A travers « Le premier jour de la bataille de la Somme », Joe Sacco a voulu rendre un hommage marquant aux victimes de la Grande Guerre tout en réalisant un travail de mémoire sur ce conflit.
Reconnu à travers le monde grâce à ses Bd reportages Joe Sacco a notamment été primé au festival d’Angoulême en 2011 pour son remarquable ouvrage Gaza 1956. Il n’est pas un auteur de bandes dessinées classique. En effet, ses études de journalisme lui ont permis d’appréhender l’actualité (ou dans ce cas là l’histoire) avec toujours, dans sa démarche, la recherche d’une vérité complexe. A travers des interviews, des recherches fouillées, il a su trouver la juste distance pour retracer la tragédie oubliée des gazouis. Il a fait ce qu’il appelle « un travail de journaliste en essayant de penser comme un historien ».
Pour représenter le drame que fut la Grande Guerre, Joe Sacco ne pouvait rester dans les codes traditionnels de la bande dessinée. Lui même le reconnaît, Jacques Tardi avait déjà posé les jalons avec une qualité stylistique et narrative sans commune mesure possible. Ainsi, pour réaliser son œuvre, il a puisé son inspiration dans la Tapisserie de Bayeux datant du XIe siècle ainsi que dans le format, en accordéon, de Manhattan Unferled du dessinateur Mattéo Pericoli. De la Tapisserie de Bayeux, il a retenu l’idée qu’un dessin en frise était un médium potentiellement expressif.
L’idée sous-jacente lors de la création de cette œuvre était d’éviter au possible d’afficher une quelconque subjectivité. En effet, mettre en scène des acteurs historiques dans un contexte particulier amène le lecteur à « prendre parti ». Lui soumettre un dessin, sans dialogues, de plus de 7 mètres le renvoie à une contemplation réflexive.
Pour réaliser à bien son projet il a rencontré l’historien anglais reconnu de la première guerre mondiale à savoir Julian Putkowski. A travers ses interviews, des heures passées à l’Impérial War Muséum de Londres et la lecture de nombreux ouvrages il a pu s’imprégner du quotidien de ces hommes qui en l’espace d’un jour allait voir leur vie basculer. « J’ai choisi de dessiner le premier jour de la bataille de la Somme, car c’est à partir de ce moment-là que l’homme du peuple a cessé de se bercer d’illusions quant à la véritable nature de la guerre moderne. »
Il n’y a pas de héros dans les dessins de Sacco, juste des hommes qui en l’espace de quelques heures allaient être frappés par l’indicible horreur de la guerre. Joe Sacco n’a pas privilégié l’expression des hommes. Il les dessine, sur le champ de bataille, le casque vissé et la tête baissée. Néanmoins, au milieu de cette homogénéisation des corps, des visages affleurent assurant des émotions muettes. Au sourire naïf des premières planches succèdent l’effroi et la souffrance. Les chiffres de cette première journée de combat sont éloquents. 57 000 soldats britanniques furent blessés ou tués le 1er juillet 1916. Le commandement britannique n’avait pas prévu un tel massacre. Les bombardements successifs avaient, pensait-il, amoindri les défenses allemandes. Il n’en était rien. Quand les officiers comprirent leur erreur d’analyse, ils ne différèrent pas leur ordre. Au vue de l’imminence de l’assaut et de l’enthousiasme des soldats, c’eut été reconnaître une erreur.
Le dessin juxtapose les scènes sans aucune transition permettant ainsi, d’un seul regard, de visualiser ce long cortège funeste. Joe Sacco livre une œuvre originale, frappante, pour le lecteur, tant sur la forme que sur son expressivité.
La Grande Guerre, Le premier jour de la bataille de la Somme
Une oeuvre de Joe Sacco
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