L’Exécuteur de Hong Kong n’est pas le meilleur… Il est le seul !
Le seul à balancer sa dégaine de troquet en troquet pour raconter ses histoires extraordinaires. Borges des PMU, Cortázar des trottoirs il a l’imaginaire d’un sud-américain, le panthéon des dragons d’Asie et le funk des faubourgs de Kinshasa, le disco de New-York ou Philadelphie.
Duo de maître, l’Exécuteur sort de nulle part et y retournera certainement. Entre temps il aura fait de son œuvre une constellation d’étoiles en guise de croix du Sud, cette minuscule constellation au cœur de laquelle se tient la boîte à bijoux, la plus petite constellation, mais la plus brillante.
« Omniprésent comme la merguez au camping »[1]
C’est en Octobre 2002 que j’entends pour la première fois cette voix perchée comme une chauve-souris sur des instrus qui touchent au cœur tout amoureux de la musique. Auditeurs, nous sommes sa cible.
Sort alors ce qui reste à ce jour un chef d’œuvre, l’album Temps Précieux.
« J’veux briser la routine, j’veux les ailes de la liberté. Déployer mes tentacules comme un poulpe et rependre ma poésie pourpre. Si t’as pas saisi tant pis, j’suis donneur de sang puis vampire… »[2]
Dans cet album, qui est un véritable voyage, on croise des perles comme « Le Renard Du Parc » dont l’instru vous fera vriller la cervelle. Le renversant « La Nuit De L’executeur » dans lequel « Un enfant joue sous une pluie pure qui façonne son armure…. je suis l’inondation entre tes murs prête à sécher en un fou rire…. »[3]
La voix magnifique de Gabriella Cassidu sur le refrain, et la clôture de l’album « Soul Boulevard » terminent de poser le décor.
« Tu regardes le film de ta vie défiler la tête contre la vitre du train corail. Et là tu gamberge sur les joies, les désillusions et les amours manqués. Les baffes que la vie t’a flanqué, l’argent brûlé, les amis disparus, les rêves brisés. Mais il y a toujours eu de la soul music sur ton boulevard alors tu poursuis le périple vu que drogues et alcools ne t’ont pas anéanti (…) T’as toujours été libre, peut-être même un peu trop, mais certainement jamais assez. »
Il faut écouter le morceau comme on écoute un ami qui pose ses tripes sur la table devant vous.
Temps précieux sort en 2006. Deux ans plus tard ce sera Le retour du Mexicain !
Le clou est enfoncé pour un 360 degrés à donner le vertige. Le super Scred MC, comme il se baptise lui-même, revient pour faire de ses histoires de marlous habillés en croco d’un style « toujours chelou » le prélude à « un rêveur, un bolide qui file dans la nuit. »
Ainsi va la vie de l’exécuteur quand d’autres parlent carrière il fonce dans la nuit sans regarder en arrière.
En vrac les références citées sont Mon Nom Est Personne de Tonino Valerii Takeshi Kitano, Rio de Janeiro, la Cosa Nostra. Entre deux il vous expliquera comment faire sortir une colombe d’un œuf de poule. Sa poésie, sa prouesse.
Alors bien sûr il est certaines figures qui ne pouvaient passer inaperçues, au tamis du tatami. Ainsi Chuck Norris qui devient…
Un des rares clips de l’artiste. Et comme il le dit reprenant Chuck Norris, « les pieds il les met où il veut, et c’est souvent dans la gueule…… »
L’exécuteur le dit lui-même, il ira au paradis des animaux car trop cons sont les hommes.[4]
On arrive à ce qui est pour moi un chef d’œuvre incomparable, l’album L’envol du Caméléon.
Des coups secs de grosses caisses sur des nappes de violons, s’ouvre alors un voyage unique et fantastique.
On dit que la liberté est la connaissance des contraintes, ces deux-là (Terence Still et Mag Spencer) s’en emparent pour les pulvériser et n’en laisser qu’une pluie de paillettes dorées. Le tout avec ce qu’il faut de dérision pour ne pas oublier que rien n’est sérieux.
« Je me fous qu’il soit laid comme Johnny,
Du moment qu’il est plus brillant que Danny
Et ce qui me plait chez lui,
C’est qu’il est le plus ringard des Mc’
Et que la taille de son cerveau n’est pas plus grande que son zizi…. »
C’est Phunky Jet Ski !
