Après « l’origine de la violence » et la recherche des ses origines paternelles, Fabrice Humbert a, logiquement, choisi de consacrer son nouveau roman à sa famille maternelle. Une famille diverse par ses destinées mais qui prend pour origine la création après la guerre d’une communauté protestante, La Fraternité. Ses fondateurs oublient leurs différences politiques pour transmuer leur idéal. Le cortège de blessures liés à la guerre venait à peine de s’estomper. Il n’était plus question de revivre cette tragédie. La vie demain serait meilleure qu’aujourd’hui. Ils allaient bâtir un monde nouveau. Une génération sera marquée par cette expérience commune. L’empreinte de ce moment restera de manière ineffaçable ancré dans les caractères personnels de chacun et ce malgré les différences de destinées.
Deux cousines, élevées comme des sœurs, dont la grand-mère de l’auteur, sont à la base de cette famille. Leurs vies sont singulières. Quand l’une tente par tous les moyens de nourrir ses enfants, l’autre intègre la petite bourgeoisie. Ses différences sociales n’affecteront pas leur relation d’estime. Dans ce foyer clos aux portes refermées pour reprendre les termes d’André Gide, les descendants choisiront un parcours à l’inverse de leurs origines.
Fabrice Humbert a le talent (où est-ce le hasard de sa famille ?) de raconter simultanément les pérégrinations de ces êtres tout en s’attachant à les raccorder aux évolutions de la société française. L’histoire colle à ses personnages, elle les accompagne et les entraîne dans tous ses excès. La Fraternité s’essouffle quand vient la génération de 68. D’autres idéaux mobilisent les descendants des fondateurs. Les uns finiront par côtoyer Action Directe, tandis que l’autre branche familiale (paradoxalement la plus modeste) goûtera aux joies de la richesse et de la reconnaissance sociale. Fabrice Humbert ne suit pas scrupuleusement la chronologie, il mélange subtilement les moments, montre le contraste des êtres. L’émotion et la fidélité guident son écriture. Il sublime les instants par sa sensibilité. Au final, ce portrait familial transcende son cadre pour devenir, potentiellement, celui de chacun d’entre nous.
Eden utopie
Fabrice Humbert
Éditions Gallimard
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