45e anniversaire du Festival International de Films de Femmes de Créteil

Cette année, le Festival International de Films de Femmes de Créteil fête son 45e anniversaire. À cette occasion aura lieu une itinérance d’archives de son matrimoine, autour de 45 films choisis par l’équipe de programmation et le public, qui seront projetés pendant le festival, mais aussi après, dans les salles partenaires et sur la plateforme Festival Scope. Du vendredi 24 mars au dimanche 2 avril prochain, projections, colloques, ateliers et autres rencontres mettront à l’honneur, comme toujours, les engagements artistiques et politiques de femmes du cinéma. Pour cette édition 2023, les créations et les personnalités choisies œuvrent toutes à étayer le thème de ce 45ème Festival, « La fabrique de l’émancipation ».

Les invitées d’honneur : Agnès Jaoui, Rebecca Zlotowski et Coline Serreau

Les invitées de l’année seront l’actrice-réalisatrice-scénariste française multirécompensée Agnès Jaoui, à qui le traditionnel autoportrait du festival sera dédié ; la cinéaste Rebecca Zlotowski ; et la comédienne-scénariste-compositrice Coline Serreau. Trois femmes artistes qui, chacune à leur manière, façonnent leur cinéma de la liberté, un art affranchi et singulier, avec un regard franc, militant et poétiquement aventureux. On se souvient d’Agnès Jaoui notamment grâce aux films d’Alain Resnais tels que Smoking / No smoking, ou grâce à son inoubliable duo avec Jean-Pierre Bacri, comme pour le scénario de On connaît la chanson (Alain Resnais, 1997), qui exprime avec une théâtralité proche de l’absurde, à la fois drôle et mélancolique, des questionnements métaphysiques autour du temps, du hasard ou de la mort. Une écriture qu’Agnès Jaoui ne manquera d’ailleurs pas de renouveler, sous un prisme sociologique à la Bourdieu, en 2000 dans Le goût des autres, primé aux Oscar du Meilleur Film Étranger.

Agnès Jaoui

Pour ce 45e anniversaire du FIFF de Créteil, l’autoportrait dédié à Agnès Jaoui se composera de sa leçon de cinéma enregistrée en public, le dimanche 26 mars, mais aussi de sa carte blanche : Aurore de Blandine Lenoir (2017, avec Agnès Jaoui en premier rôle), manifeste féministe sur l’âge de péremption des femmes aux yeux de la société patriarcale ; Pourquoi pas ! de Coline Serreau (1977), comédie dramatique sur les relations bisexuelles et polyamoureuses ; Sois belle et tais-toi de Delphine Seyrig (1981), documentaire fondateur où la réalisatrice interroge vingt-quatre actrices françaises et américaines sur leur expérience en tant que femme dans le milieu du cinéma ; Mi vida sin mi d’Isabel Coixet (2003), chronique d’une femme condamnée à une maladie mortelle ; À mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana Obermeyer (2017) huis-clos féminin dans un Alger en proie à la montée de l’islamisme, où femmes de tous milieux sociaux conversent sur leur condition dans un hammam ; et Au bout du conte, d’Agnès Jaoui (2013), satire sociale jonglant avec les codes et les personnages traditionnels des contes de Perrault. À noter qu’une projection de son film Comme une image (2004) aura également lieu : un récit polyphonique empreint d’allusions à la dictature du paraître, film qui vaudra d’ailleurs un clin d’œil, huit ans plus tard, de la part de Wes Anderson, qui reprend dans sa bande-originale la musique du générique de début de Comme une image dans Moonrise Kingdom.

Femme en costume (Agnès Jaoui), assise derrière un bureau, regardant vers le bas en faisant la moue

