour avec Sans Filtre (Triangle of Sadness). Cinéaste clivant et déchaînant désormais les passions, on aime chez lui une observation acide du monde contemporain, cruelle et sans pitié, mise en scène avec virtuosité, accentuée par la férocité de ses coups, mais dissimulant aussi un vrai pessimisme beaucoup moins cynique qu’on ne veut bien le dire. Ce nouvel opus pousse la satire au moins aussi loin que son prédécesseur (dont il égale la durée conséquente de près de 2h30) jusqu’à une séquence pivot, marquant le climax comique d’un long-métrage qui va ensuite se transformer en fable amère, scrutant la lutte des classes à travers un traitement revanchard et singulier. Plus ou moins sur la même place de l’échiquier cinématographique, on retrouvera un autre moraliste au moins partiellement misanthrope en la personne d’Ulrich Seidl qui signe son retour à la fiction avec Rimini, l’histoire d’un vieux crooner autrichien, Richie Bravo, qui donne des concerts pour des retraités dans des hôtels miteux de Rimini, sur la côte Adriatique et se prostitue en parallèle auprès de dames esseulées. Un jour débarque sa fille, Tessa, qu’il n’a presque jamais vue. Programme solaire et lumineux n’est-ce pas ? Autre film projeté sur la croisette en mai dernier, La Femme de Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov. Un an après l’ébouriffant La Fièvre de Petrov, le cinéaste s’attelle ici à une figure mythique de la culture du pays des tsars, le compositeur Piotr Tchaïkovski, à travers le regard de son épouse Antonina Miliukova. Outre la révélation d’une actrice, Alyona Mikhailova, ce nouvel opus devrait permettre au réalisateur de faire encore une fois preuve de sa virtuosité formelle et de son inspiration débordante, au service d’un dessein prompt à regarder sa patrie sans détour pour mieux en faire ressortir les tares et contradictions. Trois ans après Thalasso, Guillaume Nicloux est de retour, il viendra présenter sa nouvelle réalisation, La Tour. S’il a régulièrement flirté avec le fantastique, il effectue ici une bascule frontale vers l’horreur sur fond de film de banlieue, pas de Gérard Depardieu ou Michel Houellbecq au casting, mais le rappeur Hatik propulsé sur le devant de la scène avec la saison 1 de la série Validé, la curiosité est grande. À noter que l’équipe du film sera présente, comme celle d’un autre long-métrage assez attendu, L’origine du mal de Sébastien Marnier. Réalisateur prometteur de L’heure de la sortie et Irréprochable, il bénéficie d’un casting alléchant réunissant Laure Calamy, Doria Tillier, Jacques Weber, Dominique Blanc et Suzanne Clément pour un thriller en milieu bourgeois invoquant Daphné du Maurier et Patricia Highsmith.
Hors compétition toujours, parmi les séances spéciales (gratuites en partenariat avec Canal +) d’inédits en avant-premières, attirons l’attention sur Dual de Riley Stearns, auteur des excellents Faults et The Art of Self-Defense, le film sera précédé du court-métrage Apologie des zèbres albinos avec Damien Bonnard. Il conviendra de guetter d’un œil tout particulier dans la section Nouveaux Talents, Les Rascals de Jimmy Laporal-Tresor, auteur l’an passé de l’impressionnant court-métrage Soldat Noir. Le cinéaste sera présent accompagné de son équipe pour dévoiler son long-métrage attendu sur les écrans français début 2023, une chronique située début des années 80, qui s’inscrirait dans la veine de The Outsiders, observant une bande de petits délinquants dragueurs sur fond de montée du néo-nazisme. Enfin, comme toujours, le festival mettra également l’accent sur les documentaires, avec cette année la diffusion en première mondiale et en présence de son réalisateur Otomo de Manuel de Who Killed Nancy ? dédié à la scène musicale de la ville de Nancy, capitale du rock français dans les années 80. Passionnant.
