Aurélien Manya – « Le temps d’arriver »

Un joli roadtrip qui a les défauts de ses qualités –

A première vue, le premier roman d’Aurélien Manya est une histoire de rupture amoureuse mal digérée, une de plus. Le point de départ est simple : quitté par Lauraine trois mois auparavant, Alexandre ne parvient pas à se faire une raison et décide de s’embarquer pour un Paris-Marseille à pied, dans le but de la rejoindre. La distance du lecteur face à cette problématique à la fois personnelle et universelle pousse à aborder le récit en le mettant d’emblée dans la catégorie du joli roman un peu naïf, d’autant qu’il se lit vite : un avantage à double tranchant.Plutôt pragmatique et pudique dans l’ensemble, l’écriture se fait plus lyrique voire mièvre, en fin de chapitre : « je m’enfonçais ainsi dans le chemin, j’avais l’impression de trouver un rythme, d’appartenir à ce sentier de terre comme je t’avais appartenu » / « cette route portait à présent d’autres noms que le tien ». Cette tendance au sentimentalisme reste pourtant en marge d’une approche délicate du monde par le personnage qui trace sa route. C’est en effet dans cette trajectoire improbable que réside le véritable sujet du livre, beaucoup plus intéressant car apte à résonner plus largement chez le lecteur.

Si les rencontres paraissent parfois invraisemblables ou surjouées, le récit est plein de justesse dans le cheminement intérieur du personnage qui se libère peu à peu sur la route. « Je m’imaginais marcher seul, abandonner les jours et revivre. » (…) « Pour faire quoi ? Justement, pour défaire. » Défaire, justement, c’est à ça que s’attache Alexandre, remettant en question sa relation amoureuse passée mais aussi sa vie entière. Son but ultime est de créer un avant et un après ce voyage que nombreux considèrent comme une fugue et qui n’est pourtant qu’un acte de liberté, un temps de respiration : une nuance qui fera possiblement écho chez les trentenaires, dont l’auteur fait partie, et plus largement auprès des sédentaires qui courent après l’oxygène et le temps.

Avec une dernière partie dont le style est plus maîtrisé qu’au départ, « Le temps d’arriver » est effectivement un joli roman en forme de roadtrip. Il en reste l’odeur de la terre humide, deux-trois gouttes de sueur, une ampoule au pied et quelques fourmis dans les jambes, ni plus ni moins.

Paru le 31/01/13 aux Editions Gallimard, collection L’Arpenteur.

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A propos de Sarah DESPOISSE

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