Qui dit Pâques à Lyon, dit Hallucinations Collectives ! Festival cher à notre cœur qui s’apprête à lancer sa 16ème édition du 4 au 10 Avril dans l’enceinte du Comœdia, le moment de notre traditionnel passage en revue de la programmation est venu.
Comme un écho volontaire à l’édition 2021 où l’excellent Shin Godzilla d’Hideaki Anno et Shinji Higuchi assurait la clôture du festival, deux ans plus tard c’est le nouvel opus du même duo, Shin Ultraman, qui est proposé en ouverture. Des kaijū de plus en plus résistants aux attaques ne cessent de se manifester sur le territoire japonais et d’attaquer les infrastructures. L’armée comme les politiciens s’avouent impuissants, mais un robot géant d’origine extraterrestre veille au grain. Transposition contemporaine d’une autre figure phare de la pop culture japonaise, Ultraman, annoncé comme le prolongement thématique d’un Shin Godzilla, qui mêlait formidablement grand spectacle et considérations politiques, Shin Ultraman, devrait cependant se distinguer par sa nature différente. Série importante des années 60 remise au goût du jour via deux nouvelles moutures quatre décennies plus tard, Ultraman Nexus et Ultraman Max, le matériau a connu fortunes diverses sur grand écran d’Ultraman : The Alien Invasion (1990) à Ultraman Zero Side Story: Killer the Beatstar (2011). Anno et Higuchi, ont un défi à relever, celui d’imposer en force le géant extraterrestre au septième art. Avouons-le, nous sommes confiants !
Reparti avec le prix du meilleur film lors de la 55ème édition du festival de Sitges, Sisu de Jalmari Helander (réalisateur finlandais à qui l’on doit Père Noël Origines), assurera la séance de clôture. Pourvu d’un pitch excitant, nous plongeant en 1945, lorsqu’un soldat découvre de l’or dans les profondeurs sauvages de la Laponie. Alors qu’il tente de rapporter son butin en ville, un escadron de soldats nazis dirigé par un officier SS brutal se met en travers de son chemin, et une bataille pour le métal précieux s’engage. Promesse d’un long-métrage violent, généreux et décomplexé, que l’on annonce peu avare en morceaux de bravoure, Sisu connaîtra sa première française et devrait assurer une fin de festivités en fanfare. Là aussi, dire que nous n’avons pas hâte serait mensonger !
Six longs-métrages diffusés en avant-première concourent en Compétition, avec à la clé deux prix à décerner : le premier, le Grand Prix du Festival, soumis à un vote du public à l’issue de chaque séance, le second sera quant à lui remis par un jury composé de trois utilisateurs et utilisatrices du Pass Culture.
Figure de proue de la nouvelle vague de l’épouvante espagnole avec des réussites telles que La Secte sans nom, ou Malveillance, Jaume Balagueró s’est fait plus discret au cours de ses dernières années, au profit de son comparse Paco Plaza dont le Abuela est encore dans toutes les mémoires. Après The Vault, son film de braquage inédit chez nous, le cinéaste revient à ses premières amours horrifiques avec Venus. L’occasion de retrouver le style du réalisateur de [Rec] et de raviver un courant qui s’est peu à peu essoufflé, pour le plus grand malheur de nous, pauvres cinéphiles orphelins de nos frayeurs des années 2000. Cinéaste hongkongais méconnu, Soi Cheang avait marqué les esprits il y a près de dix ans avec l’excellent Dog Bite Dog, le voilà de retour avec Limbo, un polar poisseux et crépusculaire. Si le pitch (deux flics, une jeune recrue et un vétéran font équipe afin d’arrêter un tueur en série) nous rappelle au classique de David Fincher, Seven, son noir & blanc stylisé, son identité asiatique, doublé d’un sous-texte sur l’évolution de Hongkong ainsi que son jusqu’au-boutisme, l’éloignent des comparaisons au seul profit des superlatifs qui s’imposent. Déjà annoncé l’an passé avant de faire l’objet d’une déprogrammation contrainte, les Hallus maintiennent leur soutien à une œuvre qui n’a à ce jour aucune date de sortie française annoncée.