Trois cartes blanches seront accordées à des personnalités aussi diverses qu’Ovidie, la chanteuse Cosey Fany Tutti et le réalisateur Dominik Moll, auteur de l’un des succès critiques et publics de l’été, La Nuit du 12, bien parti pour finir sa carrière en salle proche du demi-million d’entrées. Il présentera deux courts-métrages, Food de Jan Svankmajer (on lui doit le formidable Alice en 1988) et Pièce touchée de Martin Arnold, ainsi que cinq longs, dont plusieurs raretés. Quelques mois après la ressortie de son excellent Hurlements, il permettra à Joe Dante d’être de nouveau à l’honneur sur un grand-écran français avec la projection de son téléfilm The Second Civil War. Immanquable, Le Château de la pureté d’Arturo Riptsein, inspiré d’un fait divers relu sur le mode du conte noir, ancêtre à sa manière du Canines de Yorgos Lanthimos, un drame coup de poing dont on ne sort pas indemne. Ovidie présentera quant à elle une Soirée Punk Neuroatypique , avec trois documentaires consacrée à des artistes dont la particularité est d’être inadaptés, autistes, ou schizophrènes « s’écartant du fonctionnement neurologique ou psychologique majoritaire », le tout s’achevant avec un showcase d’Astéréotypie collectif de slameurs autistes. Cosey Fany Tutti propose un programme nettement plus « connu » mais non moins excitant au sein duquel on retrouve L’Empire des sens de Nagisa Oshima, La Vallée des plaisirs de Russ Meyer ou encore l’incroyable Maîtresse de Barbet Schroeder.
L’édition 2022 de l’Étrange Festival proposera aussi un focus sur deux personnalités radicalement différentes. Tout d’abord l’ex muse de Pedro Almodovar, Victoria Abril sera mise à l’honneur au travers de projections de film méconnus tels que Je veux être femme, l’un de ses premiers rôles au cinéma, ou Sans nouvelles de Dieu où elle côtoie Pénelope Cruz et Gael Garcia Bernal. Autre figure à laquelle un hommage sera rendu, le réalisateur philippin Mike De Léon, dont certains des longs-métrages seront projetés pour la première fois en France dans leur version restaurée 4K.
La rétrospective consacrée au cinéaste japonais Masahiro Shinoda sera l’occasion de découvrir certaines de ses plus grandes œuvres sur grand écran. Parmi elles, notons la projection de Silence, première adaptation du roman de Shūsaku Endō, quarante-cinq ans avant celle de Martin Scorsese, mais également son incroyable drame politique Assassinat ou Fleur pâle, mélo sur fond d’histoire de yakuzas. Alberto Vasquez sera également à l’honneur avec la diffusion de l’intégrale de ses courts et longs-métrages. Le réalisateur de Psiconautas sera invité pour présenter toutes ses pépites du cinéma d’animation et son deuxième long métrage Unicorn Wars.
Parmi les Pépites de l’Étrange, Man on a Swing de Frank Perry titille notre curiosité. Réalisateur souvent cantonné à son culte The Swimmer, Perry a ausculté la société de son époque, ses contradictions et ses mécanismes de domination, notamment à travers son excellent Diary of a Mad Housewife. Géniale série B diablement efficace et ambiguë, Death Game (retitré chez nous Ça peut vous arriver demain) de Peter S. Traynor fut remaké de manière officieuse par Eli Roth à l’occasion Knock Knock une réussite qui n’égale cependant pas son modèle. Enfin le méconnu Les Mois d’avril sont meurtriers de Laurent Heynemann, thriller porté par le grand Jean-Pierre Marielle, se pose en trésor oublié du cinéma de genre français.
L’an passé la Carte Blanche accordée à Marjane Satrapi avait permis de redécouvrir un authentique chef-d’œuvre du cinéma iranien, Prince Ehtejab ; le festival a choisi de s’intéresser cette fois à une autre vague iranienne d’avant la chute du Chah, l’une des plus populaires, celle du filmfarsi, sorte d’équivalent local de Bollywood, ce qui est peu réducteur tant ce genre est singulier. L’âge d’or du cinéma Farsi, permettra d’appréhender un programme composé d’un documentaire de 2019 intitulé Filmfarsi, ainsi qu’une offre plurielle de trois films, avec de l’espionnage (Diamond 33), du drame fantastique (Une soirée en enfer) et un thriller (The Midnight Terror).
Programmation complète et informations complémentaires sur le site du festival.
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