Faut-il vous rappeler ce qu’est le mondo ?
Il s’agit de ces pseudo documentaires qui pullulèrent dans les années 70 essentiellement en Italie (avant d’être suivi par les autres : Japon, France, Allemagne, Australie…), prétextant de faire le tour du monde pour en montrer ses turpitudes, les mœurs, les coutumes, la sexualité et les horreurs bien sûr des pays, en vue « d’informer » le spectateur, de la vie dans les contrées lointaines (l’Amazonie par exemple) ou moins (la Suède, les USA). La plupart du temps semi bidonnés, mélangeant de vrais images documentaires avec des séquences fictives avec des acteurs, ces œuvres viennent racoler les bas instincts du spectateur, son voyeurisme à coup de violence, de sexe, de sensationnalisme. Rites ancestraux et sexualité débridée sont généralement au programme. Cela va du voyage lointain à la plongée interlope dans son propre pays à l’instar de la France plongeant dans l’enfer de Pigalle !
S’il existe quelques exceptions avec de vrais grands films – toujours ambigus certes – à l’instar du film matrice Mondo cane (1962) de Gualtiero Jacopetti, Franco Prosperi et Paolo Cavara, la plupart du temps, les Mondo sont beaucoup plus passionnants par ce qu’ils trahissent idéologiquement que par leur qualité intrinsèque. L’un des plus grands exemples étant sans doute Suède, enfer et paradis de Luigi Scattini et Massimo Pupillo prenant le spectateur par la main en leur montrant les images « authentiques » d’un pays libéré, pour mieux le ramener dans le droit chemin du catholicisme du Vatican et dénoncer cette Scandinavie dépravée ; l’exercice de manipulation passant par une mise en scène stupéfiante. Que doit-on apprécier alors ? La forme ou le fond ? De l’image complaisante à l’image pieuse, il n’y a parfois qu’un pas. Et régulièrement pour mettre en valeur les images de fabuleuses partitions de Morricone, Umiliani ou Ortolani qui ont survécu au passage du temps, devenues parfois plus cultes que les films eux mêmes.
Mais au delà d’un genre magnifiquement problématique, ces oeuvres qui dérangent et nous sortent de notre confort sont souvent peuplées d’images stupéfiantes et marquantes, qui emmènent les films au delà du cinéma, quelque part entre la réalité et le fantasme, pour des expériences de cinéma qui engagent de vrais questionnements. Les meilleurs cinéastes du genre ne sont certainement pas dupes de ce qu’ils montrent et usent allégrement d’ironie, d’humour et de grotesque, nous tendant le miroir métaphysique de notre existence et interrogeant notre rapport à l’image. Regarder, ne pas regarder, savoir décrypter les écrans et la pseudo vérité des actualités, quoi de plus contemporain ? Pour toutes les contradictions qu’il provoque, le Mondo reste le genre le plus philosophique du cinéma d’exploitation. Revoir Mondo Cane demeurera à ce titre toujours aussi fascinant et hallucinant.
L’ouvrage de référence sur le sujet « Reflets dans un œil mort : mondo movies et les films de cannibales » de Maxime Lachaud et Sébastien Gayraud était épuisé depuis longtemps. Les éditions Potemkine font mieux que le rééditer, non seulement ils nous en proposent la version augmentée et révisée, mais dans un somptueux coffret comprenant quatre fleurons du genre – et pour le coup, c’est le haut du panier car ce sont de vrais bon films – Mondo Cane (1962), Adieu Afrique (1966), The Killing of America (1981), La Cible dans l’oeil (1967). Pour ce dernier, Paolo Cavara co-réalisateur de Mondo Cane ne voulant plus entendre parler du genre règle ses comptes, opère et une forme de mea culpa en dénonçant toute l’obscénité du Mondo, à travers un personnage de réalisateur cynique, misogyne et raciste (Phillipe Leroy) qui porte son nom. La boucle est bouclée.
Contenu et Bonus
Box Editée par Potemkine
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