KIM Young-ha – "L’empire des lumières"

Le côté lumineux de la force

La moitié supérieure du tableau est d’un bleu ciel nuageux, tandis qu’une rangée d’arbres découpe l’horizon au-dessus d’une berge plongée dans l’obscurité. Celle-ci serait totale sans la lueur d’une fenêtre sur la gauche et d’un réverbère solitaire presque au centre, dont l’éclat se reflète dans l’eau. Si celle-ci donne à la lumière un aspect vacillant parmi les ondes, le réverbère résiste valeureusement à la pression des ténèbres qui l’encadrent à proprement parler. Pourtant, au-delà, la cime des arbres se dresse vers la promesse d’une nuit claire et ouverte (ou du jour ?). L’œuvre en couverture est de Magritte et Young-ha Kim en a emprunté le titre pour son ouvrage en clair-obscur : L’empire des lumières.

L’intrigue se développe en 24h autour du héros, un agent infiltré qui n’est pas Jack Bauer mais Kiyeong Kim. Né en Corée du Nord, on l’a envoyé très jeune au Sud avec pour mission à long terme de s’immerger dans la société et de s’en approprier les codes, de façon à pouvoir former de futurs agents. On le découvre à une quarantaine d’années, avec femme et enfant. Rappelé à l’ordre par le Nord, Kiyeong Kim voit sa vie d’avant défiler et la nouvelle lui échapper. Tout se tramera autour de cette idée de basculement, à l’issue comme en chemin. Cet électrochoc l’amènera à considérer ses choix passés, à confronter l’idée d’individualité au monde qui l’entoure, et à faire face à son destin.

Sans manichéisme, l’auteur nous propose une vision éclairée du contexte politique et sociologique coréen à travers le parcours du héros, tout en mettant en perspective les ombres et lumières d’une vie, au sens universel. Le lecteur est ainsi amené à une réflexion profonde sur la question du libre-arbitre, au regard des choix du héros et de son entourage, mais surtout des directions qui s’offrent à eux. Avec les racines, la solitude, les rêves, le besoin d’être aimé, la force au quotidien et la soif de reconnaissance comme autant de paramètres d’action.

« Je croyais que tous les gens aimaient comme moi réfléchir à des choses abstraites. Mais en réalité, tout ce qu’ils veulent, c’est survivre. »

« Ce que je voudrais, c’est que tu t’efforces de devenir une grenouille plutôt qu’un poisson. Parce qu’une grenouille est capable de vivre dans l’eau et hors de l’eau, alors qu’un poisson… »

Publié aux Editions Philippe Picquier.

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A propos de Sarah DESPOISSE

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