A peine la saison est-elle terminée que la rentrée littéraire est déjà annoncée… Pour être sûrs de n’avoir rien raté parmi les sorties littéraires de la fin 2013 et du premier semestre 2014, l’équipe Livres de Culturopoing vous a concocté une sélection de romans à lire cet été. Bonnes vacances et bonne lecture !

Lectures conseillées par Sarah Despoisse

Ian McEwan – « Opération Sweet Tooth »
Pendant la guerre froide, les services secrets britanniques possédaient un département culturel qui encourageait et finançait la remise en question des idées communistes, notamment dans des œuvres littéraires. Jeune diplômée de lettres, Serena Frome intègre le MI5 et se voit attribuer le cas d’un jeune écrivain, à qui elle doit dissimuler sa fonction sous le prétexte d’un simple mécénat, mais dont elle tombe amoureuse. Entre amour et patrie, à travers d’excellents personnages, Ian McEwan parvient à dérouler une fiction passionnante, sur un fond de réalité tout aussi intéressant. Un roman captivant.
« Je prenais un plaisir innocent à imaginer l’air horrifié de ces représentants de la contre-culture, s’ils avaient su que nous incarnions l’ennemi absolu, venu du monde gris et rangé du MI5. »
Paru le 09/01/14 aux Editions Gallimard

Paul Lynch – « Un ciel rouge, le matin »
Harcelé par le fils du propriétaire de sa ferme, Coll Coyle scelle son destin en le tuant. Condamné à fuir en abandonnant femme et enfant, traqué par des hommes de main, il émigre d’Irlande aux Etats-Unis presque par hasard, tout comme beaucoup de ses concitoyens dans les années 1930, en direction de la Pennsylvanie et des chantiers du chemin de fer. C’est un premier roman pour Paul Lynch. Il raconte cette fuite en avant avec un talent cinématographique qui convoque sensations, odeurs et couleurs, sans rien enlever à la précision de l’écriture. Le rythme est particulièrement réussi, emportant le lecteur à la même vitesse que Coll qui tente de rester en vie pour sa famille et doit se tenir en alerte à chaque instant. Viendra-t-il à bout de la détermination de ses poursuivants ? des mauvaises conditions pendant la traversée de l’Atlantique ? de l’épidémie de choléra sur les chantiers ? Un récit intense, d’une poésie brute.
« D’abord il n’y a que du noir dans le ciel, et ensuite vient le sang, la brèche de lumière matinale à l’extrémité du monde. »
Paru le 06/03/14 aux Editions Albin Michel

Gail Godwin – « Flora »
Orpheline de mère, Helen, onze ans, vient de perdre sa grand-mère qui l’a élevée. Comme son père doit s’absenter, sa cousine Flora vient la garder pendant les vacances d’été. Entre Helen, petite fille maligne et gâtée, et Flora, future institutrice douce et émotive, le courant ne passe pas vraiment. Un dangereux rapport de force s’installe entre elles, des petits conflits de la vie quotidienne jusqu’aux blessures irréparables. Gail Godwin immerge le lecteur dans cette saison chaude et malsaine à l’équilibre fragile. Elle entretient avec talent empathie et répulsion, questionnant ainsi avec habileté la notion de culpabilité. Tour à tour enfant ou adulte, on plonge aisément dans l’ombre fascinante de ce roman bien mené.
« Le plus souvent, je me situais quelque part sur l’échelle entre sentiment d’ennui et sentiment de supériorité. […] l’été se termina de façon terrible – voire cruelle -, et je me demande toujours quelle est ma part de responsabilité. »
Paru le 17/04/14 aux Editions Joëlle Losfeld

Stéphane Fière – « Une chinoise ordinaire »
Après « Double bonheur », Stéphane Fière récidive sur le thème de la désillusion avec un personnage à l’inverse de son héros précédent. Ai Guo est une jeune et jolie chinoise qui exploite la filière des expatriés en Chine en se prostituant. Avec un détachement très travaillé, elle brandit son indépendance avec fierté et se défend du moindre attachement envers qui que ce soit. Un jour, un nouveau voisin s’installe dans sa ruelle et les perspectives changent… On retrouve avec grand plaisir l’écriture enthousiasmante de l’auteur, très oralisée, ponctuée d’expressions idiomatiques chinoises traduites et utilisées avec humour. Malgré des monologues un peu longs et un épilogue bien sucré, ce drôle de conte de fées à l’ère moderne chinoise séduit, amuse et dépayse.
« C’est touchant, l’amour, ça ferait presque envie si ça n’était pas aussi rébarbatif. »
Paru le 09/01/14 aux Editions Métailié