Agnès Jaoui dans son film Comme une image – Copyright Mars Distribution

Rebecca Zlotowski

Deuxième invitée d’honneur au Festival International de Films de Femmes de Créteil, la cinéaste Rebecca Zlotowski présentera sa masterclasse en partenariat avec « Les masterclasses de France Culture », ainsi qu’une intervention à la table ronde « Les lundis de l’INA », sur « le style, l’écriture cinématographique, l’origine et la source de l’inspiration » le lundi 27 mars. La réalisatrice, invitée à composer sa carte blanche pour ce 45e festival, a choisi Suburbia de la cinéaste américaine Penelope Spheeris (1984), notamment connue pour sa trilogie documentaire The Decline of Western Civilization, sur la scène musicale punk et metal à la fin du XXe siècle à Los Angeles. Suburbia est son premier film de fiction, un thriller sur le parcours de jeunes punks émergents. La projection sera suivie d’une rencontre avec Lola Quivoron, réalisatrice de Rodéo sorti en 2022. Le même jour sera également projeté Une fille facile de Rebecca Zlotowski : primé au Festival de Cannes 2019 avec le Prix SACD de la Quinzaine des réalisateurs, le film se pose comme un véritable manifeste sur les rapports de forces entre les classes sociales.

Deux jeunes personnes allongées sur une plage de galets, se regardant en riant affectueusement

Lakdhar Dridi et Mina Farid dans Une fille facile de Rebecca Zlotowski – Copyright ulian TORRES / Les Films Velvet

Coline Serreau

Enfin, la troisième invitée de cette édition anniversaire, Coline Serreau, amie de longue date du FIFF, sera présente pour intervenir lors de la table ronde « Eco-féminisme » avec Nicole Giguère, réalisatrice de Prisons sans barreaux, sur l’hypersensibilité environnementale. Militante pour la cause écologique comme celle des femmes, Coline Serreau, réalisatrice à succès notamment grâce à Trois hommes et un couffin (1985), est aussi une passionnée de théâtre et de musique :  elle a été metteuse en scène de plusieurs pièces, comme L’Ecole des femmes de Molière en 2006,  ainsi que de pièces d’opérette et d’opéra (Le Barbier de Séville en 2002), compositrice de musique de deux de ses films, et dirige depuis 2003 sa propre chorale. Son film Pourquoi pas ! ainsi que La Belle Verte, conte philosophique écrit sous le point de vue d’une planète imaginaire, contemplant la misère et la déchéance du peuple terrien, seront également projetés le mardi 28 mars.

Trois visages en gros plan : un homme se faisant embrasser sur chaque joue par un autre homme et une femme

Christine Murillo, Sami Frey et Mario Gonzalez dans Pourquoi pas ! de Coline Serrea – Copyright Le Chat qui fume

Le thème de « La Fabrique de l’Emancipation » se déploie ainsi à travers un programme foisonnant de créations à la fois engagées —récit de conditions féminines— (À mon âge je me cache encore pour fumer ; Sois belle et tais-toi ; Un fille facile), poétiquement singulières (Au bout du conte ; La Belle Verte) et, au-delà de leur sujet, des moyens mêmes de positionnement politique : l’émancipation ne se figure pas seulement dans le contenu créatif de ces films, dans une perspective de renouveau narratif et thématique, mais aussi dans l’acte même de réaliser un film en tant que femme. À ce titre, rien de plus significatif que cette soirée d’ouverture du Festival, le vendredi 24 mars, avec la projection du documentaire Jane Campion, La Femme Cinéma de Julie Bertuccelli.

« Grande Classique » : Musidora

Comme chaque année, le Festival International de Films de Femmes de Créteil met à l’honneur une grande figure du cinéma occultée de la mémoire collective cinématographique : « Grande Classique ». À cette occasion, un hommage sera consacré à Musidora, autour d’une table ronde —Musidora qui êtes-vous ?— et de deux projections de ses films. Musidora, de son nom de naissance Jeanne Roques, était une actrice et réalisatrice française, muse des surréalistes André Breton et Louis Aragon, notamment grâce à son rôle d’Irma Vep (anagramme de « vampire ») qui l’a fait connaître dans la série Les Vampires de Louis Feuillade (1905), d’ailleurs reprise par Olivier Assayas dans son film Irma Vep (1996). Férue de l’écrivaine Colette, Musidora a adapté deux de ses romans, L’ingénue libertine (Minne de Musidora) et La Vagabonde (1916-1917), avant de finir par s’installer en Espagne où elle a réalisé quatre films, dont La tierra de los toros, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, sur les éleveurs de taureaux pour la corrida en Andalousie ; et Pour Don Carlos, drame situé dans le décor espagnol de la fin du XIXe siècle, à l’heure de la troisième guerre carliste. Les projections de ces deux films auront lieu le mercredi 29 mars. Cet hommage à Musidora ne manquera pas de rendre compte à la fois de sa polyvalence cinématographique (actrice, réalisatrice, costumière, puis productrice avec sa propre société), mais aussi des mouvements sociaux et culturels dans lesquels elle s’est inscrite (surréalisme), ainsi que ses talents d’historienne et d’enquêtrice avec ses films tournés en Espagne.

