Dans les livres de Patrick Pécherot, l’Histoire flâne dans les ruelles de Paris. Un Paris populaire de l’entre-deux-guerres, le plus souvent frondeur et la gouaille en bandoulière. A l’heure des meurtrissures de la ville, c’est une plongée dans les entrailles de sa mémoire pour rappeler sa permanence et sa fougue.
Avec Une plaie ouverte, Patrick Pécherot ne se limite plus à Paris. Il ouvre les perspectives et déploie son écriture vers d’autres horizons. Le récit débute dans l’Ouest américain et se poursuit durant la Commune de Paris de 1871. Il ne s’agit pas d’un polar au sens classique du terme avec les rôles prédéfinis des personnages. C’est la poursuite d’un homme et de son ombre. Qui est Dana ? Condamné le 1er juin 1871 par contumace, l’homme s’est enfui pour échapper à la mort. Certains l’auraient vu quelques années après, dans la célèbre compagnie du Wild West. « Peut-être le whisky qui coulait à flots dans la caravane a-t-il noyé les mémoires, peut-être le temps les a-t-il obscurcies. Peut-être, enfin, les nombreux cirques, troupes et convois forains qui sillonnaient le pays, plantaient leurs barnums dans les mêmes foires et s’y tiraient la bourre n’ont-ils cessé d’échanger employés et attractions, mêlant les hommes et leurs histoires dans le grand mouvement produit par la concurrence, l’offre, la demande, le marché du travail et la libre entreprise. Tout cela pour dire : on ne trouvera personne qui s’accorde sur une version. Et rien pour attester l’existence de Dana. » Et pourtant, il a bien existé. Marceau se souvient de son ami. Durant les jours tragiques de la Commune, il le suivait, le cherchait dans les tumultes de ville. Envieux de lui et de sa Manon, égérie du peintre Courbet. La ville s’embrase et se met à croire à l’âge d’or des poètes. Mais les rêves sous les cerisiers laissent place au bruit des canons. Les Versaillais se rapprochent, les communards comptent leurs jours. Et dans la débâcle, les hommes oublient leur humanité jusqu’à tuer les leurs… Des années durant, le fantôme de Dana va poursuivre Marceau. D’une bobine de cinéma à un poème de Verlaine, Marceau poursuit des chimères. Mais il persiste. Dana est vivant, les preuves sont tangibles. A travers Dana, c’est son histoire qu’il ne veut pas oublier, ses rêves, ses amours. Et puis la mémoire se fragmente avec le temps qui passe et se reconstitue sous d’autres formes…
Le récit de Patrick Pécherot suit avec précision les grandes dates de la Commune. Outre Gustave Courbet, il croise les grands noms de cette époque. Des poètes aux révolutionnaires, Patrick Pécherot met sa plume au service de la mémoire pour ranimer le temps des cerises. Son écriture n’a jamais été aussi mélancolique et envoûtante. Alternant les analepses, Patrick Pécherot laisse planer le mystère pour le lecteur tout au long de l’intrigue.
Avec son excursion dans l’ouest américain, il tente un rapprochement audacieux avec ces hommes épris de liberté et d’un nouveau monde. Une plaie ouverte est sans aucun doute son roman le plus réussi.
Une plaie ouverte
Patrick Pécherot
Éditions Gallimard
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