« Et des enfants perdus sans collier, aujourd’hui j’en connais des milliers, et peut être des millions demain, demain je n’aurai plus que des amis… » ; Les paroles d’Arnaud Fleurent Didier relatives aux réseaux sociaux seraient susceptibles de préfacer le livre de Tao Lin, en effet ce dernier a puisé dans les codes de la génération Internet pour savamment orchestrer son récit.
Tao Lin, né en 1983 et résidant à New York, peut être considéré comme le héraut d’une nouvelle génération d’auteurs dont la notoriété a été acquise sur la Toile. « Richard Yates » est son premier roman traduit en français.
Que reste-t-il de « Belle du Seigneur » à l’ère de l’hyper-connectivité des êtres ? Deux personnages, Dakota Fanning et Haley Joel Osment, vont tenter de croire à leur histoire tout au long du récit. L’hyper-réalisme de l’auteur le conduit à relater uniquement des bribes de leurs vies respectives. Leur amour commence sans début et pourrait se poursuivre bien après la fin du livre tant leur relation, à l’image de leur vie, semble dépourvu de sens. Haley Joel Osment, inspiré vraisemblablement de l’auteur lui-même, écrit des poésies sans véritable conviction. Dakota Fanning plonge son mal-être dans des crises de boulimie qu’elle s’efforce de dissimuler. Une identité floutée pèse sur ces personnages qui s’aiment afin d’échapper à leur solitude. Le récit n’explore pas les méandres d’une société atone mais observe quelque peu l’existence sociale de l’amour face aux vecteurs communicationnels en vigueur. Comment se traduit l’amour entre deux individus à travers le prisme d’Internet? Première observation ; une occupation permanente du temps et de l’espace. Le « chat », à travers l’utilisation faite par les personnages, devient un moyen de connaissance et de contrôle de « l’autre ». Les personnages deviennent davantage dépendants par leur présence virtuelle que physique. Souvent pour le pire « Viens sur le chat, a dit Haley Joel Osment. Salut, a dit Haley Joel Osment qui a ensuite fixé l’écran d’ordinateur. Je sais pas quoi dire, a-t-il dit au bout de vingt secondes environ. Moi aussi, a dit Dakota Fanning. ». Une bien triste époque. Ironie du sort, leur amour jaillit davantage devant leur écran d’ordinateur. L’absurdité de leur action et de leur vie s’animent à travers leurs échanges virtuels. A contrario, l’ennui prédomine leur échange et amenuise leur  « passion ». L’amour virtuel prendrait ainsi le pas sur l’amour physique…
Le texte, répétitif à souhait, s’apparente à une accumulation sur plusieurs mois d’une correspondance par mail avec çà et là des complications émaillant leur existence : une mère soucieuse limitant leur relation, la recherche quasi obsessionnelle du mensonge chez Dakota par Haley Joel, la présence d’un mystérieux internaute contrariant Dakota… L’index ajouté par l’auteur avec les noms ou expressions mentionnés dans le texte (à la manière d’un moteur de recherche) synthétise l’ambiance stérile du livre.
Au-delà d’une angoisse de la solitude, leur attachement va de pair avec une profonde déprime communément partagée. L’envie de « suicide » est permanente, la passion couverte par leur insatisfaction laisse peu d’occasions à l’épanouissement. Seul le vol à l’étalage semble leur procurer quelques vertiges. Une impression de vide ressort de ces personnages incapables de se complaire ensemble ou de manière individuelle.

Au final, l’originalité du style minimaliste de l’auteur tend à faire oublier la faiblesse existentielle de ces personnages et le vide absolu de leur vie. Néanmoins, au fil de la lecture, la sensation de répétition intrigue, puis agace.Paru aux Editions Au Diable Vauvert.

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A propos de Julien CASSEFIERES

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