Si le roman noir ne peut s’empêcher d’être peuplé de personnages peu en phase avec le conformisme ambiant, Pierric Guittaut a toute sa place dans cette galaxie. Chroniqueur à la revue Éléments, du non moins sulfureux Alain de Benoist, les foudres de la presse mainstream pourraient, sans trop longtemps hésiter, lui jouer des tours ou du moins la carte de l’indifférence. Néanmoins, les amitiés ou les convictions (bien souvent les deux vont de pair) ne suffisent pas à déclasser l’étoffe d’un écrivain. De belles rencontres peuvent avoir lieu hors des sentiers battus. Il en est ainsi avec ce roman, D’ombres et de flammes. Disons-le tout net et en préambule, la politique est discrète dans ces pages. Le roman rejoint ce courant littéraire, méconnu, dénommé le polar rural.
Influencé par les auteurs américains, le polar a eu ses lettres de noblesse dans des intrigues le plus souvent cloisonnées dans des métropoles. Le choix d’évoluer dans un environnement peu commun pour ce genre littéraire paraît audacieux. Il s’inscrit dans le parcours du personnage principal qui, dès le début du roman, se voit dans l’obligation d’émigrer vers la campagne. Écarté par sa hiérarchie qui lui reproche son comportement cavalier, le major de gendarmerie Remangeon est nommé, contre son gré, dans sa Sologne natale. Ce retour à la terre s’apparente à une descente aux enfers. En effet, treize ans auparavant, son épouse l’avait quitté sans laisser la moindre trace de vie. Depuis, Remangeon renâcle ses remords et traîne ses peines. Avec désormais la solitude pour amie et la gendarmerie pour famille, il revient marcher dans les pas de ses ancêtres. Dans cette Sologne où l’ombre devance la lumière dans l’étendue boisée des paysages, le drame semble invariablement latent. Les récits familiaux, transmis de génération en génération, déterminent les individus bien avant tout autre considération. Remangeon demeure, malgré son départ, le fils du sorcier. « Derrière la porte d’entrée qui s’est refermée, Tristan Lerouge écoute le bruit du moteur dans son dos. Celui-ci finit par s’étioler puis s’évanouir et l’homme fixe alors d’un air soucieux la paume de sa main droite, celle qu’il a posée sur le bras du gendarme. Il fait jouer ses doigts, les ouvrant et les refermant à plusieurs reprises, surpris par ce brusque engourdissement, et ce que cela pourrait signifier. Le vieux braconnier ne peut contenir une grimace qui trahit son appréhension à la pensée du retour au pays de Fabrice Remangeon. Pourquoi a-t-il fallu qu’il revienne ? » A la lisière du fantastique, Pierric Guittaut fait revivre ses croyances oubliées mais vivaces dans les campagnes françaises durant des siècles. Il s’introduit dans ces cottages où la modernité s’affiche uniquement par la présence de voitures servant le plus souvent à la chasse.
Remangeon n’a pas le temps de prendre ses aises qu’une affaire de braconnage mobilise ses hommes. En parallèle, son amie d’enfance, restée au pays, voit son élevage de faisans disparaître de manière mystérieuse. Dans ce clair-obscur, les personnages expriment leurs sentiments tels des faux-semblants. Le personnage poursuit une chimère et aperçoit son ex-femme dans des apparitions mystiques. Remangeon veut savoir et comprendre enfin sa fuite. Malheureusement pour lui, la vérité se dérobe et les habitants du cru dissimulent les faits derrière des postures équivoques.
L’écriture de Pierric Guittaut renforce le parcours funeste des personnages en créant un climat pesant pour le lecteur. Le désespoir de Remangeon ne pouvait prendre fin qu’avec la découverte de la vérité. Sa vérité.
D’ombres et de flammes mélange les effets pour donner, au final, une tonalité à l’intrigue alliant un suspense éprouvant dans un contexte singulier.
D’ombres et de flammes
Pierric Guittaut
Editions Gallimard
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