Mostra de Venise 2024 – Compte-rendu n°1

Après une édition 2023 marquée par la grève des auteurs, et donc désertée par les grandes stars, la Mostra a pu retrouver des couleurs, comme tous les festivaliers présents dont la peau a vite bronzé dans un climat presque caniculaire.  Bizarrement méprisé par une certaine presse française qui s’entête à vouloir lui préférer Cannes , le plus vieux festival du monde garde pourtant toute son attractivité, son ouverture à tous les styles de cinéma, et son ambiance bien moins stressante.

Le choix de BEETLEJUICE BEETLEJUICE comme film d’ouverture pouvait presque décevoir. Il faut dire que les derniers films de Tim Burton, mécaniques et désincarnés, n’étaient pas très enthousiasmants.  Quelle heureuse surprise de retrouver un Tim Burton revigoré, joyeux, comme s’il était enfin sorti d’une longue dépression.  La suite de son deuxième film, sorti en 1988, reprenant une partie du casting (malgré l’absence d’Alec Baldwin et Geena Davis)  s’avère un film très personnel, qui semble s’épanouir dans ce retour aux sources, comme pour mieux y retrouver une deuxième jeunesse. Derrière cet apaisement bienvenu, on y sent aussi toute une volonté de régler des comptes avec toutes les toxicités qui ont pu atteindre l’artiste, autrefois marqué par ses relations conflictuelles avec Disney. Comme dans un film féministe, les hommes ont souvent le mauvais rôle et on assistera finalement à une belle sororité au sein des trois générations de la famille Deetz (Winona Ryder, Jenna Ortega et Catherine O’Hara).  Sans atteindre les sommets d’un EDWARD AUX MAINS D’ARGENT,  Tim Burton renoue avec un authentique plaisir créatif qu’il semblait avoir perdu, à se demander si son histoire d’amour avec Monica Bellucci et son éloignement de Johnny Depp n’y seraient pas pour rien (leur relation, autrefois si brillante, serait-elle devenue toxique avec l’âge?).  Malgré une surcharge d’intrigues et de personnages secondaires, cette fantaisie macabre marque un retour à la mort joyeuse, ne se privant pas de citer littéralement Mario Bava. C’est gratifiant de retrouver intacte la fantaisie morbide de Burton et de se rappeler pourquoi on l’avait tant aimé.

Passons maintenant à DISCLAIMER, la série de luxe d’Apple TV dont les 7 épisodes ont tous été projetés en deux parties.  C’était peu dire que cette série étant attendue : le retour d’Alfonso Cuarón à la mise en scène depuis ROMA (Lion d’Or à Venise en 2018), Emmanuel Lubezki et Bruno Delbonnel à la photo, un casting alléchant avec Cate Blanchett, Kevin Kline, Sacha Baron Cohen et Lesley Manville.  Cette adaptation d’un roman de Renée Knight semblait promettre un mélange excitant et mystérieux entre le thriller et le drame psychologique. Hélas, malgré un certain soin formel, c’est un gros sentiment de gâchis et de lourdeur qui domine après ces 5h30 démonstratives qui sonnent comme un gros pensum interminable sur la fragilité de la vérité et des relations humaines.  Bien sûr, on comprend ce qui a pu passionner Cuarón dans ces thématiques très actuelles (coucou les réseaux sociaux, coucou la cancel culture), en explorant le décalage impitoyable entre la vérité et les certitudes, mais Cuaron n’avait pas vu venir un autre décalage : celui entre la superficialité du récit et l’ambition du fond.   A trop vouloir se croire pertinent et provocateur (la fameuse scène de sexe, aussi horny que ridicule, va beaucoup faire parler), DISCLAIMER, qu’on aurait aimé adorer pour son message salutaire contre toute mauvaise foi, contre toute réinterprétation négative et nuisible, semble bêtement plombé par une sorte de jugement moral envers ses personnages, finalement trop antipathiques pour qu’on éprouve pour eux une sorte d’empathie.  On avait beaucoup admiré Cuarón pour la virtuosité formelle de ses films, mais cette série TV nous rappelle cruellement qu’il n’est peut-être pas le cinéaste le plus subtil qui soit, et qu’il est plus à l’aise dans le grand spectacle que dans le thriller langien ou le drame intimiste à la Bergman (la jalousie sexuelle du mari est on ne peut plus signifiante).  Malgré tout, on se demande si un nouveau montage resserré (par exemple pour en faire un film de 2h30) ne serait pas une meilleure idée, car il y a un réel potentiel derrière tout ça.

La suite bientôt …

Partie 2

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