Plus grand festival de cinéma de patrimoine au niveau mondial et plus gros événement du genre dans la métropole lyonnaise, la 14ème édition du Festival Lumière donnera incessamment sous peu son coup d’envoi. Après des crus 2020 et 2021 perturbés à divers degrés par la crise sanitaire, 2022 promets d’être l’année du retour à la normale et de festivités totales. L’annonce a été faite en juillet dernier, mais le 14ème récipiendaire du Prix Lumière se nomme Tim Burton, succédant ainsi à Jane Campion, aux frères Dardenne et à Francis Ford Coppola.
Auteur populaire qui connut le succès dès son premier long-métrage Pee-Wee Big Adventure, Burton a su traduire ses préoccupations par des propositions esthétiques et poétiques fortes, inspirées notamment par les courants gothiques et baroques, mais aussi parler à différents pans de la cinéphilie et s’adresser à plusieurs générations. Il laisse derrière lui des classiques intimistes tels qu’Edward aux mains d’argent ou Ed Wood, des œuvres personnelles (Big Fish) ainsi que des blockbusters qu’il est parvenu à remodeler à l’aune de ses obsessions personnelles à l’image de son formidable Batman : Le Défi. Réalisateur fidèle, son nom est associé à celui de Danny Elfman, qui a composé la bande-originale de la plupart de ses films, ainsi que des acteurs tels que Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Michael Keaton ou plus récemment Eva Green. En plus de trente-cinq ans d’exercice, il a réalisé pas moins de dix-neuf longs-métrages, est passé de l’artiste marginal à celui de véritable rockstar du cinéma. Si l’évolution de sa carrière, n’a pas manqué de diviser ses plus fervents défenseurs, nous faisons partie de ceux qui considèrent ses trois dernières réalisations comme autocritiques et en net regain de forme. Bref, un prix légitime et d’envergure pour un auteur qui aura finalement régulièrement été célébré après coup (Prix spécial pour l’ensemble de sa carrière à Annecy en 2006, Lion d’or pour l’ensemble de son oeuvre à la Mostra,…), plutôt de connaître la consécration sur un film en particulier. En 2010, il présida le jury de la 63ème édition du Festival de Cannes qui décerna la Palme d’or à Apitchatpong Weerasethakul pour Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures.
Cinéaste majeur de l’histoire du septième art, estampillé 70’s dans l’inconscient collectif, Sidney Lumet a pourtant parcouru cinquante ans de cinéma américain. Le festival mettra à l’honneur le cinéaste à travers une rétrospective non exhaustive qui sera l’occasion de se pencher sur ses classiques monumentaux (le séminal Douze hommes en colère, Network, Serpico ou Un Après-midi de chien), mais aussi sur des films plus méconnus. Parmi ceux-là, notons les projections du triptyque qu’il tourna avec Sean Connery, composé des excellents La Colline des hommes perdus, Le Gang Anderson et surtout l’hallucinant The Offence, polar désespéré à la noirceur terrifiante. Autre long-métrage méconnu qui mérite notre attention, L’Homme à la peau de serpent, adaptation de Tennessee Williams mettant en scène Marlon Brando et Anna Magnani, qu’il réalise en 1960. Enfin, comment ne pas citer son ultime et bouleversant 7h58, ce samedi-là qui synthétise de la plus belle des manière toutes les obsessions du metteur en scène.
Autre grand nom à l’honneur, celui de Louis Malle dont l’œuvre se situe au croisement de plusieurs tendances telles que la Nouvelle Vague et le cinéma indépendant américain. Une filmographie riche qu’il sera possible de redécouvrir sur grand-écran, avec pour l’occasion plusieurs restaurations inédites de Gaumont qui ressortiront en salles au moins de novembre distribuées par Malavida. Des classiques multicélébrés comme Ascenseur pour l’échafaud ou Le Feu Follet, en passant par son incursion fantastique, Black Moon ou le formidable Milou en Mai, qui reste l’une des rares apparitions au cinéma du regretté ex-Nuls, Bruno Carette.
L’histoire permanente des femmes cinéastes se penchera cette année sur Mai Zetterling. Actrice suédoise ayant notamment tourné à deux reprises pour Ingmar Bergman (Tourments et Musique dans les ténèbres), elle devient réalisatrice à partir des années 60. Les Amoureux (1964), Jeux de nuit (1966), Les Filles (1968) et Amorosa (1986) seront projetés et à découvrir durant la manifestation. Beaucoup plus connus pour ses films américains ( le très bon La Chevauchée des bannis fut d’ailleurs projeté lors de l’édition 2017) que ses réalisations européennes, André De Toth bénéficie d’un coup de projecteur tout particulier. Les cinq films qu’il réalisa au cours de la seule année 1939 en Hongrie vont tous être diffusés en copies restaurées. Le polar 5 heures 40 , la chronique féminine Deux filles dans la rue, la biographie historique La Vie du docteur Semmelweis, le mélodrame Les Noces de Toprin ou encore la fable morale Six semaines de bonheur.
