Plein soleil le long des trois journées de festival et un bilan encore une fois éloquent de 165.000 entrées payantes et de plus de 400.000 litres de bières (et 23.000 de vin) ingurgités (aux bars « officiels » s’entend), le Hellfest 2018 a de nouveau brillé de mille feux les 22,23 et 24 juin dernier.

Retour en arrière de notre équipe de choc (Benoit, Bruno, DJ Duclock et Jean-Christophe aux écrits, les mêmes avec l’aide inestimable de Florent Dié pour les photographies) à travers les trois concerts les plus marquants du week-end pour chacun d’entre eux, sous l’angle de la confirmation, de la révélation et de la déception…

Les surprises

Emeric Cloche : Hollywood Vampires (Mainstage, Vendredi)

Je ne m’attendais à rien. Enfin si Alice Cooper c’est toujours bon pas vrai ? Mais sinon, pour Hollywood Vampires, je ne m’attendais à rien du tout. Je me disais : je vais voir un bon groupe de reprises, ça va être cool, j’aime bien Alice. Et j’ai vu un bon groupe de reprises et c’était plus que cool. Love, Spirit, The Doors, AC/CD, Alice Cooper, David Bowie, Aerosmith , Motorhead, The Who pour les groupes que j’ai reconnu. Les gars sont heureux de joueur ensemble, Joe Perry joue très bien de la guitare et de la pause de guitariste rock, Alice Cooper est parfait en maître de cérémonie, il introduit chacun des morceaux avec quelques phrases qui retracent parfois un bout de sa carrière et franchement Johnny Deep que beaucoup de monde semblait attendre au tournant s’en tire très très bien sans en faire des tonnes avec les limites de sa voix. Heroes, la reprises de David Bowie est touchante et honnête. Le groupe jouera aussi quelques une de ses compositions dont une qu’étrangement j’ai attribué, sur le moment, à Nick Cave… Le Hellfest c’est un peu transformer en fête de camping pendant un peu plus d’une heure le Vendredi soir. Une fête de camping avec son groupe de reprise comme on en rêverait au camping. Et aimer un groupe de reprise au-delà des reprises, n’est-ce pas une surprise ? Comme pour Joe Satriani un après midi de 2016 Hollywood Vampires fût une agréable surprise gorgée de sucre et d’un peu de nostalgie.

Photo Florent Dié

Benoit : Zeal And Andor (Valley, dimanche)

Je n’avais que très moyennement apprécié les tentatives discographiques du mélange Black Metal-Gospel/Vieux Blues de ce groupe (a priori, ce n’était avant tout que la réponse à un défi sur le net). Pourtant, on se disait qu’il y avait là une super idée. Et en concert, ça marche ! Un leader chanteur/guitariste (suisse) et deux choristes (masculins, il faut des chœurs pour le gospel), installent, en compagnie d’autres musiciens, une ambiance dramatique et malsaine, lourde comme des chaînes, mais également très musicale, et c’est exactement là le genre de choses que le blues primal exprime.  Un pari, peut-être, mais sur scène un pari gagné haut la main !

Heilung 1 (Photo : Florent Dié)

 

Bruno : Heilung (Temple/samedi)

La vraie et belle découverte. A mille lieux du metal, et même de la simple électricité, les danois de Heilung ont proposé au fil de la petite heure de leur set un vraie bulle sonore et visuelle, comme déconnectée du tohu-bohu environnant (Jonathan Davis s’agitait de ses habituels spasmes au loin sur la mainstage 1). Positionné jusqu’à l’allée centrale (soit à peu près deux Temple pleines), le public accueille avec bonheur cette douzaine de personnage hirsutes (peaux de bêtes et masque/totem animalier pour le cœur du groupe, peaux de bête, lance, petit bouclier circulaire et corps recouvert de corpse-paint noir pour les hooligans qui les accompagnent) qui en appellent aux temps anciens avec chants invocateurs, textes provenant de textes de runes et transe rythmique (tambours et autres peaux tendus, percussions etc.) la plus tribale et la plus irrésistible qui soit. Au fil des morceaux (« Hamrer Hippyer » en premier lieu), on pense plus d’une fois à la plus minimale des techno, on est (et tout le public avec) aux anges d’une prestation qui restera, subjectivement parlant, parmi les plus fortes vues en bientôt dix ans de Hellfest, rien que ça.

Heilung 2 (Photo : Florent Dié)

Mais aussi…

Citons en vrac du côté des bons moments The Chris Slade Timeline (Slade qui vagabonde dans sa carrière passée, de Gary Moore à AC/DC, surtout AC/DC), les québécois de Dopethrone, Darkenhold (Black médiéval chanté par un ménestrel), Nordjevel (black très rock et plein de clous), Schammasch (Black hautain, martial, maquillé et costumé), Demolition Hammer (du pur death dans ta face). N’oublions pas non plus Mysticum, avec une belle mise en scène pour ce concert de black indus sans batteur (trois scènes surélevées, projections vidéos) ou encore HO99O9 (prononcez Horror) spectaculaire, violent et très agressif. Mais l’agressivité malsaine est justement le propos du groupe, et puis, quand le Hellfest programme du vrai Hip Hop, ca ne peut quand même pas être MC Solaar !

