C’est à l’occasion d’une conférence, lors de la Fondation des Treilles, dans le sud de la France, que Regis Debray et Zhao Tingyang se rencontrèrent en mai 2011. C’est sous la forme épistolaire que se poursuivirent leurs échanges et se forgea leur lien d’amitié. Du ciel à la terre restitue cette correspondance féconde entre ces deux intellectuels.
On ne présente plus Régis Debray tant ses faits et gestes sont connus. Zhao Tingyang, de vingt ans son cadet, est professeur à l’Académie chinoise des sciences sociales. Il est perçu comme l’un des grands penseurs chinois du XXIe siècle pour avoir réactualisé la philosophie chinoise Tanxia. Ce concept prend naissance au XIe siècle avant J-C à travers la dynastie Zhou. « La nature politique du Tanxia est d’être un système mondial bâti sur un réseau ouvert au monde » respectant les cultures de chacun. Celle-ci viendrait ainsi contrer la théorie du choc des civilisations de Hungtinton.
Les points de convergence, entre ces deux penseurs, semblent, à première vue, limités. L’un vient d’un pays venant de sortir d’une révolution particulièrement dramatique et s’enfonce inexorablement dans un capitalisme couplé à un libéralisme culturel. L’autre a passé une bonne partie de sa vie à parcourir l’Amérique Latine à la poursuite de chimères révolutionnaires. Il en est revenu dénué d’idéaux mais s’est forgé des convictions fortes. Malgré ces a priori négatifs, un langage commun s’installe et un véritable dialogue voit le jour sous le signe de la cordialité et du respect mutuel. Ainsi, à l’optimisme du chinois vient se greffer le réalisme du français. « Un philosophe chinois devrait donc logiquement être réaliste, dialecticien et peu sentimental. Et un intellectuel français, logiquement idéaliste, métaphysicien, et porté sur les bons sentiments. Or c’est l’inverse, me semble-t-il. L’idéaliste, c’est vous, le Chinois, un bon fils du ciel. Le réaliste, c’est moi, le Français, plus terre à terre que vous et méfiant envers les élans du cœur ». A travers l’idée-force de gouvernement supranational de l’intellectuel chinois, Régis Debray souligne l’existence de cultures singulières et s’ interroge sur la légitimité d’une telle institution.
A partir d’un dialogue sur les limites des révolutions, Zhao Tingyang va critiquer ces élans du cœur ne conduisant qu’à de sinistres tragédies. « L’important n’est pas de changer ou ne pas changer, mais changer en quoi et comment ». Regis Debray, lui, retient l’effet dynamique et stimulant pour une société. Il voit à travers elle « une des dernières sources d’enchantement du monde moderne » pour des millions d’hommes et de femmes.
L’échange se poursuit, rebondit et s’élargit à d’autres thèmes tels les limites de l’individualisme, l’influence de l’Occident sur la Chine, le rôle du sacré et du religieux dans une société, ou encore, les caractéristiques de nos démocraties. Avec un phrasé qui le caractérise, Régis Debray se veut à la fois incisif et mesuré dans ces propos. Zhao Tingyang se complaît dans un idéalisme séduisant tout en louant les valeurs de la civilisation chinoise.
Le livre s’avère d’autant plus passionnant qu’il apporte une originalité de ton peu commune dans le monde intellectuel d’aujourd’hui.
Du ciel à la terre
un livre de Regis Debray et Zhao Tingyang
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