Grosse sensation de l’automne 2022, X de Ti West marquait à la fois l’avènement d’un cinéaste encore trop méconnu et d’une actrice prometteuse dont on attendait patiemment le grand rôle, Mia Goth. Bien plus qu’une simple relecture sexuée de Massacre à la tronçonneuse, le film s’appréciait moins pour sa nostalgie feinte, que sa capacité à réfléchir l’Amérique contemporaine, à l’aune de son passé prétendument idyllique. Pearl n’est pas la suite de ce dernier, mais la préquelle où la jeune Pearl trouve le temps long, coincée dans la ferme familiale. Quand un sémillant projectionniste commence à la bercer de douces illusions, toutes les frustrations de la jeune fille trouvent enfin une finalité qu’il ne faudrait surtout, surtout pas contrarier. Approuvé par, excusez du peu, Martin Scorsese, le film se distingue de son prédécesseur autant qu’il le complète, élargit son horizon thématique et cinématographique pour proposer une origin story portée par la prestation exceptionnelle de Mia Goth. Il s’agira de la première séance française, d’un pur joyau à l’issue en salle incertaine. Réalisateur totalement méconnu dans nos contrées, John Swab (Ida Red et Run With the hunted) signe avec Candy Land, un film fréquemment rapproché du cinéma de Gregg Araki où la jeune Remy fuit son foyer fondamentaliste et trouve refuge dans une famille d’adoption singulière, composée de prostitué et prostituées squattant les alentours d’une station-service. A peine a-t-elle le temps de se faire à sa nouvelle vie que les meurtres s’accumulent. Un mélange de curiosité et d’excitation nous parcoure à l’idée de sa découverte. Le thriller japonais, Missing, dépeint comme cru et cruel promet un récit imprévisible est glauque, nous immergeant au côté d’un homme, Santoshi, ravagé par la mort de sa femme. Après avoir dit à sa fille qu’il partait sur les traces d’un tueur en série pour toucher la récompense, il disparaît. Le mystère ne fait que commencer. Film dont il vaut mieux en somme, en savoir le moins possible avant sa découverte, nous nous contenterons de vanter la réputation flatteuse du premier long de Shinzô Katayama, Siblings of the Cape. Dernier film de la compétition, UFO Sweden du collectif suédois Crazy Pictures se déroule en 1996. Huit ans après la disparition de son père, Denise entre en contact avec ses anciens compagnons ufologues et vient briser leur routine faite de cafés et de conversations à la fraîche. Et si l’obsession de son père pour les OVNIs avait un fondement ? Vendu comme à mi-chemin entre X-Files et Strangers Things, le film se détacherait de ses référents pour une approche plus européenne (qui ne veut pas forcément dire intellectuelle) interrogeant réalité et fantasme, afin de nourrir une vision de cinéma singulière.
Avant-première hors compétition un peu particulière pour un cinéaste chouchou du festival : La Légende de Baahubali et Baahubali 2 : la conclusion. En effet, sept ans avant le carton mondial inattendu de RRR (diffusé aux Hallus lors de l’édition précédente où il connu un accueil triomphal), S.S. Rajamouli versait déjà dans la démesure avec son diptyque Baahubali dont les deux volets seront projetés lors de séances événements. Jouant d’une iconisation extrême de ses héros déifiés, repoussant les limites du grand spectacle, le réalisateur offre un pur délire aux frontières de la fantasy et du récit mythologique, dont la dernière bataille marquera à n’en pas douter la rétine des spectateurs. À l’heure où le blockbuster hollywoodien s’enlise dans une uniformisation trop timorée, où les débordements ne sont plus à l’ordre du jour, Rajamouli pousse tous les potards à fond avec une réjouissante candeur. Entre scènes d’action démentes (ah ce catapultage de soldats…), romance et numéros musicaux kitsch, le festival s’apprête à vivre plus de cinq heures comme le cinéma occidental n’ose en rêver dans ses songes les plus fous.
Parmi les thématiques rétrospectives, En pleine rue tombe à point nommé dans le contexte de forte tension sociale que connaît la France, même si son contenu s’ancre pleinement dans la décennie 80 et à l’étranger. Classique du cinéma brésilien, d’un grand nom un peu trop oublié, Pixote, La Loi du plus faible d’Hector Babenco est au programme. Âgé d’à peine dix ans, Pixote est l’un des nombreux mineurs isolés qui écument les rues de São Paulo où criminalité, prostitution et drogue rythment le quotidien. S’échappant d’un centre de rétention avec quelques autres laissés pour compte, il n’a d’autre choix que de s’enfoncer dans une spirale de violence pour tenter de survivre… Dans un style ultra réaliste, l’auteur du Baiser de la femme araignée, dépeint un état sacrifiant sa jeunesse, abandonnant une partie des citoyens, plongés dans une violence quotidienne et légitimée par le pouvoir. Des enfants de la rue il en est aussi question, dans Streetwise de Martin Bell, inspiré du reportage Streets of the Lost publié dans le magazine Life en 1983. Cette même année 83, le réalisateur Tony Silver posait sa caméra dans les rues de New York pour se pencher sur un mouvement artistique apparu durant la décennie précédente : le hip-hop. En résulte Style Wars, un documentaire qui ausculte cette culture encore balbutiante au travers de ses deux disciplines fondatrices : le graffiti et le breakdance. Quarante ans plus tard, et alors que le rap est devenu la musique la plus écoutée à travers le monde, ce retour dans le passé est plus que bienvenu. Smithereens de Susan Seidelman, fiction autour de la scène punk underground new-yorkaise conclut la sélection.
