DOA voulait écrire son roman-fleuve en un seul tome mais la densité de son œuvre aura eu raison de sa volonté. En définitive, c’est bien en deux tomes qu’est sorti Pukhtu. Il aura fallu attendre un peu plus de temps qu’annoncé initialement pour lire la suite du premier. Véritable tour de force de maîtrise dans la construction du scénario, la fin du premier tome laissait le lecteur sur sa faim.
La suite et fin de Pukhtu se déroule toujours sur les trois continents. Néanmoins, DOA recentre son écrit sur l’Afrique et l’Europe (contrairement au premier volet où l’action avait essentiellement lieu en Afghanistan).
En Afrique, il suit le destin d’un agent secret (déjà aperçu dans Citoyens clandestins), Linx, alias Romain Servier. A la fin de sa mission pour les services secrets français, ce dernier a choisi de se faire oublier. Au Mozambique, devenu propriétaire avec sa compagne d’un bar, il assure sa tranquillité grâce à des subsides versés et des hommes de main à ses ordres. Néanmoins, son destin le rattrape et le plonge dans une soif de vengeance redoutable.
A Paris, Chloé se fait manipuler à la fois par sa maîtresse journaliste, Amel, mais également par Alain Montana. Ce dernier à la tête des services secrets fournit la jeune fille en drogue en échange de ses services. Amel lui soutire ensuite les informations afin de mener son investigation dans les eaux troubles où gravitent Alain Montana et ses comparses. Pour les besoins de son enquête et animé par la volonté de retrouver une ancienne relation, Amel va partir en Afghanistan. Sa naïveté l’aveugle sur les risques qu’elle encourt…
Aussi précis et documenté, le deuxième tome de DOA souffre néanmoins des comparaisons avec le premier. L’intimité des personnages semble avoir un poids plus important. L’introspection des personnages est l’une des caractéristiques de ce deuxième tome. Il en est ainsi pour Amel ou Roman Servier. DOA oriente son récit et délaisse quelque peu l’Afghanistan et les alliances de circonstances entre des ennemis sur le terrain militaire pour suivre les trajectoires individuelles.
Malgré ce constat, la force de DOA repose sur la construction de certains personnages, aussi attachants que complexes. Sher Ali, par exemple, demeure un des personnages les plus fascinants du récit. Rallié aux talibans après le décès de ses enfants par des bombes américaines, il devient un combattant sans relâche des occupants occidentaux. Mais il ne cède pas à la violence gratuite,et s’interdit de renier ses valeurs. Aussi courageux sur le terrain qu’abattu moralement, il va voir sa rectitude le conduire à un destin tragique. DOA parle de ses personnages de l’autre côté du globe, en évoquant le rapport à leur monde si différent du nôtre :
« Je suis en eux, ils sont en moi, de moi. Mes préférés ne sont pas forcément les plus évidents. Et je n’ai pas l’impression de les « maltraiter ». Ils évoluent dans des mondes difficiles, des mondes dont on sait l’existence, dont on entrevoit le terrible fonctionnement, mais qu’au fond, on préfère chasser de son esprit pour retourner en terrasse boire un verre, même lorsqu’ils s’invitent de façon catastrophique dans notre quotidien. Des mondes qui brisent les gens, les familles, les peuples. » (http://addict-culture.com/interview-doa-genese-pukhtu/)
Malgré des réserves sur les choix dans le récit de ce second tome, le diptyque de DOA fera date dans le monde du polar. La mondialisation des crimes serait l’envers de notre réalité douce et matérialiste. DOA fait une transcription passionnante de ces mondes parallèles.
Pukhtu secundo
DOA
Éditions Gallimard.
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