Une petite pièce également sur Arkona (même si le concert manquait un peu d’énergie, la chanteuse Mascha est toujours au taquet), Grave Pleasures, qui nous ramène au temps de Bauhaus/Joy Division, ainsi que deux groupes des Mainstages inconnus jusqu’ici au bataillon, Tremonti et Shinedown, et qui ont assuré, sous le cagnard, de bons concerts de heavy metal pour l’un, de bon gros hard rock bien lourd pour l’autre. Pour ce qui est des plus gros noms, impossible enfin de ne pas citer Solstafir et Satyricon. On ne s’étonnera pas que ces deux groupes, déjà coupables du même méfait lors de leur venue précédente, aient assuré de très jolis concerts, chacun dans son style : plein de poésie et parfois de douceur pour les uns, très énergique et musical pour les autres.

Autre sommité, Amorphis (rien de nouveau mais que du bon) et surtout les Children of Boddom. Les finlandais ont une fois de plus fait honneur à leur réputation. Groupe très sympathique (remerciant dans un français parfait), hymnes imparables de death mélodique très travaillé, que demander de plus ?

Enfin, plus gros encore, Arch Enemy (très musical et très énergique, le groupe a mis le feu à la Mainstage) et Watain avec son très spectaculaire et enflammé concert de Black n’Roll malsain. Parfait, donc, miam ! De son côté, Nile a du réveiller plus d’une momie avec sa très efficace prestation de death très intellectuel mais en forme de pyramide dans la tronche. Eprouvant mais sain.

Pour ce qui est du mainstream, quelques mots sur Madame Joan Jett toujours pétrie de classe mais avec un concert bien trop léger musicalement parlant, même si la foule a accueilli comme il se doit sa reprise de standard « I Love Rock’n Roll ». D’autres encore sur les très attendus Hollywood Vampires pour un très bon moment sous le soleil, malgré un manque d’enjeu évident – un groupe de cover, même bon, reste un groupe de cover. Reste qu’Alice Cooper conserve la classe ultime et qu’en fait, Johnny Depp a une assez jolie voix.

Le samedi, Body Count a pu laisser une impression mitigée, et ce pour plusieurs raisons : manque évident de renouvellement, concert bavard et émotion familiale calculée, et surtout pourquoi avoir viré « Born Dead » de la setlist, scrogneugneu ? Mais on n’en voudra pas trop à Ice T d’avoir fait du Ice T ni au groupe d’avoir juste fait ce qu’il sait faire : Body Count, ça envoie et c’est du bon. Du côté du dimanche, notons la joie de retrouver Alice in Chains pour un concert très sobre et rempli d’émotion, l’occasion d’appréhender une facette de la musique « metal » moins courante en festival… On a en tous cas passé un excellent moment, qui aurait sans doute juste mérité un peu plus de pénombre….

Un mot enfin sur le gros nom du week-end : Iron Maiden. Quand le groupe délivre un concert de cette trempe, musical, énergique, spectaculaire et fédérateur, on est évidemment très haut dans la qualité et on ne peut en sortir qu’avec la certitude d’avoir assisté à quelque chose de grand.
Bravo, point final.

Rayons déceptions, on parlera plutôt sans doute de manque d’atomes crochus avec les groupes ou leurs prestations. On parlera ici de Celeste, trop hurleur et brouillon pour des oreilles qui en ont pourtant entendu d’autres. On parlera aussi de Oranssi Pazuzu, dont on saluera pourtant la démarche, mais dont la prestation fut décidemment trop bruitiste et extrême pour nous entrainer dans son sillage. Une forme de poésie un peu trop rébarbative, en somme.

Incompréhensible aussi, mais pour d’autres raisons, le concert de In This Moment : imaginez une (ou deux ?) Lady Gaga version metal, changeant de costumes et de chorégraphie à chaque morceau, accompagnée de musiciens vikings (barbes, maquillages et peaux de bêtes).Cela aurait pu être amusant, voire intéressant….Pour peu que la qualité de la musique soit au rendez-vous. Hélas, aucun morceau ne surnagea de ce triste spectacle.

Batushka c’est autre chose : grande mise en scène pour une messe noire de rite orthodoxe. Impressionnant, sans doute, mais la musique orthodoxe est d’une telle richesse qu’il y avait sans doute mieux à faire que de simplement plaquer sur ce spectacle un True Black Metal plat et sans envolées… Une fausse bonne idée, ici.

 

 

 

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