Zombies carcéraux, bébés ressuscités, cannibales bio et fantômes en tout genre, farandole des monstres : bienvenue dans la nouvelle publication des excellentes éditions Aaarg, recueil d’histoires courtes et horrifiques, amusantes variations à quatre mains (toutes signées Jean-Francois Caritte, et illustrées par le quator Jürg, Khattou, Mr Pek et Rifo) autour de l’âge d’or du genre, « for mature audience only ».
- « Terrifying… decadent… »
« ATROCE ! », c’est le bonbon de nos souvenirs de lectures de Chair de Poule et de spectateurs des Contes de la crypte, avec un clin d’œil appuyé aux fanzines des grandes heures, façon Eerie et Creepy, ces publications mythiques : passé la couverture, sublime, tout un bestiaire classique et morbide de vivants et de morts, avec le mal qui rôde partout autant que les archétypes, en suivant un schéma bien établi exposition d’ambiance-développement-bascule dans l’horreur.
Drame historique et écologique, conte mystique et sensuel ou épopée mortifère d’un tueur : on est clairement ici pour le plaisir, le cliché, le sang et les méchants bien méchants, où on joue à se faire peur pour peloter en louzedé sa voisine de pick-up.
Hommage « dessiné » au cinéma bis (« Un film à sketches » dit sans hésiter le « générique » final de l’ouvrage appelant à appeler la Boucherie Sanzot pour les VFX) rappelant l’escapade offerte par Tarantino et Rodriguez dans le diptyque « film d’exploitation » Grindhouse, c’est bien vers les Etats-unis que lorgne ATROCE !, et vers son cinéma en « Cinemaaargscope ».
Du Kentucky au bayou, de John Carpenter à Deliverance ou passant l’Atlantique vers la Hammer et les giallos : le tout mariné avec un soupçon de Evil Dead pour son côté horreur rigolarde, où l’on frissonne pour de faux avec un sourire en coin.
S’ouvre alors pour les quatre dessinateurs Jürg, Khattou, Mr Pek et Rifo un espace de liberté jouissive autour du genre, passant d’un trait exagérément naturaliste pour mieux le détourner (« Love is everywhere ») à un hommage poisseux au noir et blanc façon Charles Burns (« Dors, mon bébé ») ou s’autorisant une histoire complète en hors-champ oscillant en longues cases étirées et rythmiques un voyage du point de vue du tueur aux scènes vides de ses meurtres sans jamais que son visage n’apparaisse (« Crisse, crasse, crève… »).
Au-delà du pur plaisir narratif et visuel (les superbes illustrations pleine page qui arrêtent le regard entre deux histoires), Caritte s’offre même le luxe de réactualiser ces éléments à l’aune de notre drôle d’époque : si les frères bouseux deviennent cannibales de vegans et baba cools, c’est parce qu’ils veulent manger bio, tandis que les fantômes qui viennent noyer les enfants du passeur sont ceux des familles de réfugiés.
Bien sûr, on pourrait pointer du doigt l’anecdotique global des histoires, la frustration qu’elles suscitent par leur format parfois trop restreint (entre 7 et 9 pages environ), ou la qualité parfois oscillantes de celles-ci. Mais ce serait chipoter face à aussi sympathique ouvrage : magnifiquement dessinés et encrés, ces frissons ont la saveur du conte du coin de feu, chocolat chaud et marshmallows inclus. L’objet étant en plus sublime, pourquoi ne pas se cacher sous la couette avec une lampe torche ?
Editions Aaarg, 80 pages, 17.5 euros. En librairie depuis le 18 mars 2016.
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