Se plonger dans une bande dessinée d’Antonio Lapone est toujours un plaisir d’enfant, parfaitement non coupable. Depuis ses débuts dans le monde du 9ème art avec la série A.D.A, en passant par le très élégant Accords sensibles ou la somptuosité graphique d’Adam Clarks, Antonio Lapone construit une œuvre tout en finesse, élégance et légèreté. Ce premier tome de sa nouvelle série Greenwich Village ne déroge pas à la règle. La série s’attache à suivre les péripéties des habitants d’un immeuble de Perry Street dans Greenwich Villlage et ce premier volume met ses pas dans ceux de Norman Oaks, journaliste, et Bebe Newman, hôtesse de l’air de la compagnie Pan American Airlanes, ou plus simplement Pan Am. On se souviendra à l’occasion que Pan Am est également le nom d’une série télévisée américaine diffusée en 2011 dont le sujet était la vie de quelques hôtesses de l’air de la Pan American dans les années 60. Bref, un hommage parmi tant d’autres de Lapone, qui construit son œuvre comme une nostalgie vivifiante des années 60.
Lapone opère depuis ses débuts un retour aux sources beaucoup plus radical que n’avait souhaité le faire des auteurs comme Yves Chaland ou Serge Clerc dans les années 80. Car l’histoire le Lapone, c’est bien celle du style Atome. Ce style, né des crayons et pinceaux du génial Jijé dans les années 50, a vécu de nombreuses années dans l’ombre de la ligne claire, mouvement initié par Hergé. Bruxelles vs Marcinelle. Hergé vs Jijé. Tous les grands noms de la bande dessinée franco-belge vont, d’une certaine manière, choisir leur camp. Franquin, Peyo, Morris, Jidéhem, Will du côté du style Atome, Jacobs, Tillieux (même si ce dernier se situe fondamentalement à la frontière des deux styles), Lefranc du côté de la ligne claire. Dans les années 80, une bande de dessineux s’agrège autour d’une revue émergente, Métal Hurlant, et réinvente le style Atome dans une version postmoderne. On y trouve Yves Chaland, Serge Clerc ou encore Luc Cornillon. Tout cela sous l’égide du maître Joost Swarte, inventeur des termes « ligne Claire » et « style Atome » et pur génie de l’élégance graphique et du non-sens assassin. Mais, si la version postmoderne du style atome était emprunt de second degré et d’un esprit rock, la version laponienne retrouve l’esprit de Jijé et de Franquin également sur le fond avec des histoires légères, drôles, modernes au sens des années 60 et qui donnent envie de sautiller gaiement sous un soleil éclatant.
Les différences entre style Atome et ligne claire se situent sans aucun doute dans un trait plus souple du côté du style Atome, plus dynamique, plus bondissant et nerveux que peut l’être celui de la ligne claire. Ce tome 1 du Greenwich Village est, en ce sens, un pur produit du style Atome, magnifiquement découpé par Lapone, donnant autant de rythme à son histoire par ses cases tordues que la dynamique de ses personnages. Lapone nous offre encore une fois une petite merveille graphique que la gentille bleuette constituant l’histoire nous permet d’apprécier à sa juste valeur.
Publié le 16/09/2015 aux Editions Kennes
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