Le matin du troisième jour, soit l’énergie revient comme le dernier râle d’un mourant soit tout au contraire la fatigue pèse un peu plus encore sur les épaules et anesthésie nos mouvements jusque les plus élémentaires.
Au choix.
Nos excuses tout d’abord à Sublime Cadaveric Decomposition supposés jouer a jeun et au réveil (10h30 tout de même, comme Téléfoot), l’heure est en effet avant tout ce dimanche matin à la validation de nos acquis révolutionnaires et à l’exercice démocratique. C’est que c’est le second tour des élections législatives voyez-vous. Une fois le bulletin glissé dans l’urne (enfin non, un machin électronique-là) et quelques pains au lait (les fameux !) ingurgités, la route s’ouvre sur la troisième journée du Hellfest 2012, celle de Mötley Crüe, de Walls of Jericho et de comme il s’appelle déjà lui ah oui John Michael Ozzy Osbourne ou encore Slash. Tout ça et plus encore.
Le soleil est de la partie comme on dit, de quoi donner une teneur estivale à ce qui n’est (on l’oublie facilement après la purge climatique du vendredi) finalement qu’une journée du mois de juin. C’est parfait, il ne reste plus qu’à poser un pied dans l’aire terreuse et relativement sèche du festival. Hop.
Pile pour l’apéro, du genre midi trente, l’heure de (regardons sur le programme) ah tiens All shall Perish, goguenard orchestre qui nous vient de la lointaine Amérique. Gageons que même les habitants de la côte Ouest de là-bas auront été réveillés (c’est la pleine nuit du côté de San Francisco, on le sait des gens de là-bas ont appelé pour se plaindre) par le tintamarre (c’est le mot) de nos gars, en particulier du vocaliste. Un peu comme si en guise d’apéritif et entre deux olives (non nous ne parlons pas ici des gars de Culturopoing, enfin les deux petits) on s’enquillait d’une traite une pleine bouteille d’eau de vie. Du brutal même si on a bien connu un groupe polonais qui en jouait du deathcore au petit déjeuner.
A peine le temps de se gratouiller les oreilles qui chatouillent encore sitôt le dernier larsen stoppé et nous voilà à fuir prestement jusque la « Temple » où Liturgy (la messe au Hellfest ?) entre en scène et fait vrombir durant quarante petites minutes son black metal pour le moins originale. Deux guitaristes sur scène sans batteur c’est vrai qu’il faut oser et ces longues litanies bruitistes et répétitives, ces cris, ce bruit et cette fureur n’arrivent d’ailleurs pas forcément à convaincre un public qui-plus-est clairsemé (et déjà fatigué ?).
Ambiance plus pouêt-pouêt au même moment sur la « Main Stage 1 » avec les forts attendus danois de D-A-D pour un excellent set bien équilibré entre vieux morceaux attendus (le groupe existe depuis la fin des années 80 tout de même) et autres plus récents. La musique entraînante se prête bien aux grands raouts comme le Hellfest les musiciens y ajoutent une saine énergie et donnent l’impression qu’ils jouent « Bad Craziness » ou « Sleepin’ my day away » pour la première fois (enfin pas le bassiste qui semble lui plus que concerné par le trait d’horizon là-bas au loin du côté de Vallet). Set horriblement court pour un groupe qui mériterait mieux.
Ambiance planante, musicale mais aussi énergique, Monkey 3 reste fidèle à lui-même en amenant un peu de douceur poétique dans cette fête de l’Enfer. Agréable moment même pour notre petit candide à nous qui se délecte de ces belles mélodies instrumentales (pas de chanteur, notre candide le découvre) non loin d’un soleil enfin bienveillant. Dommage sinon que la reprise de « Once upon a time » n’ait pas été inscrite sur la setlist. C’est dire après ce concert ouaté que Brutal Truth fait office de sévère remise à niveau côté grindcore quand ils prennent dans la foulée assau du chapiteaut. Il est toujours un peu curieux de parler de routine quand il est question de ce genre de musique mais nous y sommes pourtant. Le concert des américains est solide, imparable même, agréable, comme à chaque fois en fait, une excellente ambiance embellit le tout pour quelques dizaines de minutes de délicieux bruit blanc.
