Olivier Bleys – "Concerto pour la main morte"

Mauvaise pioche –

Il est des livres dont le résumé suscite immédiatement l’attraction, comme celui-ci : la rencontre improbable entre un pianiste français dont la main droite refuse d’obéir et un éboueur russe qui rêve de quitter sa Sibérie natale. L’attente d’une confrontation de leurs mondes opposés et l’évocation de l’art parmi l’âpreté du paysage russe, apparaissent en effet fort séduisantes.L’écriture digne et soignée d’Olivier Bleys lui vaut de planter à merveille ses personnages. Le lecteur se laisse ainsi doucement tourmenter par les contraditions de Vladimir Golovkine qui décide de voyager à un âge déjà avancé, lui qui n’est jamais monté à bord du bateau qui dessert son village quelques fois par an… Autour de lui, gravitent des destinées irrévocables telles que celle du personnage principal, Colin Cherbaux, façonné par les aspirations de ses parents qui voulaient à tout prix qu’il devienne un pianiste célèbre : «  »Le piano est là, quelqu’un doit s’en servir », fit Barnabé, le père, dont les sentences avaient l’éclat et la rareté de paillettes d’or dans le limon des jours ». Ou encore Sergueï, le cousin alcoolique de Vladimir, et Oleg, le cosmonaute qui n’a jamais décollé pour la mission de sa vie, reconverti en ermite : « Il n’y a que deux façons de passer le temps, ici. C’est l’alcool et les histoires. »

Le récit se développe avec plaisir et talent, dans une grande bienveillance à l’égard de l’humanité : « Les artistes en Russie ont des rêves sublimes, ses ivrognes des rêves minables. Qu’importe, ils rêvent tous. » Mais plus on avance dans la lecture, plus la narration s’égare dans des détails que le nombre de pages du roman ne peut contenir sans bâcler la fin. Celle-ci surprend par sa vulgarité, une inspiration basique mêlant hypnose et fantastique qui jure avec la délicatesse littéraire de l’ensemble. Par ce déroulement abrégé, le roman s’en trouve déséquilibré et inabouti, enfonce des portes ouvertes malgré l’exigence préalable de l’écriture.

Ni absurde, ni tragique et moyennement poétique, le nouveau roman d’Olivier Bleys est survendu et loin d’être jubilatoire. Une mauvaise pioche parmi les nombreux ouvrages de l’auteur, dont certains primés, une déception fondamentale qui n’est toutefois pas rédhibitoire grâce aux atouts que ce livre et surtout son écriture, présentent malgré tout.

Paru le 22/08/13 aux Editions Albin Michel.

 

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A propos de Sarah DESPOISSE

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