Du 12 au 22 mars dernier, s’est tenu en ligne le festival LGBT Queerscreen de la plateforme du même nom, avec Jocklife site gay, comme partenaire. Un mini festival quasi exclusivement gay, dix sept films en tout, longs et courts. Pour se consoler de l’absence de Chéries Chéris, cru 2020 ? Du manque pénible d’un grand écran ? De la morosité tenace comme la covid ? Reste des impressions mitigées à sa clôture. Certaines, pour les plus mésaventureuses, sont liées au contexte à la fois drastique et incertain, que traverse tout le cinéma.
Préférer regarder « le verre à moitié plein » apaise le festivalier qui a eu enfin « son film », même devant un petit écran. Et heureusement, cette programmation aura permis de découvrir, « en avant première dans son canapé », le dernier film de Bruce LaBruce, Saint Narcisse. Revigorant comme un seau rempli de glaçons sur la tête, et stimulant comme de marcher sur des braises encore chaudes.
Saint-Narcisse est une comédie romantique, ça c’est dit. Se jouant du mélodramatique, du dramatique, de la religion, de la filiation, de la sexualité, du fantasmatique, du rêve, de l’inceste, des années 70, etc. N’en jetez plus ! Saint-Narcisse n’est pas porno (au sens pornhub), mais il est d’une grande puissance sexuelle. Le film explore des sujets tabous, comme toujours avec LaBruce, à travers le pseudo réel de son histoire, les rêves, les fantasmes, etc.. Au spectateur de faire avec. Après quarante ans de cinéma, le réalisateur possède toujours une forme de subversion reconnaissable, de queer telle une convention politique, pour raconter ses histoires où le sexe tient encore une bonne place. Même s’il est devenu plus, comment dire, admis, formel, reconnu, plus manifeste. Surtout au Québec, où tel un prodige devenu, il y est soutenu très généreusement depuis Gérontophilia et avec Saint-Narcisse. Même en tant que transfuge à Toronto.
Plus que jamais cohérent et « camp », il revient avec son univers fêlé, léger/grave et maîtrisé à la fois ; faits de mélanges, d’emprunts, de fakes, de détournements, de vols même, le tout revendiqué par le réalisateur. Genet, une de ses références parmi les multiples autres, était bien lui-même un voleur. Fasciné par Warhol, les Freud (Anna et son papa), Pasolini, Doris Lessing, Mélanie Klein, Frantz Fanon, etc.,Bruce LaBruce est pluriel et mandarin.
Saint-Narcisse est un film travaillé, très stylisé, un film qui sera beau à voir au cinéma. Le regard de Bruce LaBruce est bien celui d’un photographe, mais ses cadres, ses gros plans, sa lumière, sa musique, etc. sont du cinéma, son cinéma. Michel Lavaux, son chef opérateur québécois, déjà présent sur Gérontophilia, et le cinéaste associent leurs visions pour donner une esthétique et un vrai style au film. Sur un air des Poppy Family. « Com’on Billy ! »
Si tout se passe bien, Saint-Narcisse devrait sortir à la rentrée. Et Culturopoing pourrait vous en reparler. En attendant, pour celles et ceux qui prient pour la réouverture des salles, et qui prient tout court, suppliez plutôt le diable, cela semble plus malin pour ce film.
À écouter
https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-culturelles/bruce-labruce-est-linvite-daffaires-culturelles
Une interview spéciale abonné.e.s sur la plateforme Queerscreen
https://www.queerscreen.fr/home
A voir ou à revoir (2016)
https://www.arte.tv/fr/videos/062919-000-A/queercore-quand-les-gays-embrassent-le-punk/
Bruce LaBruce et G.B.Jones, fin 70’s et 80’s, inventent le queercore à Toronto. Oh my god!
À lire
Sur Culturopoing depuis sa création, plusieurs références à Bruce LaBruce, présent à des palmarès, à des festivals… Et il est cité dans trois articles de Pierre Guilho sur trois films queer, Where horses go to die d’Antony Hickling, Les Funérailles des Roses de Toshio Matsumoto et Tribute to Derek Jarman par lui-même.
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