Sugar Ray vous vous rappelez ? Le groupe de metal rock fusion MTVesque qui a connu son heure de gloire dans la seconde moitié des années 90, leur second album répondait au nom de 14h59. La pochette figurait une piscine avec moult usagers en pleine séance de trempette/matelas, le plein milieu de l’après-midi, le soleil. Nous y sommes, le méridien de l’après-midi, le cagnard de juin, un dimanche, 14h59.
Into the Wylde. On connaissait le film, voici aujourd’hui la musique, celle de Black Label Society, le groupe mené par Zakk Wylde, à jamais le dauphin de Randy Rhoads comme guitariste éternel d’Ozzy Osbourne. Le souvenir encore douloureux d’un concert quelconque l’an dernier ne rend pas très optimiste à l’heure où Zakk, encore plus gras et barbu année après année semble-t-il, monte sur scène avec ses potes motards. Ne rien attendre d’un concert sinon le pire explique sans doute pourquoi les premiers morceaux emballent, du bon riff solidement charpenté avec une voix pas désagréable autour, mais hélas la seconde moitié du concert alterne cette bonne impression initiale, surtout avec un interminable et inutile solo de guitare de plus de dix minutes sans autre intérêt semble-t-il que de glorifier l’impressionnant touché du monsieur. Concert mitigé au final.
Un mot sur Forgotten Tomb qui jouait au même moment que Black Label Society. Forgotten Tomb c’est du rock et du black mais sensiblement plus rock black que black rock, c’est surtout une musique qui envoie joliment le bois. Mais sonne l’heure du retour de l’enfant prodigue au Hellfest, la divine Candace (le croisement parfait entre Julianne Moore et une truck-driver américaine) et son groupe Walls of Jericho. Voilà avec Napalm Death un des concerts les plus généreux du festival, généreux du côté de Candace et de sa bande qui donnent tout dés la première seconde, généreux aussi envers le public avec qui la communication n’est pas une simple posture gravée dans le marbre des phrases toute faites (« All right motherfuckers », « Do you have a good time ? » etc.) mais un sacerdoce, une philosophie. Musicalement le metalcore hyperpuissant mais subtil des américains fait mouche, tantôt plombé et groovy tantôt speedé et infernal, au final un des concerts les plus forts du week-end, la patate des musiciens emportant la mise même auprès des profanes.
Dans une veine sensiblement identique et un égal dynamisme, Hatebreed qui succède aux Murs de Jericho va faire office de parfait pendant à cette somptueuse mise en bouche. Là-aussi une puissance impressionnante et une grande efficacité, là-aussi une absence totale de répit, là-aussi un bon carton mille fois mérité pour ce grand groupe. La haute teneur en plomb du combo américain fait que le set de Severgreen Terrace qui suit côté chapiteau parait de prime abord bien léger, comme s’il manquait une troisième guitare en fait au barouf proposé. Ce mélange de punk mélodique et de quelques riffs bien hardcore, de voix claire et de hurlements, va pourtant faire mouche, une belle réussite.
A la même heure (celle de Stade 2), le théâtre macabre de Vulture Industries entre en scène entre second degré et vraie singularité. Le (black) metal devient avec ces norvégiens un jeu de scène efficace (la musique est inspirée et carrée) et le gosier du combo joue/interprète chaque chanson comme une scénette issue tout droit du musée des horreurs, le tout avec coupe de cheveux d’étudiant en commerce, chemisette et bretelles. Et oui.
Toujours à la même, toujours celle de Stade 2 (mais là plutôt époque Robert Chapatte que Lionel Chamoulaud), les Blue Oyster Cult posent le pied sur la « Main stage 1 ». Prenant la suite de Uriah Heep ou encore Skynyrd pour ce qui est du tribut payé par le genre musical metal aux anciens, les américains ne paient certes pas de mine et en rajoutent encore moins côté gimmicks de scène mais comblent tout autant nombre d’oreilles . Bien plus classic rock que hard rock et porté par un jeu de guitare assez hallucinant, les BOC ravissent grands et petits avec d’excellents versions de leurs éternels « Don’t fear the reaper » ou encore « Godzilla » ou encore « Cities on flame with rock’n’roll », un bon moment.
