Voilà une superbe nouvelle pour tous les amateurs de cinéma français populaire des années 70, trop facilement réduit au cinéma du dimanche soir, au cinéma à papa parce que les cinquantenaires le regardaient lorsqu’ils étaient enfants. Ouf, sa réhabilitation est en cours. Il recèle en effet bon nombre de perles à (re)découvrir sous un autre œil, des traces régulières d’un esprit libertaire hélas disparu. Régulièrement boudées au profit d’une humeur théorisante et dogmatique (nous n’allons par reparler de l’injustice René Clair à l’heure de la Nouvelle Vague), ces œuvres, se révèlent pourtant des plus passionnantes, quelque soit le genre qu’elles abordent. Les éditions Coin de Mire ont commencé un défrichage conséquent du cinéma du patrimoine, sur une période assez large. Cette conçue en étroite collaboration avec Jérôme Wybon (qui introduit chaque film), concentrée sur une période précise s’avère un des événements de cette rentrée.
Une décennie où un vent de liberté souffle sur l’industrie cinématographique. Mai 68 est passé par là, l’évolution des mœurs et une censure plus souple ont fait le reste. La libération sexuelle, l’engagement politique… sont autant de nouvelles thématiques abordées.
Cette collection propose ainsi un voyage dans les années 70, Nos années 70, nos souvenirs de cinéma du dimanche soir, mais aussi à travers plusieurs films plus rares, voire inédits en vidéo, qu’ils soient signés Bertrand Blier, Claude Miller, Nadine Trintignant ou Joël Séria.
On annonce 36 films sur trois ans, inédits en Blu-ray avec de nombreux bonus : images d’archives rares, reportages sur les tournages, entretiens, scènes coupées, fins alternatives, etc.
Cette première vague vient démontrer tout l’éclectisme du cinéma populaire au sens large de l’époque qui loin d’être en contradiction avec la notion « d’auteur » faisait preuve régulièrement de subversion.
Commençons par un film un peu oublié et passionnant : avec un Alain Corneau débutant au scénario, Défense de savoir (1973) permet à Nadine Trintignant de se lancer dans le polar politique évoquant la manière dont un crime pour lequel est accusé une prostituée révèle des rouages du pouvoir, dépassant ainsi très largement la découverte d’un simple coupable. Les polars italiens tels La Lame infernale de Massimo Dallamano ne sont pas loin. Rien d’étonnant alors à ce que ce soit Bruno Nicolaï qui en compose la musique. Jean-Louis Trintignant, Michel Bouquet et Charles Denner sont égaux à eux-mêmes.
Il est temps de reconnaître Pierre Richard comme un grand comique mélancolique – peut-être toute proportion gardée l’équivalent de Peter Sellers en France – et ce Je sais rien mais je dirai tout (1973), permet non seulement de confirmer ses talents de comédien mais également de cinéaste. Il ne se renie pas en peaufinant son personnage de gaffeur-rêveur-poète, mais confronte cette incarnation à une société contemporaine cynique, en évoquant ici le scandale des ventes d’armes. Derrière le rire, perce toujours l’image du solitaire inadapté dans un monde gouverné par la corruption et la méchanceté.
Mal perçu à l’époque mais devenu culte depuis Je t’aime moi non plus (1976) nous entraine dans la balade sans issue du trio Birkin/Dallessandro/Quester. Une œuvre charnelle et encore dérangeante, et véritable déclaration d’amour de Gainsbourg à une Jane Birkin ici lumineuse.
La même année, soit deux ans après Les Valseuses, Bertrand Blier signe avec Calmos peut-être son film le plus audacieux en matière de thématique mais aussi de forme, dans lequel le cinéaste laisse libre court à son amour pour l’absurde. Il faut vraiment se replonger dans les mésaventures de ce gynécologue lassé par l’anatomie de ses clientes, entrainant sur son passage tous les hommes marqués du sceau de la désillusion. Misogyne, vraiment misogyne ? Laissons donc le débat ouvert. Toujours est-il que le film serait impossible à faire aujourd’hui.
Histoire d’amour jusqu’à la folie, bouleversante et dérangeante, Dites-lui que je l’aime (1977) adapte Patricia Highsmith avec brio. Gérard Depardieu, Miou-Miou et Dominique Laffin y trouvent parmi leurs meilleurs rôles. C’est probablement l’une des oeuvres les plus abouties de Claude Miller et avec Mortelle Randonnée, la plus étrange, flottante, fantasmatique.
La même année, Alain Jessua signe Armaguedon, un joyau visionnaire porté la confrontation entre un Jean Yanne terrifiant et un Alain Delon pugnace. Parviendra-t-on à arrêter ce modeste artisan ayant sombré dans le terrorisme, bien décidé à faire exploser une bombe lors d’une émission télévisée ? Satire féroce, film d’anticipation génial, avec une partition inoubliable d’Astor Piazzolla Armaguedon était repassé lors de la rétrospective Alain Jessua que lui consacra la Cinémathèque française en 2017, en pleine vague d’attentats islamistes, et le film plein d’anxiété paranoïaque semblait soudain refléter l’actualité au présent de manière saisissante.
Et lorsqu’on sait qui suivront Les Galettes de Pont-Aven de Joël Séria, Traitement de Choc d’Alain Jessua ou encore La Cage de Pierre Granier-Deferre, notre impatience est à son comble.
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