Femme en combinaison noire couchée sur un long fauteuil (photo en noir et blanc)

Musidora dans Les Vampires de Louis Feuillade – Copyright La Cinémathèque française

Une nouveauté anniversaire s’est ajoutée au programme de cette 45e édition du Festival de Films de Femmes : le Jury SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), en plus des Jury fiction et documentaire. Un colloque sur « La Fabrique de l’Emancipation » aura également lieu le jeudi 30 mars, et sera mené par l’historienne Michelle Perrot, militante féministe depuis 1968, en compagnie de Geneviève Sellier, Professeure émérite en études cinématographiques.

Annie Ernaux : Soirée événement et signature

Prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux sera aussi présente au Festival lors d’une soirée événement et signature avec la cinéaste Michelle Porte, connue pour sa spécialité de réaliser des films-documentaires autour d’écrivaines célèbres (Marguerite Duras, Virginia Woolf, Françoise Sagan). À cette occasion, son film Les mots comme des pierres. Annie Ernaux, écrivain sera projeté le jeudi 30 mars, suivi d’une rencontre avec la réalisatrice. Pour poursuivre dans cette mise en lumière d’Annie Ernaux, la projection de son film réalisé avec son fils David, Les années super 8, aura lieu le jeudi 30 mars au Cinéma La Lucarne. Rien de tel que le parcours littéraire d’une Annie Ernaux ayant été jusqu’à créer son propre genre, l’autosociobiographie, pour donner tout son sens au thème de « La Fabrique de l’Emancipation » : de son expérience individuelle, elle a produit de véritables manifestes sociologiques sur l’existence des femmes dans la société patriarcale et capitaliste, en œuvrant toujours à « retrouver la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle » —la société de consommation (Regarde les lumières mon amour) ; le mariage (La femme gelée) ; l’avortement (Les armoires vides ; L’événement) ; le secret de famille (L’autre fille) ; l’adolescence (Ce qu’ils disent ou rien). L’événement, film d’Audrey Diwan d’après le roman d’Annie Ernaux, sera projeté le jeudi 30 mars.

Femme et deux enfants sur un bateau

Les années super 8 de Annie Ernaux – Copyright Les Fillms Pelleas

« Elles font genre » 

Depuis l’année dernière, le Festival a introduit une section « Elles font genre », mettant en lumière films et réalisatrices composant avec le fantastique dans ses formes les plus diverses. Cette année, une rétrospective sera consacrée à la cinéaste canadienne d’origine haïtienne Miryam Charles : passionnée par les thématiques des origines, de la mémoire et du surnaturel, elle a réalisé une série de courts métrages redonnant la voix à ses ancêtres trop peu représentés dans le cinéma québécois. En caméra 16 mm, ses films conservent un grain à l’image particulièrement riche, avec un relief propre à susciter un onirisme teinté de nostalgie. Refusant toute linéarité narrative, Miryam Charles évoque un voyage dans les souvenirs et transfigure le réel, par un processus créatif qui s’appuie sur un travail sonore préalable : dans son cinéma, les images se construisent à partir des sons. Ses courts Vole, vole tristesse (2015, 6’) ; Vers les colonies (2016, 5’) Une forteresse (2018, 5’) ; Drei Atlas (2018, 7’) ; Second Generation (2019, 5’) et Chanson pour le Nouveau-Monde (2021, 9’) seront projetés le samedi 25 mars, ainsi que son premier long métrage, Cette maison (2022), docu-fiction expérimental autour d’une mort mystérieuse.

