Auto-crucifixion –
Il est des artistes comme Jay Jay Johanson à qui l’on souhaiterait que toute ressemblance avec des faits réels ou ayant existé ne soit que pure coïncidence. Voilà plus de dix ans qu’on l’écoute naviguer entre une profonde mélancolie et un espoir de mieux, et il en a fait sa marque de fabrique. Mais lorsqu’il néglige son allure de dandy et se présente sur sa nouvelle pochette de disque avec les cheveux longs, débraillé, plus décharné que jamais, dans une posture qui oscille entre épuisement et découragement, il y a de quoi s’inquiéter pour lui. Qui plus est lorsque son nouvel album s’intitule Self-Portrait et qu’il balaye généreusement le champ lexical de la souffrance…
Toujours à la croisée du trip-hop, du jazz et de l’électro, Jay Jay Johanson avait privilégié des influences lounge avec son précédent album The long-term physical effects are not known. Il retourne à présent vers des mélanges plus acoustiques, notamment par le biais de la guitare et du piano (et même d’un tambourin), toujours dans un style électro-acoustique des plus sophistiqués, à la limite de l’expérimental. Mais si la participation de ces instruments peut créer un effet ensoleillé chez certains, ils ont ici la valeur organique d’une larme ou d’une goutte de sang, car Jay Jay Johanson nous livre aujourd’hui son album le plus sombre. Il chante la (sa) douleur de sa voix si singulière, tantôt un peu frêle et perchée, tantôt caressante, sur des paroles lourdes de sens, légèrement plus répétitives qu’avant, laissant davantage de place à la musique et à l’ambiance – dépressive – générale du disque.
Au programme :
Wonder Wonders (single-écho à She Doesn’t Live Here Anymore) : celle qui n’habitait déjà plus à cette adresse est décidément trop bien pour lui, il l’a quittée pour de bon dans un dernier élan de lâcheté romanesque car il ne la mérite décidément pas.
Lightning Strikes : on s’enferme chez soi par une nuit d’orage, au dehors le tonnerre gronde, les ombres et les fantômes rodent…
Autumn Winter Spring : appel à l’aide, il n’y a plus de saisons, cherchez l’absent.
Liar : la confusion des sentiments.
Trauma : comme Britney, sa solitude le tue à petit feu.
My Mother’s Grave : mea culpa post-mortem.
Broken Nose : jusqu’à ce que la mort nous sépare (sur fond d’accords de piano répétés à la Alex Beaupain dans Delta Charlie Delta).
Medicine : il n’existe aucun remède à cette solitude silencieuse (en ambulance).
Make Her Mine : les problèmes vont croissant.
Sore : il a du y avoir un malentendu, nous voilà chacun faisant pleurer l’autre.
Bonus Track / The Garden : après cette odyssée, l’épreuve finale du chant des sirènes.
Un album ouvertement déprimant, mais brillant de délicatesse et soigneusement ouvragé. S’il a touché le fond, Jay Jay Johanson ne peut que remonter à la surface, du moins c’est ce qu’on lui souhaite s’il s’agit d’un authentique autoportrait. Il n’en sera certainement pas moins habité de doutes et régulièrement emporté par les vagues à l’âme : c’est ce qui caractérise son œuvre et ce qui rend ses chansons profondes et bouleversantes.
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