« Mais, tu peux souhaiter ce que tu veux, tu sais ? La vie éternelle, l’or, du…

-Non mais je veux juste que le singe vous fasse l’amour. »

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Comme quoi, il suffit parfois de très peu pour faire très bien : deux personnages, parfois trois, mais pas plus. A peine esquissés sur un fond blanc, où il ne se passe presque rien, ou presque tout.

Grâce à « De rien », sorti aux éditions Delcourt, Geoffroy Monde, le créateur de Serge et demi-serge et l’auteur d’un déjà portenawak Tout ou rien, vous invite dans le grand barnum de l’absurde du monde : où l’on apprend qu’il faut bien mesurer ses prières à Dieu quand on est une gymnaste arabe, qu’interroger un cruciverbiste peut mener à la solution des mots/maux, comment faire zizi-coptère à son mariage, ou qu’il n’est pas si grave de rêver gaufre quand on fait du yoga, ou pis, que demander au singe de sodomiser le génie est un vœu recevable, comme celui de négocier tranquillement quelle partie sémantique de son âme vendre au diable comme dans n’importe quel bon commerce de proximité…

Difficile de résumer ici chacune de ces petites saynètes de 4 ou 5 pages tant leur finesse tient justement dans le delta entre leur résumé (brutal, absurde, stupide parfois) et leur représentation.

  • Less is better

DE RIEN_INT.inddCar ce dessin au feutre, à peine ébauché et rappelant le trait du génial Bastien Vivès, est finalement la bénédiction de l’album : en lissant les personnages et leurs émotions, il crée cet effet métonymique où l’absurde de la situation qui gonfle vient du stoïcisme absolu dans lequel semblent se trouver les personnages, tous d’un calme olympien face au délitement du sens, quand bien même apparait l’esprit de la peur en plein sandwich ou le dieu de l’envie de faire caca.

En brossant à rebours l’esprit de sérieux, ou pire, en traitant justement chacune de ses scènes avec un sérieux absolu, il crée un humour froid, précis, décalé (on pense aux dérapages de Plonk&Replonk), dont le rire ne vient pas tant de l’épiphanie lourdement préparée ou du bon mot, mais d’un méticuleux travail de sape et de surprise (à base de « toujours plus » (le cowboy) ou de « encore plus con » (le génie ou le combat de chhhuuuutt)) amenées par une gestion magistrale du tempo.

Dans ce grand cirque de la vie, trop souvent triste ou justement parce que triste, avec un art consommé du dialogue et du rythme, c’est à mourir de rire. Un rire franc, absurde et protecteur, délicieusement WTF (bonjour, le combat à main nue avec l’ours ou Jackie Chan) : Merci, « De rien ».

 

Editions Delcourt, 160 pages, 17,95 euros. Sortie le 1 Juin 2016.

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A propos de Jean-Nicolas Schoeser

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