Eduardo Mendoza est l’un des écrivains espagnols les plus prolifiques de la période postfranquiste. La publication, en 1975, de « La vérité sur l’affaire Savolta », peu avant la mort de Franco, revêtit une audace singulière par les thèmes abordés (la répression des anarchistes à Barcelone au début du siècle, la corruption de grands industriels) et signait l’avènement du roman noir en Espagne.
Bataille de chats, traduit par François Maspero, renoue avec l’intrigue policière mais s’y ajoute une touche de légèreté assurant une aisance dans la lecture. L’histoire se déroule dans la capitale espagnole au début de la guerre civile en mars 1936. Madrid est à fleur de peau, la tension est à son comble, les différentes factions politiques aiguisent leurs armes, les accrochages sont quotidiens et les services secrets étrangers attentifs au moindre dérapage. Dans ce contexte, l’arrivée d’un anglais, Anthony Withelands, spécialiste de peinture espagnole, pourrait paraitre pour le moins saugrenue. Ce dernier vient en Espagne pour expertiser les tableaux du duc de la Igualada qui a pour ambition de vendre une partie de sa collection pour fuir le pays. Dés le premier chapitre, l’innocence de l’anglais contraste avec l’ambiance pesante du train et ses passagers. L’affaire se complexifie très vite. Par malchance, le protagoniste se trouve pris dans les tourments d’une histoire qui le dépasse. La découverte d’un tableau inconnu de Velázquez va le précipiter au cœur d’une intrigue mêlant à la fois homme public et simple inconnu. De ses entrevues avec Primo de Rivera, chef de la phalange espagnole à la rencontre fortuite avec le général Franco, Mendoza lie son personnage aux événements historiques. Partant d’une banale affaire d’expertise de tableau, l’enjeu va peu à peu dépasser cet aspect jusqu’à devenir un véritable « nœud gordien » pour l’ensemble des protagonistes.
L’écrivain navigue entre le roman d’espionnage, à la manière d’un John Le Carré, ou policier mais également la comédie tant les situations semblent burlesques par leur invraisemblance. Anthony, personnage naïf un brin benêt mais attachant par ses maladresses et les imbroglios qu’ils provoquent suscitent toutefois une séduction sans faille auprès de la gente féminine ; des filles du duc à une prostituée rencontrée par mégarde. De telle sorte que son salut viendra le plus souvent de ces dernières…
Si la trame du récit apparait bien ficelée laissant ainsi le lecteur « en haleine » tout au long du livre, la retranscription de l’atmosphère pèche par un polissage de l’environnement extérieur. Certes, l’Histoire ne constitue pas le sujet du livre, en outre le fait d’intégrer des personnages ayant réellement existé constitue une authenticité certaine, néanmoins la plume d’un Francisco Gonzalez Ledesma* aurait apporté un supplément d’âme au livre et parfait le récit. L’absence de considération pour la réalité sociale de la ville oblige le récit à accumuler une succession de faits et d’entretiens lassant quelquefois le lecteur.
Au final, le roman reste agréable par le rocambolesque itinéraire de cet anglais sorti de nulle part mais montre cependant certaines limites dans la restitution du moment historique.
*Ecrivain de roman policier espagnol ayant écrit par exemple « Cinq femmes et demie » ou encore « Le dossier Barcelone ».
Paru aux Editions du Seuil.
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