L’heure maintenant de Michel Drucker et de son canapé. Imaginez le donc à accueillir en access prime time Bobby Liebling, l’impayable leader des glorieux Pentagram, pionnier du doom metal qui ne compte plus ses tours de manège depuis plus de quarante ans qu’il tourne. Imaginez donc le flegmatique présentateur y aller de son ricanement lorsque Liebling raconte le comment du pourquoi de l’annulation de leur concert du Hellfest en 2009 (si vous voulez savoir pourquoi faites-le savoir en commentaire à cet article, merci mais franchement ça vaut le coup de demander). Pentagram donc, légeeeeeeende du doom metal et par-là même du heavy rock à la sauce seventies, waouh yeah !! Au final un vieux monsieur qui interprète avec son groupe (certes carré) une musique tellement classiquement rock/heavy à la sauce 70’s qu’elle en devient un peu dépassée (voilà pour un de nos gars). The Obsessed dans une veine très proche suit le même chemin de la déception même si (voilà pour le second de nos gars) l’ensemble n’est pas désagréable sans être transcendant.
Le contraste est sévère quand on se pose devant le concert de Trivium sur une des scènes principales, un thrash aux fondations old school mais avec un petit quelque chose de typiquement actuel/moderne qui laisse à penser qu’on a ici entre les oreilles le futur du genre. Une prestation (et une musique) cela dit un poil monocorde en mode « je commence fort, j’accélère au milieu et je finis à fond ». Autre versant d’un metal moderne, le vocaliste d’Emperor ici en mode « solo », Inshan. Loin de toute imagerie attendue/convenue, le norvégien enquille une musique rapide, énergique et plaisante pour un concert une fois de plus excitant. Well done.
Sévère demi-tour frein à main et autoroute de l’enfer en sens inverse, l’avenir dans le rétro mais rien à foutre, les Mötley Crüe enflamment ensuite la « Main stage » pour l’un des concerts bien évidemment les plus attendus de la journée voire de l’édition entière. Le souvenir d’un groupe en pilotage automatique à leur dernière venue est encore dans nombre de mémoires (sans doute la quasi-totalité des personnes ici présentes et qui étaient déjà là il y a trois ans) mais la crainte d’un autre concert mitigé va vite être levé par nos quatre rockstars, heureux d’être là (ça change de la dernière fois) et dopés par une belle énergie individuelle (Mick Mars a semble-t-il gagné quelques centimètres d’autonomie) et surtout collective (des regards entre les uns et les autres, des signes de connivence non feintes qui font du bien). Après certes la setlist est archi-prévisible, la même dans toute l’Europe modulable selon le temps de jeu, ici donc exit  le solo de batterie sur rollercoaster de Tommy Lee. Certes le show à l’américaine plus que rodé (même enchainement de titres, mêmes pauses pour que chacun y aille de son petit laïus démago) est également de mise. Mötley pourtant fait mouche avec ce qui est tout de même la plus belle setlist de tout le festival et un moment fün fün fün.
Du death, technique, énergique, mélodieux, rapide , puissant, du death quoi. Suffocation. Du bon death, pour ceux qui coincés entre les Mötley et le Slash avaient comme des envies de brutalité. Suffocation, parfait contre-emploi d’une soirée heavy sleaze rock côté Mainstages. Le voici justement notre chapeauté, le Slash et son gang emmené par l’excellent vocaliste Miles Kennedy. Le concert vaut d’abord pour son énergie, surtout après celle déployée par les quinquas de Mötley Crüe certes en forme mais tout de même. Un set de rock pur jus, joué fort et avec doigté et inspiration, on prend certes les chansons du répertoire de l’entité Slash comme de sympathiques transitions entre deux morceaux puisés dans le répertoire des Guns mais elles passent très bien tout de même tout comme le solo de guitare de 10 minutes lui-aussi plaisant (une gageure non?). Bien meilleur que lors de sa dernière apparition sur ce festival, le groupe de Slash comble l’attente malgré les gouttes de pluie qui s’invitent peu à peu à la fête, comme s’il fallait absolument boucler la boucle côté précipitations pour ces trois jours de festival.