Plusieurs invités de poids complètent cette programmation, James Gray présentera son nouveau film, Armageddon Time et se verra également mis à l’honneur à travers la projection de certains de ses longs-métrages. Le festival sera donc l’occasion de revoir son matriciel, et trop rare, Little Odessa, qui posait les bases de toutes son œuvre à travers des thématiques telles que la filiation, le déterminisme familial, les liens fraternels… En outre, le cinéaste new-yorkais participera à une masterclass le dimanche 16 octobre au Pathé Bellecour. S’il était reparti bredouille de la croisette en 2018 avec son impressionnant Burning, Lee Chang-dong n’avait pas manqué de marquer les esprits. Il donnera lui aussi une masterclass tandis que Peppermint Candy, Oasis (prix de la meilleure réalisation et de la meilleure actrice lors de la Mostra de 2002), Poetry (Prix du scénario au festival de Cannes 2010, décerné par le jury présidé par Tim Burton) et Burning feront l’objet de plusieurs séances. La projection unique du documentaire d’Alain Mazars, Lee Chang-dong : un art de l’ironie, sera précédée d’un court-métrage inédit réalisé en 2022 : Heartbeat. Comédienne populaire du cinéma français des années 70, Marlène Jobert a droit à un hommage composé d’une masterclass, de la projection du documentaire de Dominique Besnehard, C’est moi…Marlène Jobert et de trois films de choix : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages de Michel Audiard, Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat et Le Passager de la pluie de René Clément. Ce dernier, scénarisé par Sébastien Japrisot, confronte l’actrice à un Charles Bronson pas encore starifié, dans un jeu de chats et de la souris oscillant entre le thriller, la romance est la comédie, dérivant vers le fantastique et l’onirisme. Grand succès en 1970, lauréat du Golden Globe du meilleur film étranger, il est pourtant devenu rare sur grand-écran : ne ratez pas cette occasion.
Le Festival Lumière ne se contente pas de célébrer les films passés mais fera une fois de plus la part belle aux avant-premières en présence d’invités de poids. Quelques mois après l’incroyable Nightmare Alley, Guillermo Del Toro déjà à l’honneur lors de l’édition 2017 dévoilera son Pinocchio en stop-motion co-réalisé aux côtés de Mark Gustafson (directeur de l’animation sur Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson). Attendu sur Netflix le 9 décembre, le réalisateur de La Forme de l’eau transpose le classique de Carlo Collodi aux temps du fascisme italien. Autre grand nom du cinéma mexicain, Alejandro González Iñárritu viendra pour la première fois en terres lyonnaises. Absent depuis The Revenant en 2016, il présentera en avant-première (sortie sur Netflix le 16 décembre) son nouveau film, Bardo, fausse chronique de quelques vérités qui marque son retour au Mexique vingt-deux ans après Amours Chiennes. Après une projection à la Mostra en septembre, le cinéaste est retourné en salle de montage pour raccourcir son film, le Festival Lumière permettra de découvrir ce nouvel opus dans sa mouture finale. Prix du Jury lors du dernier Festival de Cannes avec Eo, Jerzy Skolimowski présentera son OVNI ainsi que son troisième long-métrage, La Barrière (1966) qui figure dans la catégorie Trésors et curiosités de Lumière Classics. Cinéaste chilien remarqué successivement avec Gloria et surtout Une femme fantastique qui lui permit de décrocher l’Oscar du meilleur film étranger en 2017, Sebastián Lelio, présentera The Wonder (le 16 Novembre sur Netflix). Après deux expériences américaines au bilan contrasté, l’intéressant Désobéissance et un auto-remake dispensable de Gloria, on espère retrouver le réalisateur à son meilleur. Atout non négligeable, l’excellente Florence Pugh tient le rôle principal ! Cinéaste ami du festival, Nicolas Winding Refn dévoilera en avant-première les 6 épisodes de sa série policière Copenhagen Cowboy, attendue ultérieurement sur Netflix, il présentera également Thérèse et Isabelle de Radley Metzger, adaptation d’un roman de Violette Leduc, dans une copie restaurée qu’il a financée.
Du côté des sections rétrospectives, le label Cultes !, donnera comme son nom l’indique à revoir des films cultes des années 90 et 2000, avec notamment Pulp Fiction, La Haine, Lost Highway, Scream et Fight Club. Pour les adeptes d’un cinéma moins contemporain, il faudra jeter un œil aux grands classiques du Noir et Blanc, où l’on retrouve par exemple Casablanca, Casque d’or et Psychose. Quelques mots maintenant sur un petit panel d’événements et de films qui attirent notre curiosité, à commencer par la projection en avant-première de la copie restaurée du très rare Reds de Warren Beatty près de quarante ans après sa sortie. Une fresque au casting royal, qui outre Beatty, rassemble Jack Nicholson, Diane Keaton, Paul Sorvino et Gene Hackman. Kyle Eastwood rendra hommage à son père, accompagné de son quintet pour Eastwood Symphonic à l’Auditorium de Lyon pour la première mondiale d’un road movie musical au sein duquel seront jouées des musiques de la filmographie de l’interprète de Dirty Harry. Enfin Lumière Classics, rassemblera certaines des plus belles restaurations de l’année avec des œuvres méconnues et excitantes mais aussi des films plus renommés. Côté français, le très réputé Remorques de Jean Gremillon et La Rupture de Claude Chabrol, semblent incontournables sans oublier Mes petites amoureuses de Jean Eustache, quelques mois après la ressortie triomphale de La Maman et la putain. Moins rare, mais assurément indémodable, Mauvais Sang de Leos Carax figure également au programme. Du côté des films étrangers, on ira découvrir avec impatience The Long Night d’Anatole Litvak et Lúcio Flávio, l’ennemi public n°1 d’Hector Babenco (réalisateur du Baiser de la femme araignée) ainsi que Buck et son complice, western réalisé par Sidney Poitier en 1972. Événementielles les projections en toutes nouvelles restaurations de Larry Flynt de Milos Forman et The Outsiders : The Complète Novel de Francis Ford Coppola, soit deux anciens Prix Lumière. Ordet l’un des chefs-d’œuvre de Carl Theodor Dreyer, qui sera de retour dans les salles françaises le 9 novembre, aura droit à une diffusion en avant-première.
On vous laisse désormais le soin de creuser davantage cette faste programmation dans son entièreté et préparer méticuleusement votre festival !
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