Culturopoing vous propose en ce jour Pascal un tour de France des cloches de monastères. Soyez pour une journée les pèlerins de Saint Jacques de Compost-Bell, entendez résonner les toc-toc-saints entre vos deux oreilles, faites de votre salon une cathédrale de poche, faites de votre baladeur mp3 un lien direct d’avec le ciel, venez à la découverte d’une sélection des meilleurs cloches des monastères français !!
On se souvient du superbe travail de collectage entrepris depuis quelques années pour enregistrer et ainsi conserver tout un pan de la mémoire du grand Sud américain : vieux folk, vieux blues, vieille worksong, tout y passa pour produire au final une fascinante anthologie de la musique traditionnelle de là-bas, elle qui influencera ensuite tout un pan de la culture musicale populaire du monde entier. C’est ici son pendant dévot qui vous est proposé, un fascinant travail de collecte des sons de cloche afin de perpétuer jusque dans vos oreilles cette liturgie à peu de frais. A la différence évidement qu’il n’est pas question de musique du diable ici, on vend son âme à Dieu et non à son acolyte yang.
Le livre intérieur ne nous dit d’ailleurs pas autre chose :
« Alors que tout change et se transforme autour de nous, que nos villages se font villes et que nos cités se bouleversent sous la hantise constante du progrès, la cloche, elle, et peut-être elle seule, continue à tenir aux générations qui passent son langage toujours identique, langage de sagesse, langage de paix, langage de patience, langage de pondération, langage de vertus. »
(pour une meilleure qualité de lecture, imaginez Sophie Marceau lire l’extrait à la manière d’Isabelle Adjani lisant un extrait des « versets sataniques » aux Césars)
La cloche immuable, jour après jour, siècle après siècle, est une victoire darwinienne sur l’environnement changeant qui se fait désormais hostile. Là où de nobles mais éphémères instruments n’ont pu laisser de traces (qui se souvient du son produit par cet étrange instrument en peau de chèvre, et en forme de toupie, dont on n’a guère de connaissance que grâce aux fresques des grottes de Pouilly sur Loire ?); la cloche, toujours humble, s’est frayée un chemin dans la dense forêt des espèces. La cloche chatoyante, comme la mitochondrie ou le requin, a fait preuve d’adaptabilité, elle est ce que Jared Diamond pourrait appeler « le quatrième chimpanzé », une version en fonte d’une famille lointaine.
Le disque offre de grands moments. On voit ainsi Dieu dés la troisième piste, les « Trois cloches » du monastère d’En Calcat (Tarn). Fascinant exercice !
Certes on le perd de vue au moment de l’Angelus (pistes 11 et 12) mais c’est finalement pour mieux le retrouver aux abords de La Lucerne (piste 15, « Quatre cloches (si b, mi b, fa, sol) ») dans la Manche.
54 minutes de cloches dans la musette, la vie comme un yaourt aux mille saveurs et le carillon comme sa petite cuillère !
Une évidence à l’écoute de tout ceci: le distinguo émouvant entre cloches des villes et cloches des champs : la cloche des villes est sèche, élastique, tout en nerf et en muscles alors que la cloche des champs elle est plus gironde, opulente, grassouillette, nourrie au gros grain et sous la Sainte-Mère l’Eglise.
La cloche des villes, recroquevillée sur le dogme fondateur et qui cherche à se faire entendre au milieu du tohu-bohu citadin, l’appeau pour les âmes en peine se faisant entendre jusque haut dans le ciel, là où le bruit Gomorrhéen n’est plus qu’un modeste prout de mouches.
La cloche des champs, de son côté, aux larges hanches et qui embrasse de toute son envergure les villages zé les hameaux des à-côtés, étoile du Berger tendance « Michelle Ma bell » qui guide pétrolettes de dévot et autres véhicules utilitaires égarés jusque sa sainte nef. Deux tonalités pour deux choix de vie mais un seul et même sacerdoce : la spiritualité alitée certes aujourd’hui, vaincue par le grand virus du consumérisme, mais toujours vivace et accueillante.
» Elle est à toi cette chanson
toi la cloche plate qui sans façon
m’a donné quatre notes : mi sol do fa
quand dans l’église il faisait froid »
L’union des deux donnant ce bel album, cette synthèse achevée de la spiritualité en fa-mi-sol.
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