Un Cabinet de curiosités riche de neuf films devrait offrir son lot de découvertes à sensations fortes mais aussi de classiques à revoir sur grand-écran. Oeuvre fondatrice du rape and revenge, remake officieux de La Source d’Ingmar Bergman (lui-même matrice du sous-genre), La Dernière maison sur la gauche est paradoxalement devenu assez rare (excepté une édition DVD parue il y plus de dix ans). En 1974, Wes Craven choquait l’Amérique avec un film brutal dont la violence, les excès gores et le malaise palpable (ainsi que la présence de certains comédiens issus du monde du porno) choquèrent les ligues de vertu du pays de l’Oncle Sam. Quasiment cinquante ans (et un remake réussi) plus tard, le thriller n’a rien perdu de sa puissance et de son pouvoir traumatique. Autre film programmé dans la sélection du Cabinet des curiosités, Combat Shock se pose en pur produit d’exploitation décomplexé. Néanmoins, sous ses atours mal-élevé, le long-métrage de Buddy Giovinazzo (présent pour cette séance ainsi que la projection de La Dernière maison sur la gauche) n’hésite pas à se frotter aux fantômes d’une Amérique rancunière. Le pays cherche alors à transformer sa débâcle vietnamienne en victoire héroïque (comme en témoignent les succès de Rambo 2, Portés disparus ou toute autre production Cannon de la grande époque). Le cinéaste italien, lui, attaque de front des sujets tels que la condition des vétérans ou encore les dégâts causés par l’Agent orange. Du cinéma bis, certes, mais qui n’hésite pas à frapper fort là où ça fait mal. Non, John G.Avildsen n’est pas seulement le réalisateur de Rocky et Karate Kid, il fut avant sa rencontre avec Sylvester Stallone l’auteur d’excellent films oubliés à l’image de Save The Tiger. En 1970, il signait Joe, c’est aussi l’Amérique, le récit de Bill Compton, un col blanc aisé, qui tue accidentellement le petit ami — et dealer — de sa fille après que celle-ci ait été hospitalisée suite à une overdose. Dans la foulée de l’incident, il rencontre dans un bar Joe, un ouvrier clamant sa haine des hippies. Vigilante méconnu dont nous apprenions l’existence l’an passé à la lecture du formidable essai de Yal Sadat consacré au genre, il nous tarde de nous retrouvé nez à nez avec ce film qui s’annonce passionnant. Pour l’occasion Sadat, ainsi que Jerome Dittmar accompagneront la projection et une rencontre-dédicace autour de Vigilante : La justice sauvage à Hollywood aura lieu. L’ouvrage Ringo Lam : L’incendiaire paru chez Aardwark Editions de Sebastien Lecoq bénéficiera du même événement ainsi que de la projection du Temple du Lotus Rouge. Un wu xia pian sombre et vénère du maître hongkongais, dont la filmographie peine à bénéficier de la reconnaissance qu’elle mérite. On jettera un œil attentif au Gloria Mundi de Nikos Papatakis, pamphlet autour des tortures commises durant la guerre d’Algérie, stylistiquement rapproché de la radicalité d’un Zulawski. Une œuvre rare dont la sortie fut marquée par des pressions et attentats perpétré par l’OAS, dépeint par son réalisateur lui-même comme un « film suicide ».
Parmi la sélection Déviations consacrée au réalisateur José Ramón Larraz, Whirlpool fait figure de curiosité pour le moins intrigante. Malsain et dérangeant, le long-métrage s’aventure sur le terrain du thriller transalpin tout en cultivant un rapport frontal et cru à la violence qui ne peut que satisfaire les amateurs d’un certain cinéma transgressif et déviant que nous sommes. Vampyres et Black Candles sont aussi au programme. Il y aura également la traditionnelle compétition de courts-métrages, une exposition de Vincent Bergeron qui restera au Comœdia du 4 Avril au 3 mai et plusieurs autres joyeusetés pour passer une folle semaine d’Hallucinations Collectives !
Infos complémentaires
Cinéma Comœdia
13 avenue Berthelot, 69007 Lyon
PLEIN TARIF : 9,80€
RÉDUIT : 7,70€
ENFANT (- DE 14 ANS) : 4,50€
CARTE COMOEDIA 6 PLACES : 39,60 / 43€
PASS INTÉGRAL FESTIVAL : 109,00€
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