Céline Lapertot – « Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre »
Ce premier roman aborde le sujet de la maltraitance avec une grande délicatesse. Pendant une dizaine d’années, Charlotte a été battue et séquestrée par son père, qu’elle a fini par égorger. Depuis une salle d’attente au tribunal, elle raconte ces années de terreur dans une lettre adressée au juge. Incapable de verbaliser ce qu’elle a subi, l’écriture est pour elle la seule possibilité de se défendre. Ce récit honnête et sensible met l’accent sur le poids du silence, ses enjeux, ses contradictions. Malgré la noirceur du thème, la franchise n’exclut pas la pudeur et Céline Lapertot dresse un portrait touchant, fort et plein d’espoir.
« Je lis Les Hauts de Hurlevent, et, soudainement, j’entends ma souffrance qui parle. D’une voie caverneuse, sortie des profondeurs de ma cage thoracique, je l’entends qui murmure que la vie se situe ailleurs, que je n’ai pas encore tout vécu. »
Paru le 16/01/14 aux Editions Viviane Hamy


Lectures conseillées par Julien Cassefieres

Nicolas Mathieu – « Aux animaux la guerre »
« Aux animaux la guerre » entraîne le lecteur dans une intrigue sombre mais captivante sur fond de déclassement social et de violence diffuse. D’Oran en Lorraine, l’auteur, Nicolas Mathieu, décrit ces moments où l’histoire se joue des hommes comme des pions d’une vaste tragédie. Il en est ainsi, dès l’introduction, quand ces simples pères de famille pieds-noirs se transforment en assassins. 
Quarante ans plus tard, c’est en Lorraine que les événements précipitent les destins. Dans une région déjà sinistrée, une usine ferme et des centaines de vies s’embourbent dans une désespérance muette. Martel, le responsable syndical, est l’un d’eux. Pour sauver ce qui peut l’être encore, sa dignité devant ses camarades, il va s’engager au service de caïds affiliés à un réseau de prostitution. De ces individus, à court de souffle et d’espoir, Nicolas Mathieu dresse un portrait réaliste comme pouvait l’être le regretté Thierry Jonquet. En se focalisant sur ses personnages, il passe d’un point de vue narratif à un autre avec toujours une volonté saisissante de différenciation dans l’écriture. L’éclatante noirceur n’est pas la seule qualité du récit. L’auteur décrit également des moments de douceur, tels des promesses d’espoir sur ces vies défaites. Une virtuosité dans le style au service d’un récit haletant font de ce livre un polar incontournable.
Paru le 05/03/14 aux Editions Actes Sud

Orhan Pamuk – « Cevdet Bey et ses fils »

Roman publié en 1982 en Turquie, Cevdet Bey et ses fils retrace le parcours d’une famille stambouliote avec en toile de fond les évolutions, politiques et sociétales, de la Turquie. En suivant trois générations, Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006, dépeint l’ascension d’une bourgeoisie musulmane dans la Turquie moderne. En 1905, Cevbet Bay tient un commerce de quincaillerie en pleine expansion. Le Sultanat vit ses derniers instants. Les contestations politiques se multiplient. Ambitieux, il profitera des opportunités pour construire sa richesse. Quelques années plus tard, ses fils assureront sa succession. Ils participeront, pour l’un d’entre eux, à l’essor économique de la Turquie grâce, notamment, à une politique de grands travaux. Au libéralisme économique vient s’ajouter le libéralisme culturel. Le mode de vie à l’occidentale se trouve confronté aux valeurs traditionnelles préexistantes. Dans cette période particulière des années 1940, les idéologies politiques font florès. Dès lors, les déchirements existentiels éclosent au sein de la famille fragilisant ainsi son équilibre. Un des plus significatifs est la décision, pour l’un des fils, d’emménager dans un appartement avec sa femme et ses enfants rompant ainsi le clan familial. La troisième génération approfondira l’émancipation déjà entreprise. Entre-temps, la Turquie a encore changé. La violence est devenue omniprésente et les militaires fomentent un coup d’Etat. Dès son premier roman, Orhan Pamuk décrit avec une précision dans l’écriture et un sens de la structuration remarquable la saga d’une famille turque. Roman d’apprentissage, il évoque, en filigrane, sa propre vie. Il livre aussi un formidable portrait de la société turque tiraillée par de multiples aspirations. Une nouvelle fois, il rend hommage à la ville qui l’a vu naître : Istanbul.
Paru le 20/05/14 aux Editions Gallimard
Alain Jaubert – « Au bord de la mer violette »
« Au bord de la mer violette » amène le lecteur au cœur de Marseille au XIXe siècle, dans un roman aux accents chimériques. C’est quelque part au milieu de cette ville bouillonnante, que vécurent un temps Arthur Rimbaud et Joseph Conrad. De ce fait avéré, Alain Jaubert imagine leur rencontre fortuite à la terrasse d’un café. Là, à l’aube de leurs vies, chacun s’épanche auprès de l’autre. Les premières amours éclosent, les rêves de voyages murissent et, déjà, les premières illusions s’envolent dans les embruns cette ville fantasque. Des années plus tard, Arthur Rimbaud viendra mourir à Marseille après une longue agonie. Joseph Conrad terminera ses jours en Angleterre auprès d’une admiratrice en songeant à ses jours heureux. Alain Jaubert saisit les moments précieux de la vie de ces deux hommes ayant, chacun à leur façon, marqué le XIXe siècle. Son écriture, portée par une grâce poétique, exprime toute la tragédie de l’existence.  Mais, également ce formidable désir de vie qui les habite.
Paru le 26/09/13 aux Editions Gallimard

