Séquestration d’un professeur de mathématiques : à qui profite le fait divers ? –Sans refaire la leçon sur le battement d’ailes des papillons, Olivier Dutaillis déroule le fil des événements qui ont conduit à ce qu’on appelle arbitrairement un fait divers : Anna, une jeune musicienne, a séquestré et violenté son ancienne prof de maths. Rapidement internée, elle est suivie par un psychiatre qu’elle avait brièvement rencontré chez une amie avant les faits. Pas à pas, ce médecin-narrateur va chercher l’origine de la mathématopathie d’Anna et essayer de l’en guérir.
Constitué de phrases courtes aidant à la fluidité de l’écriture, ce roman se lit rapidement et sans effort. Bien ficelé et prenant, le récit met de côté toute intervention mystique ou fataliste quant à l’enchaînement des situations. Au contraire, c’est une vision imbriquée et complémentaire de la société qui est donnée en seconde lecture, sous forme d’une contradiction : si l’erreur est permise à l’homme – et par extension ici au médecin, au policier, au professeur – ses actions ont tout de même une influence sur la trajectoire des individus, qu’il ne fait pas que croiser. Olivier Dutaillis propose en effet de considérer l’ensemble d’influences formant les comportements. Cela inclut notamment l’impact de la vie privée sur le professionnalisme, les questions d’ego, ainsi que la sensibilité des uns et des autres, conducteur d’énergies contraires telles que la mauvaise humeur ou l’empathie.Profondément humaniste, « Le jour où les chiffres ont disparu » amène à considérer la complexité d’un fait divers, et non sa banalité. Dans le respect de chaque individu, l’auteur semble appeler à libérer l’humain des étiquettes. Pour cela, il met en avant une approche souple et personnalisée de la psychologie, qu’il oppose dans son roman aux comptes-rendus implacables du commissaire et en émettant plus symboliquement une critique très diluée de notre système. De ce fait, il convoque l’attention du lecteur sur le monde qui l’entoure, et sur ses pairs. Tout cela est abordé dans une agréable vraisemblance, jusqu’à un tournant mi-utopiste mi-fantaisiste plus discutable, qui permet à Olivier Dutaillis de terminer son livre par une pirouette et par la même occasion de donner un titre énigmatique à son roman. Faut-il absolument être ludique pour aborder la psychologie sans être plombant ? Pas sûr, mais cela peut représenter un argument supplémentaire pour ouvrir ce livre assez juste, apaisant et plein d’humilité. Néanmoins, sa légèreté assumée le cantonnera certainement à demeurer éphémère.
Paru le 23/08/12 aux Editions Albin Michel.
Pour lire d’autres romans sur le thème des faits divers, retrouvez sur Culturopoing :
– Belle famille, Arthur Dreyfus – Ed. Gallimard
– L’hébétude des tendres, René Corona – Ed. Finitude (prochainement)
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