photo d'une mer ensoleillée

« Vers les colonies » de Myriam Charles – La Distributrice de films © 2015

Au programme de « Elles font genre » auront lieu également une projection en séance augmentée du film Ego de Hanna Bergholm, suivie d’un « Game concert » réalisé par l’artiste Isabelle Moricheau (séance de jeu vidéo en live, avec un accompagnement musical). Ego exploite le fantastique par la représentation de conséquences surnaturelles à l’issue d’une mère tyrannique à l’égard de sa fille. Trois cartes blanches poursuivront ce voyage au cœur du fantastique : Atlantique de Mati Diop, chronique poétique et teinté de fantastique franco-belgo-sénégalaise sur la fuite d’ouvrier maltraités de Dakar (sélection de Margaux Lorier) ; Huesera de Michelle Garza Cervera, Rosemary’s Baby péruvien (Shadowz.Fr — plateforme de streaming dédié aux films d’épouvante) ; et Jennifer’s body de Maryn Kusama, comédie d’horreur adolescente (Smell Like Teen Spirit Festival — festival de teen movies). Une belle occasion de découvrir des pans singuliers et dépaysants du fantastique, allant de l’onirique à l’horreur.

Invitées historiques : Lizzie Borden et Margarethe Von Trotta

Pour son anniversaire, le FIFF consacrera une traversée historique de son matrimoine, au travers de 45 films choisis par les programmateurs du Festival, mais aussi du public. À cette occasion, le Festival rendra hommage à deux invitées historiques, Lizzie Borden et Margarethe Von Trotta. Au programme, trois films de Lizzie Borden, cinéaste américaine féministe qui sera présente au Festival : Born in Flames (1983), une dystopie militante antiraciste et féministe ; Regrouping (1976) documentaire sur le féminisme radical autour d’un collectif artistique féminin ; et Working Girls (1986), long métrage de fiction autour de travailleuses du sexe dans un bordel de Manhattan. Quant à la filmographie de Margarethe Von Trotta, Le second éveil de Christa Klages, portrait d’une jeune femme en cavale après avoir braqué une banque (1978) ; Les années de plomb (1982), sur deux sœurs dans l’Allemagne de l’après-guerre qui s’engagent chacune dans des formes divergentes de militantisme  ;  et le biopic Rosa Luxemburg (1986) seront mis à l’honneur. Pour compléter la sélection des 45 films-archives du Festival, La femme de l’hôtel de Léa Pool, choix du public, sera également projeté.

Photo en noir et blanc de deux femmes noires discutant

Born in flames de Lizzie Borden

Soirées spéciales

Voilà un programme particulièrement éclectique et cohérent autour de « La Fabrique de l’Emancipation », thème qui se poursuivra lors de la Soirée « droits des femmes », le mardi 28 mars, lors d’une avant-première Noémie dit oui de Geneviève Albert, en sa présence. Le film traite d’une jeune femme de quinze ans vivant en foyer, qui finit par fuguer lorsqu’elle comprend qu’elle ne pourra plus jamais compter sur le soutien de sa mère. Dehors, elle se perd dans des fréquentations douteuses, et tombe dans le piège d’un proxénète, la faisant alors plonger dans un monde de violence infernale. Dans un tout autre registre, la soirée Arte du Festival prévoit aussi une projection d’un documentaire de Sonia Gonzalez, Des femmes face aux missiles, sur l’histoire des Greenham Women, militantes pacifistes ayant occupé une base militaire britannique en réponse au stockage de missiles nucléaires américains.

femme blanche levant les bras face à un ciel bleu avec quelques nuages

Kelly Depeault dans Noémie dit oui de Geneviève Albert – Copyright Wayna Pitch

Programme jeune public

À noter qu’une programmation jeune public est également prévue : Dounia et la princesse d’Alep, de Marya Zarif et André Kadi (film d’animation sur l’exil, aux confins du merveilleux) ; About Kim Sohee de July Jung ; Lettre à l’enfant que tu nous as donné de Charlotte Silvera ; My love affair with marriage de Signe Baumane (film d’animation sur Zelma, une jeune femme qui se découvre un pouvoir extraordinaire).

Le Festival International de Films de Femmes de Créteil aura lieu à la Maison des Arts de Créteil et au cinéma La Lucarne (94), du vendredi 24 mars (soirée d’ouverture), au dimanche 2 avril 2023 (soirée de clôture).

 

Le calendrier du festival : https://filmsdefemmes.com/wp-content/uploads/2023/03/GRILLE-web.pdf 

La programmation complète : https://filmsdefemmes.com/wp-content/uploads/2023/03/PETIT-PROG-FINAL.pdf

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A propos de Eléonore VIGIER

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