Hidden Orchestra fait parti de ces rares formations qu’on écoute à gouttes pour remplir nos paysages intérieurs des partitions de sa musique. On voudrait à l’entendre, produire un tout aussi beau langage que celui de Joe Acheson mais nous trébuchons sur les mots. Là où très simplement magistral comme à la coïncidence de l’aube et de l’obscurité, la musique, délicatement, tisse les premiers sons de lumière qui viennent tomber sur le parterre de nos oreilles comme des gouttes d’eau.
Dès lors l’album prend tout son espace, n’ayant de cesse d’en repousser les frontières.
Chez Hidden Orchestra, jamais sons et musiques n’avaient atteint un tel degré de fusion pour produire ce que Pythagore cherchait sous le nom de musique des sphères. La musique parfaite de l’harmonie puissante qui tient l’univers comme une chose unique et stable. Si pendant des siècles on a pu douter d’une telle conception, tout pousse à croire aujourd’hui qu’il existe une entité unique dont nous faisons parti, qui est une seule chose pour toutes les choses qu’elle contient.
Le Cosmos
Depuis ses débuts, Joe Acheson semble s’émouvoir d’une obsession, celle de donner vie, dans sa musique, à des sentiments qui nous englobent et nous dépassent. On est très loin des origines du monde, presque burlesques en comparaison, façon Gustave Courbet. Non, la métaphysique de l’artiste veut ici dépeindre avec un autre langage, d’autres émotions qui appelleront, il faut l’espérer, de nouveaux sentiments.
Un lézard serait-il capable de ressentir ces merveilleux sentiments ? La trace de l’émotion que laisse le soleil sur sa peau peut-elle provoquer autre chose qu’un réflexe inné ?
La musique de la nature en devient soudain audible.
Le génie de Joe Acheson est de pouvoir dire de nouvelles choses sans changer de langage. Un langage qu’il a créé au fil des trois albums du groupe ainsi que dans les innombrables mix et remix pour cette obsessionnel du son. On peut relire l’interview qu’il nous accorda au début de l’année.[1]
Organique et électronique se mélangent dans Hidden Orchestra pour donner aux chants des machines celui de baleines.
A l’inverse de l’écoute réduite de la musique acousmatique, Acheson multiplie les références aux sources sonores qui inspirent sa musique. Ainsi, les chants d’oiseaux sont omniprésents tout en étant partie intégrante de l’orchestre.
Le compositeur fait fusionner la musique abstraite et la musique concrète. La partition, qui est une forme d’abstraction de la musique, devient aussi celle des sons de la nature. Dans cette musique l’oreille est privilégiée. Les sons mélangés à des structures rythmiques complexes réveillent l’oreille et le corps. Dans cette musique, les logiciels ne pensent pas pour nous l’implication du compositeur est totale.
Les acousmatiques étaient les disciples de Pythagore qui, pendant 5 ans, écoutaient ses leçons cachés derrière un rideau sans le voir et en observant un silence rigoureux. Entendre un bruit sans en voir la provenance. Transformer le son en quelque chose de plus abstrait ; En faire un objet sonore : le voile de Pythagore.
Mais là où l’abstrait est la règle, Hidden Orchestra fusionne avec le concret pour entrer dans la musicalité.
Serpentine est un interlude euphorisant qui montre jusqu’où peuvent s’étendre les bras de la musique, dans l’estuaire de l’orchestre caché.
Si la pierre semble refermer cet opus, en réalité, c’est le goudron et les plumes qui viennent capturer l’auditeur.
East London Street a un air de « petites femmes aimées au parfum de verveine »[2] où l’on ne s’explique la mansuétude soudaine de nos envies de forbans qu’uniquement à l’écoute des évocations de la musique de Hidden Orchestra, ramenant à nos yeux vaniteux les fragrances de nos vies perdues si loin de leur origine.
Hidden Orchestra, Dawn Chorus (Tru Thoughts – 2017)
http://www.hiddenorchestra.com/
https://hiddenorchestra.bandcamp.com/album/dawn-chorus
[1] http://www.culturopoing.com/musique/the-hidden-orchestra-letrange-laboratoire-mobile-du-dr-acheson/20170130
[2] Nouvelle de Jean Ray
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