Quelques lignes de Bob Marley pour commencer ce billet d’humeur…

Burnin’ And Lootin’  (Brûler Et Piller)

This morning I woke up in a curfew Ce matin je me suis réveillé sous un couvre-feu

Oh god, I was a prisoner too Oh mon Dieu ! J’étais un prisonnier moi aussi

Could not recognise the faces standing over me Qui ne pouvait reconnaître tous ces visages devant moi

They were all dressed in uniforms of brutality Ils étaient tous en uniforme

How many rivers do we have to cross Combien de rivières devrons-nous traverser

Before we can talk to the boss Avant de pouvoir parler au Seigneur ?

All that we got seems lost Tout ce que nous avons semble avoir été perdu

We must have really paid the cost Nous avons véritablement payé le prix

Burnin’ and a-lootin’ tonight Brûler et piller ce soir

Burnin’ and a-lootin’ tonight Brûler toute la pollution ce soir

Burnin all pollution tonight Brûler toutes les illusions ce soir

Le 27 Juin 2023, le jeune Nahel, 17 ans, est abattu par un policier alors qu’il était dans une voiture, mis en joue, et qu’il tentait de se soustraire au contrôle. Il s’en est suivi des émeutes dans toute la France. Dans ma ville (Fontaine, Isère), la mairie, le bureau de poste et la salle de spectacle ont été saccagés.

La salle de spectacle !

Je me suis interrogé sur le pourquoi d’un tel acte. Je n’y ai trouvé qu’une seule réponse censée. La salle de spectacle est la représentation symbolique du monde dont sont exclus les minorités qui représentent une majorité. Exclues et pire encore, elle est un élément symbolique de la paupérisation et ghettoïsation, de la société. Explication ne vaut pas excuses, mais c’est un passage obligé vers la réconciliation et la reconstruction. Autrement c’est laisser pourrir la situation dans l’œuf.

C’est dans cet état d’esprit que j’abordais alors les premiers concerts de l’été et interviews qui en découleraient.

Autant le dire immédiatement, je suis tombé de haut.

Photo Vasken Koutoudjian

Des artistes qui refusent de rencontrer la presse, arrogant et dédaigneux de leur public (Roméo Elvis cynique envers son public sur la scène d’Autrans) mais pire encore, une organisation complice et flagorneuse. Omerta également sur le cachet des artistes.

Ce qui est d’autant plus regrettable que la Spedidam (Société de Perception Et De DIstribution des Droits des Artistes-Interpretes)[1] traine une casserole méconnue et très peu relayée dans les médias !

Dans mon esprit se mêlent, d’un côté, la nuit de colère entrevue de ma fenêtre contre les lieux de cultures et de pouvoir et, de l’autre, un monde en perdition qui n’a plus comme solution que la fuite en avant pour justifier sa politique

Difficile de garder la plume froide. A Autrans, aucun des artistes que j’aurais voulu rencontrer n’aura au final donné d’interviews (Izia, Roméo Elvis, Luidji).

Le philosophe Antonio Gramsci[2] a défini ce qu’était la crise dans une citation restée célèbre :

« La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés » (dans la traduction française des Cahiers de prison parue aux Éditions Gallimard …

Je relis cette citation dont les mots se superposent parfaitement à l’époque. Comment calmer l’angoisse ? Comment porter une parole qui fasse sens dans le chaos qui se met en place doucement. Car comment croire qu’il en sera autrement ?

Contrairement à ce que dit cette vidéo, nous n’avons pas les cartes en mains. Ce sont les entités invisibles du capital qui les tiennent férocement, les dirigeants des plus hautes entreprises et les gouvernements vassaux. Une crise inconnue, sans précédent, semble inévitable.

Que font les artistes là-dedans ? S’installent-ils sur le pont du bateau du pouvoir en train de sombrer pour jouer la musique accompagnant le naufrage ? Beaucoup semble le faire oui. Musique, la culture du Titanic ?

Il devient difficile, dès lors, de continuer de suivre cette musique lénifiante[3].

Soit le divertissement colle à l’époque, trouve le chemin de la légèreté et accompagne le besoin de liberté, soit il est insipide ou pire complice.

La liberté n’est rien d’autre que la connaissance des déterminismes. Ainsi la seule question à même de changer l’environnement n’est pas « pourquoi » mais « comment ».

Une question qui se pose aussi pour la culture et donc la musique…

Photo Vasken Koutoudjian

[1]https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_de_perception_et_de_distribution_des_droits_des_artistes-interpr%C3%A8tes

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Gramsci

[3] Qui endort la vigilance.

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