« La vie était donc un morceau de tofu qu’on peut faire voler en miettes d’une claque de la main. » Grand lauréat de la catégorie étrangère 2010, « La Plaine » expédie en Chine, au Village des Wang après la Révolution culturelle. Fresque colorée, le roman se concentre sur les repères troublés de la communauté qui confronte ses aspirations personnelles au rôle imposé à chacun par cette nouvelle échelle de valeurs, tandis que les traditions continuent à orchestrer le quotidien et les interactions des villageois. La contrariété ou le désarroi des anciens, mais surtout l’égarement des jeunes motivent le propos, illustré par des personnages aux contradictions riches de sens. Le ton, mi-figue mi-raisin, est savoureux et le style séduit instantanément, entre récit pittoresque et subtilité humaniste.
« On ne boit pas les rats-kangourous » – Estelle Nollet (Ed. Albin Michel)
« Par ici il vaut mieux dépasser ce qu’on voit, sinon je crois bien que ce serait trop dur. Ou trop laid. » C’est pourtant par la sueur, la crasse et la poisse que débute le roman, dans une langue qui râpe, qui colle et s’incruste au fil des pages avec la ténacité du désespoir. Une poignée d’âmes perdues a échoué dans une contrée mystérieuse, où le bar du coin les maintient dans un état de demi-conscience. Jamais anesthésiée, la douleur s’y serre les coudes avec l’illusion d’une peine à purger. Qui sont ces personnages et pourquoi sont-ils coincés là ? C’est ce que l’on découvrira à travers la quête de Willie, animé d’un sursaut de libre-arbitre. Un premier roman envoûtant où le sordide revêt des allures de fable, à lire d’une traite.
» Et les hommes sont venus » – Chris Cleave (Ed. Nil)
« Une histoire triste signifie que celle qui la raconte est vivante ». A dévorer également, le destin croisé de Petite Abeille, réfugiée nigériane, et de Sarah O’Rourke, journaliste londonienne, deux femmes que tout opposait jusqu’à leur rencontre sur une plage d’Afrique. Deux ans plus tard, on les retrouve à Londres, marquées à vie par cet épisode. Entièrement rédigé à la première personne, ce roman met en avant un style aussi direct que délicat qui fait passer du rire aux larmes d’une page à l’autre. Sans prétentions ni devoir journalistique, Chris Cleave signe ici une histoire forte en privilégiant le portrait de ces deux femmes qui puiseront leur soif de vivre dans les épreuves. Une grande claque émotionnelle.
« Suites byzantines » – Rosie Pinhas-Delpuech (Ed. Bleu autour)
« La mère n’a pas de langue pour parler à l’enfant. » Plus ouvragé, ce court récit traite de l’apprentissage du langage et de la lecture dans un contexte multiculturel. Comment se forge l’identité ? où trouver ses racines ? que faire de cet héritage linguistique déjà confus pour les parents ? C’est l’enfant qui raconte, de son point de vue qui s’étoffe avec les années, en s’ouvrant au monde dans la poésie d’un questionnement perpétuel. Petit bijou de sons et de mots, « Suite byzantine » se prolonge au pluriel par une série de nouvelles au parfum de contes turcs, puisés dans les contrastes de l’Istanbul cosmopolite des années 60. Un recueil raffiné et séduisant.
« Beatles » – Lars Saabye Christensen (Ed. JC Lattès)
« Ca doit être possible de chanter un blues en norvégien, non ? » Avec une chanson des Beatles par chapitre, ce pavé norvégien raconte les déboires de Kim, Gunnar, Ola et Seb, quatre adolescents des années 60 soudés par une amitié vaillante et complice. Au rythme des trimestres et des sorties de 45 tours, on suit leurs rêves de gloire, leurs premières histoires d’amour, leurs castagnes de quartiers et leurs cuites. Pendant ce temps, il y a la guerre au Vietnam, Paris s’agite et la CEE se construit, en toile de fond, et les Beatles divisent. Un roman drôle et tendre, des grands vertiges aux douces anecdotes.
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