La programmation de la cinémathèque de Toulouse, « Visions féminines, l’autre avant-garde du cinéma portugais” vient clôturer la “Saison France-Portugal 2022”. Du lundi 17 au samedi 29 octobre, elle offre une très belle sélection concoctée par la Cinémathèque portugaise de Lisbonne, qui se donne pour but, en 11 films rares, de révéler un cinéma qui ne nous est pas encore très familier. Et de le faire en promouvant ses artisans les moins visibles: les réalisatrices.
A l’intersection de ces deux territoires trop peu explorés se révèle un monde d’une grande richesse, auquel les projections de la Cinémathèque de Toulouse rendent justice. Un événement dont Culturopoing est fier d’être le partenaire.
Le panorama proposé est vaste: ce sont plus de 40 ans de films féminins qu’il permet d’embrasser, des années 70 à aujourd’hui.
Il n’existe pas un regard féminin portugais mais des sensibilités singulières, qui s’attachent à rendre compte du réel de manière toujours inattendue. Le voyage auquel nous sommes conviés nous mène du monde aristocratique du XVIIème siècle au quotidien contemporain des enfants des rues à Lisbonne, en passant par la Révolution des oeillets ou encore la guerre d’indépendance au Mozambique. On y explore les mystères de l’amour fou ( Fragile comme le monde, Rita Azevedo Gomes, 2001), les violences de l’emprise masculine (Relação Fiel e Verdadeira, Margarida Gil, 1987 et Le Rivage des murmures, Margarida Cardoso, 2004) ou de la société contemporaine ( Les Mutants, Teresa Villaverde, 1998). On y découvre les pièges du virilisme ( Nuvem, Ana Luísa Guimarães, 1991), les solitudes de l’enfance ( André Valente, Catarina Ruivo, 2003), les difficultés du passage à l’âge adulte (Glória, Manuela Viegas, 1999 et Kali, le petit vampire, film d’animation de Regina Pessoa dont il ne reste malheureusement que 9 minutes ).
A cette diversité de sujets répond la profusion des genres. Thriller, tragédie, conte, documentaire, animation, fable, récit onirique et fantastique : un tel foisonnement de langages cinématographiques ravit. Même lorsqu’ils semblent dialoguer avec des oeuvres mythiques (de Tristan et Iseut à West Side Story en passant par Bonnie and Clyde ou La Nuit du chasseur), les films frappent par leur capacité à créer des alchimies inédites. Le mouvement des choses (Manuela Serra, 1985) fait s’entrechoquer la fiction et le documentaire. André Valente mêle cinéma-vérité et conte initiatique. Le Rivage des murmures, mélo et drame politique, évoque dans un même mouvement la décolonisation et l’émancipation d’une femme.
Tràs-os-Montès est certainement un des films les plus attendus de la sélection. Jean Rouch y vit la révélation d’un langage cinématographique nouveau. Il s’agit d’un documentaire de combat sur la province la plus isolée et la plus lointaine de Lisbonne. Après la révolution des oeillets, Margarida Martins Cordeiro et António Reis y ont passé deux ans, filmant les visages, la terre, la vie quotidienne, créant un genre hybride qui navigue entre l’ode et le témoignage ethnographique.
On attend aussi avec impatience de découvrir les tableaux vivants de Relação Fiel e Verdadeira, qui emprunte son esthétique aux compositions médiévales; la façon dont le lyrisme presque opératique et l’art contemporain semblent s’épouser dans Fragile comme le monde. Et l’on est impatient de voir comment, dans la tragique balade de Dina et Django (1981), les Bonnie and Clyde portugais, Solveig Nordlund reprend les codes de la chanson de geste dans le contexte de la révolution des oeillets, ou encore comment Kali, le petit vampire, revisite une esthétique expressionniste.
Outre le cycle de projections, la Cinémathèque de Toulouse propose des lectures de poétesses ou encore des rencontres. C’est un événement rare!
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