Lectures conseillées par Fiolof

Tieri Briet – « Fixer le ciel au mur »
La longue missive d’un père à sa fille anorexique. Un texte sans pathos, tissé de voix multiples et dont chaque chapitre est placé sous la tutelle d’une chanson qui agit comme une relance. Un monologue inscrit aussi sous le signe de la résistance. Le père invite en effet au cœur de son récit deux figures féminines de l’irrédentisme : la philosophe Hannah Arendt et la dissidente albanaise Musine Kokalari, délivrant ainsi à l’enfant qu’il aime un message universel de combat.
Paru le 02/04/14 aux Editions du Rouergue
Yannick Bouquard – « Squat »
Immersion dans la vie quotidienne d’un squat des Hauts-de-Seine : drôle, foutraque, sans concession, irrévérencieux à souhait, corrosif et jubilatoire…
Paru le 05/03/14 aux Editions du Rouergue

 

Emmanuelle Pagano – « Nouons-nous »
Une somme polyphonique de fragments amoureux dérobés à l’intimité de tous et de chacun. Emmanuelle Pagano restitue ici par bribes étincelantes, moroses ou pathétiques une mosaïque touchante et juste de ce qui nous traverse du côté du désir. Grandeurs et dérélictions de l’amour infra-ordinaire.

Paru le 03/10/13 aux Editions POL

 

Antoine Choplin – « Les gouffres »
Un très beau recueil de nouvelles d’Antoine Choplin. L’écrivain français habituellement friand des vies minuscules inscrites au cœur de l’histoire, s’aventure ici avec bonheur dans un univers plus proche de la SF et de la littérature post-apocalyptique. Mais on y retrouve la simplicité forte et touchante de son style et sa façon bien à lui de mettre à nu le cœur humain.

Paru le 20/02/14 aux Editions La Fosse aux Ours

 

Hubert Mingarelli – « L’homme qui avait soif »
1946 : un soldat japonais démobilisé descend malencontreusement du train qui le ramène chez lui…pour boire. Obsédé par la soif, il part en quête à travers les montagnes de la valise qu’il a laissée dans son compartiment et qui contient le cadeau réservé à la femme qu’il aime. Une fable sobre et puissante sous la plume de l’auteur de l’inoubliable « Quatre soldats ».
Paru le 03/01/14 aux Editions Stock

 

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REDECOUVREZ AUSSI NOS CHRONIQUES :

 

Jean Hatzfelfd – « Récit des marais rwandais »
La réédition récente en un seul volume (à l’occasion de la commémoration des 20 ans du génocide des Tutsis du Rwanda) de la trilogie de Jean Hatzfeld. Une somme de témoignages uniques sur le dernier grand drame de l’histoire du XXème siècle.

 

Eric Fassin (et alii) – « Roms & riverains. Une politique municipale de la race »
Une série de réflexions et de témoignages incontournables pour nous aider à décrypter les politiques récentes et actuelles menées en France à l’encontre des Roms.

=> (Re)lire notre critique

 

Hélène Gaudy – « Plein hiver »
Le brillant dernier roman de la jeune romancière Hélène Gaudy. A partir de l’histoire de la disparition et du retour d’un jeune garçon dans une petite ville américaine, l’auteure construit un récit haletant, poétique et labyrinthique.

=> (Re)lire notre critique

 

Ludmila Oulitskaïa – « Le chapiteau vert »
La Russie des années 50 à 90 ou la (contre-)culture au coeur de l’histoire des Hommes.

 

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