A l’heure où le support physique semble fragilisé, voire méprisé par une partie de la population ne jurant que par le streaming, l’envie de mettre en valeur les sorties DVD/BR/UHD les plus excitantes ne s’est pas fait prier, surtout vu l’offre alléchante qui nous sera proposée cet automne. Toutefois, je décline toute responsabilité si vous vous retrouvez avec des soucis financiers suite à cet article qui incite honteusement aux achats compulsifs.
Commençons avec le coffret consacré à la période « quinqui » d’Eloy de la Iglesia (Artus Films), avec trois films emblématiques des années 80 sur une jeunesse espagnole, sombrant dans la délinquance juvénile et la prostitution (Colegas, El Pico 1 et 2), ce qui a donné son nom au genre « quinqui ». La rétrospective à la Cinémathèque le mois dernier nous a permis de prendre conscience à quel point Eloy de la Iglesia est un cinéaste important et audacieux, donnant à voir un portrait cinglant de la société espagnole à peine remis du franquisme. Mais il faut préciser que cette période « quinqui » ne peut pas résumer à elle seule une carrière aussi riche explorant différentes thématiques (la politique, le sexe, la religion, l’homosexualité, la misère..) Espérons donc que d’autres joyaux décortiquant génialement et sans complaisance le malaise social comme Le Prêtre, Le Député, Peur de sortir la nuit, La Créature et La Femme du Ministre, autant d’oeuvres majeures et insolentes, souvent même assorties d’un humour désespéré, puissent également trouver ici le chemin des salles ou des rayons vidéo. Seul La Semaine d’un Assassin (très mal retitré Cannibal Man), sublime tragédie sur un engrenage de morts aussi violentes qu’absurdes, a déjà eu les honneurs d’une sortie dvd/BR, toujours chez Artus.
La rétrospective Lars Von Trier cet été en copies restaurées grâce aux Films du Losange était tombée à point pour faire ou refaire le bilan d’une oeuvre assez impressionnante et unique, permettant à une nouvelle génération de découvrir les multiples facettes d’un cinéaste aussi singulier et ambitieux, fasciné par les contradictions de l’espèce humaine, et qui vaut beaucoup mieux que son image de sale gosse habitué aux scandales cannois. Aucun doute que le gros coffret que prépare Potemkine et qui contiendra une intégrale de tous ses films connaîtra un vif succès. Seule sa série The Kindgom serait absent (et fera sans doute l’objet d’un autre coffret), mais vu le contenu promis (courts métrages de jeunesse, oeuvres de télévision, interviews, making-of, etc…), on ne s’en plaindra pas, surtout que le prix proposé semble raisonnable, et que la version de Nymph()maniac sera bien la director’s cut, largement supérieure à la version cut sortie en salle en 2014.
Cette année marque également un retour de hype pour Wim Wenders qui recevra le Prix Lumière en octobre. Lui qui fut considéré comme un has-been il n’y a pas si longtemps après une succession de ratages, a réussi un joli come-back avec son doublé cannois (les beaux Perfect Days et Anselm). Et Carlotta ne manquera pas de rappeler quel grand cinéaste il fut dans les années 70, la période où il signa ses films d’errance les plus inspirés et originaux, avec les versions restaurées de L’Ami Américain ainsi que sa superbe « trilogie de la route », comprenant Alice dans les villes, Faux Mouvement et Au Fil du Temps.
Carlotta proposera aussi un nouveau coffret collector de l’inépuisable Massacre à la Tronçonneuse qu’on ne présente plus (le coffret UHD serait même déjà épuisé) mais surtout un coffret consacré à Bela Tarr avec Le Nid Familial, L’Outsider, Damnation et Les Harmonies Werckmeister.
L’incontournable Delphine Seyrig sera également à l’honneur avec un beau coffret chez Arte Editions, faisant la part belle au versant féministe de sa filmographie (c’est ce que promettent en tout cas les nombreux compléments et archives rares sur Seyrig réalisatrice) et qui proposera enfin les versions restaurées de Alöise de Liliane de Kermadec, Le Jardin qui bascule de Guy Gilles, Les Lèvres Rouges de Hardy Kümel, La Musica de Marguerite Duras et Paul Seban ainsi que son documentaire Sois belle et tais-toi. Il est en revanche dommage que Capricci ne semble pas avoir jugé bon de proposer des sous-titres pour sourds et malentendants pour son bluray de Jeanne Dielman. Ce fameux chef-d’oeuvre récemment considéré par le sondage Sight & Sound comme « le meilleur film de tous les temps » restera donc inaccessible à une partie de la population française, on espère donc qu’une éventuelle diffusion sur Arte viendra réparer cela.
Les fans de Michael Haneke (s’il en existe) seront également ravis de la sortie d’un coffret intégrale chez Arte Editions, proposant ses 12 longs pour le cinéma ainsi que 5 téléfilms, dont 4 inédits en France et récemment restaurés en 4K.
Notons également chez Elephant Films la sortie du coffret réunissant les 6 chefs-d’oeuvres tournés à Hollywood par Josef Von Sternberg avec Marlène Dietrich entre 1930 et 1935, sans doute l’une des collaborations les plus mythiques de l’histoire (on ne se remet toujours pas de Dishonored et Blonde Venus). On pourrait chipoter en regrettant l’absence de L’Ange Bleu, leur premier film ensemble, mais tourné en 1930 en Allemagne, et qui n’est donc pas un film Paramount.
Le même éditeur sortira également un coffret Buster Keaton avec 5 films restaurés en 4K, dont les géniaux Sherlock Junior et The Navigator.
Notons aussi chez Shellac la sortie d’un coffret bluray consacré au regretté Paul Vecchiali, le franc-tireur du cinéma français des années 70-80, même si là aussi, on doute fort qu’il soit accessible aux sourds et malentendants malgré la restauration des films.
Enfin n’oublions pas la nouvelle restauration 4K de L’Exorciste (avec les deux versions), le coffret Kenji Misumi chez Les Jokers (avec Zatoichi, Tuer, Le Sabre et La Lame Diabolique), ainsi que deux films de Fernando Di Leo (les excellents Colère Noire et Mister Scarface, compléments parfaits à sa cultissime trilogie du milieu).
J’en oublie probablement mais je crois que votre porte-monnaie m’a déjà supplié d’arrêter d’écrire cet article.
Passez de bonnes vacances, en sachant déjà que vous avez de quoi passer un bon Noël.
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