La pluie tombe cette fois à seaux quand Ozzy Osbourne débarque sur scène comme par surprise après une intro/vidéo qui n’était pas terminée quand le premier « Come on ! » beuglé par l’ami John Michael se fait entendre. Les seaux justement comme ceux pleins d’eau balancés sur les premiers rangs malgré la pluie qui tombe, un premier rang bien gaté décidément cette année entre le faux sang de Lizzy Borden barbouillé à qui le veut le premier jour et les seaux remplis de liquide rougeâtre jettés par les Mötley peu après la dernière note de « Kickstart my heart ».
Etait-ce justement la pluie si pénible ou bien simplement le fait d’avoir vu le presque calque de ce concert l’an dernier sur la même scène ? Le fait est que quelque chose n’a pas imprimé pour ce qui concerne ce concert pourtant prometteur sur le papier (enfin bon, Zakk Wylde et Slash en guest pour jouer un morceau ici ou là avec le backing-band du madman mouais). La setlist est bien entendue prévisible et sympa comme tout (on parle tout de même de classiques parmi les classiques du genre metal entre celui de Sabbath et celui du répertoire solo d’Ozzy) mais rien n’y fait et surtout pas un pauvre Ozzy balancé sur scène alors qu’il est souffrant pour un concert au final écourté et peu marquant. Tant pis.
Le festival s’arrêtera pour nous avec Sunn o)). L’attente déjà nous mettait dans l’ambiance à venir sous un chapiteau rempli à ras-bord, sans doute en partie à cause de la pluie qui tombe cette fois drue. La scène se remplit d’amplis qui vont envelopper les musiciens et dès le soundcheck le son nous fait trembler. Une vingtaine de minutes avant le début du concert la tente est plongée dans le noir, le décord est planté. Les musiciens entre sur scène et c’est parti pour une heure… et un seul morceau. Des nappes de guitares encerclent les spectateurs qui plongent dés lors dans le coeur d’une véritable expérience de son. Les moment répetitifs se succédent et hypnotisent. Les parties chantées sont intéressantes quand elles sont proches des incantations car participantes à l’ambiance et à l’emprise de la musique sur le spectateur. Mais quand elles se font plus techniques et « chantées » alors elles tombent malheureusement dans une litanie proche d’une messe et plongent la musique plus dans un « folklore » qu’autre chose.
Une impression durable en tous les cas, renforcée par le brouillard constant sur scène qui tend à nous faire plonger plus encore dans une atmosphère de mystère alors que la musique seule y parvient. Sunn o))) dégage une puissance incroyable et peut se placer à coté de très bons compositeurs contemporains et l’expérience sonore vécu en rajoute à cette comparaison, peut-être que le « spectacle » autour ne rajoute rien (voir le contraire).
Voilà, trois jours qui s’achèvent dans la pluie et le frais, le retour est un poil chaotique (disons que le public décide en large majorité de partir au même moment d’où embouteillages à 1h du matin à la sortie de la ville et retour au ralenti vers Nantes l’endormie) mais la journée fut belle et les trois jours tout autant. Certes les festivaliers ont essuyé cette année nombre de plâtres (stationnement lourdingue, hygyène plus que moyenne, scènes par trop rapprochées peut-être à certains endroits) mais c’est là le lot de tous les festivals qui se renouvellent et repartent comme le Hellfest cette année presque d’une feuille blanche. L’organisation a en tous les cas trouvé son terrain, sa jauge conséquente, son mode de fonctionnement et gageons que dés l’année prochaine les petites retouches nécessaires auront été faites pour que ces trois jours soient pour chacun, de l’humble campeur festivalier en guenilles à la demoiselle en jupette et sandales (si si) en passant par l’arrogant VIP à Ray-ban, un moment rare et précieux. Nous y seront en tous les cas, si Dieu et l’organisation le veulent, pains au lait dans la besace et bouteillette d’eau en guise de fiole de whisky.

En vous remerciant

 

 

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