Consacré par un Lion d’Or mérité, qui est d’ailleurs, croyez-le ou non, le premier prix majeur dans un festival qu’ait jamais obtenu Almodóvar, THE ROOM NEXT DOOR est bien évidemment une splendeur, un mélodrame d’une délicatesse absolue. Pour son premier long métrage en langue anglaise, après deux tentatives dans le court métrage, belles mais frustrantes car trop courtes, Almodóvar raconte les retrouvailles à la fois douces et douloureuses de deux amies qui s’étaient perdues de vue. Il y a donc Martha (géniale Tilda Swinton), atteinte d’un cancer, qui veut donc mettre fin à ses jours. Elle propose donc à Ingrid (magnifique Julianne Moore) de passer quelques jours dans une somptueuse maison de campagne et de l’assister dans son suicide, ce qui est d’autant plus risqué que l’euthanasie est interdite aux USA. Mais loin l’idée de faire un film à thèse (même si on se doute bien que les médias s’en serviront comme prétexte pour débattre de ce sujet épineux), Almodóvar choisit simplement la voie de l’épure narrative avec une admirable subtilité, même quand il a encore recours aux flash-backs qu’il détourne avec malice comme des souvenirs lointains. Depouillé de son sens de l’artifice romanesque qui traversait jadis son oeuvre, son cinéma n’a jamais semblé aussi simple et grave, approfondissant la veine beaucoup plus intime de ses derniers films. Grand film de fantômes, THE ROOM NEXT DOOR est une méditation amère et bouleversante sur l’acceptation de la mort, mêlé d’un constat lucide sur ce curieux sentiment de fin du monde qui traverse notre époque troublée, où les citations à Edward Hooper et à « The Dead » de James Joyce (et au film de John Huston) sont magnifiquement amenées. Le désir d’aimer et le désir de mourir.
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I’M STILL HERE (Je suis toujours là) marque le retour de Walter Salles après 12 ans d’absence. Dans le Rio des années 70, un ingénieur père de famille est kidnappé par la dictature militaire et sa femme ne parvient plus à avoir de ses nouvelles. Nous suivons donc sa détermination et son combat acharné pour la recherche de la vérité, qui la poursuivra toute sa vie. Alors oui, le sujet est fort et Fernanda Torres livre une peformance digne et solide, et même si on peut être intrigués au début, on finit par s’ennuyer ferme devant le côté académique, édifiant et finalement larmoyant de ce film qui semble avoir décidé que son sujet politique comptait finalement plus que des idées de cinéma.
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En évoquant la disparition inquiétante de deux jeunes filles dans la Belgique des années 90 et la traque obsessionnelle d’un jeune gendarme, MALDOROR de Fabrice Du Welz se rêve un peu trop comme l’équivalent belge du ZODIAC de Fincher pour raconter une enquête qui piétine, confrontée aux dysfonctionnements du système policier (de loin le point le plus intéressant du film). Ca se voudrait sombre comme les polars sans concessions des anneés 70, mais c’est d’une platitude assez terne dans sa forme, voire même d’une prétention un peu agaçante dans sa longueur excessive, malgré la performance assez convaincante et habitée d’Anthony Bajon. (PS : vous trouverez un autre avis bien plus enthousiaste sur Culturopoing dans le compte-rendu de l’Etrange Festival).
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Auteur de quelques documentaires remarqués (Senna, Amy, Maradona), Asif Kapadia se lance avec 2073 dans l’exercice du message d’alerte, mais se plante complètement dans ses partis-pris superficiels pour nous expliquer à quel point le monde va mal et pourquoi l’apocalypse risque fort de nous attendre (merci, mais tout cela, l’actualité déprimante ne cesse de nous le rappeler chaque jour). Le mélange assez grandiloquent d’interviews et d’archives avec une part fictionnelle, une dystopie cheap et assez banale dans son imagerie post-apo, n’arrive pas à convaincre. Si on partage le triste constat sur l’anéantissement de la démocratie et la liberté individuelle, on ne voudrait pas que la création artistique en fasse aussi les frais.
La suite (et fin) bientôt.
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