Analyser le moment constitutionnel du premier (et dernier ?) quinquennat de Nicolas Sarkozy est l’ambition de cet essai écrit par Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’Université Paris-I. La lecture se révèle être moins ardue que le sujet aurait pu laisser à penser. Reprenant des exemples concrets, l’auteur s’attache à ne pas « noyer » le lecteur dans l’utilisation d’un vocabulaire juridique hermétique au profane. Au contraire, la clarté du style, l’absence d’emphase, la structure confèrent au texte une (relative) intelligibilité.
L’auteur part d’un constat : l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 à la présidence de la République avait pour ambition, dans le domaine institutionnel, de rompre avec la pratique antérieure. Sarkozy, élu au suffrage universel direct et avec l’appui d’une majorité législative, entend gouverner le pays. Pour ce faire, il impulse une révision de la Constitution de 1958 conduisant à une revalorisation des droits du Parlement corollaire d’une omniprésence du Président dans le jeu institutionnel (possibilité de s’exprimer devant les parlementaires, etc.). A l’inverse, le Premier ministre voit son rôle assimilé à celui d’un « collaborateur » du Président en exercice. Voila pour la théorie, la pratique va se traduire différemment. Tout d’abord au cours du quinquennat, le Premier ministre (François Fillon), porté par les sondages qui lui sont favorables, n’a de cesse de réaffirmer son autorité conduisant le Président à vouloir se « re-présidentialiser ». « En 2012, la dyarchie est toujours là et la tête qui devait tomber dépasse celle qui devait la tuer ». En outre, porté par ses nouveaux pouvoirs, le Parlement, et plus précisément le parti majoritaire dans l’hémicycle, se découvre une figure de proue en la personne de Jean-François Copé (président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale). Dès lors, le pouvoir se trouve de fait partagé (Président, Premier ministre et Président du groupe majoritaire à l’Assemblée) ; chacun s’efforçant de se démarquer au gré des circonstances politiques. L’auteur accompagne sa démonstration avec l’appui de faits significatifs et de déclarations marquantes comme par exemple le débat sur l’identité nationale soulignant des prises de positions divergentes entre les trois protagonistes.
Si la présidence de Sarkozy n’a pu apporter une stabilité claire dans la répartition des pouvoirs au sommet de l’Etat, Dominique Rousseau salue par ailleurs l’introduction de la Question Prioritaire de Constitutionnalité permettant à tout justiciable de se prévaloir des droits issus de la Constitution lors d’un procès (la Constitution étant entendue via un « bloc de constitutionnalité » comprenant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de1789, le préambule de 1946…). Cette nouveauté entraîne ainsi une nouvelle répartition du pouvoir au sommet de l’ordre juridique entre le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation et le Conseil Constitutionnel qui voit ses pouvoirs étendus. L’auteur apporte un éclairage précieux sur la portée de cette réforme tant au niveau du citoyen qu’au regard des enjeux de pouvoir au sein de la justice.
L’essai se termine par une démonstration des insuffisances démocratiques de la Ve République délaissant au citoyen un rôle subalterne dans la formation de la volonté générale. Impliquer les citoyens qui ne se reconnaissent plus dans le jeu politique à travers une troisième chambre représentant, au delà des partis, les « invisibles » de la société française ; assurer aux « tiers pouvoirs » (medias, religions…) une constitutionnalisation afin de permettre leur autonomie ; tels sont les pistes proposées par Dominique Rousseau pour vitaliser la démocratie.
Le texte fort instructif aborde le quinquennat de Nicolas Sarkozy sous un angle singulier rarement analysé par les divers essais portant sur la vie politique.Paru aux Editions Odile Jacob.
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