Mais l’exécuteur c’est aussi la balade du kid. Personne comme lui ne sait décrire ce terrain vague à l’âme que chacun peut avoir ressenti en regarder le monde. L’exécuteur : un oxymore au micro.
Il ne faut pas oublier enfin de rendre hommage à Mag Spence, le DJ et beatmaker de l’exécuteur, pur amoureux du son, capable de retourner des morceaux comme celui-là pour en extraire toute la sauce, en bon beatzaïolo[5] ….
https://www.youtube.com/watch?v=L1lSWg42YAw
Qui est utilisé ici (attendez le tournant du morceau et boum !) :
En 2014 sort L’envol du Caméléon. Le duo est au sommet de son art.
« Au libre-service de la paix on m’a dit d’oublier que le fric avait oublié que les hommes avaient tout pillé », histoire de ne pas perdre de vue le décor, notre monde avant d’en partir pour un voyage inédit.
Hong Kong d’abord, puis la Californie. Attention pas de clichés, c’est l’Exé, un mec capable de se balader en short et Santiags, un maroilles dans le sac à dos. L’exécuteur est un oxymore vivant qui pourrait être analysé en cours de français !
« Mystérieux comme les moustaches de Dali »[6]
L’écriture des textes est un parfait mélange d’érudition et de culture pop, ne prenant jamais l’auditeur pour un imbécile. Exigeant dans l’écriture, exigeant sur la musique. Mag Spencer excelle dans l’art du diggin’ cette passion pour la recherche des pures boucles sorties d’un passé funky ou disco. Le tout pour servir la soupe à un texte qui se permet toutes les folies. C’est une pluie de mots sur la sécheresse des imaginaires.
Des morceaux dont lui seul à le secret rappellent alors que l’exécuteur c’est aussi le regard doux amer d’un enfant dans un corps d’adulte fatigué. Comme il le dit :
« Je ne m’accroche à aucune certitude, trempe mon spéculos dans le café un jour de plus un brin blasé. Rasant les murs dans mon smoking blanc, incognito comme Alfred Hitchcock. Que dire que faire, strictement que dalle. (….) Je regarde les mouettes avec mes yeux de chouettes (….) Ma vie comme un amour d’été (….) faire des rimes sans queues ni tête mon hobby comme gober des mouches dans le désert de Gobi One Kenobi [7] »
On arrive à l’ovni dans l’ovni ! Un morceau à côté duquel l’Everest est un sommet ridicule. Je n’ai rien d’autre à dire que : écoutez ça….. :
Et Janvier 2023 nous ramène l’exécuteur, toujours là, toujours en forme, toujours unique.
« Viens je t’emmène dans mon imagination, sur les grandes vallées verdoyantes apprécier les choses insignifiantes. Refaire le monde sur un tapis volant ».
Alors tous les enfants perdus que nous sommes se lèvent et veulent suivre ce Peter Pan du XXI siècle.
Alors oui, je confesse que dans ce monde de confusions, de luttes et de violences, écouter l’exécuteur de Hong Kong, Mag Spencer et Terence Still, m’aide, m’épaule et me réconforte. Refaire le monde sur un tapis volant et se dire que seul l’amour est étincelant.
Si cette vie nous mène en bateau l’exécuteur en est le capitaine Némo.
Enfant, l’exécuteur nous dit qu’il transperçait déjà le préau pour atteindre les sommets les plus hauts. Depuis il ne lâche rien et continue pour tous ceux qui, comme lui, ne se résignent pas à voir leur monde emporter par l’écran moderne de fumées nauséabondes qui recouvre peu à peu l’humanité.
Immortel parmi les mourants[8], le nouvel album de l’Exé est plus complexe et riche qu’une première écoute ne le laisse supposer. On aurait un peu vite fait de dire « Ok bon, c’est l’Exé, super mais toujours pareil… ».
Et bien non.
L’exécuteur « flotte dans l’intemporelle » pour clore les débats[9].
Une écoute attentive des morceaux, paroles et musiques, montre une finesse qui tranche encore l’air ambiant. Si certaines « punchlines » ont déjà été utilisées (« parfum d’Asie, chicot de vampire, moquasse, les yeux des enfants… ») Terence Still ne cesse de les tailler pour en faire des diamants aux multiples facettes.
« En attendant je le dis inlassablement : liberté, santé, sont les seuls diamants. (….) Aller au bout de l’horizon, voire E.T. rentrer maison, j’aime voir les vagues qui se fracassent sur les rochers, vivre avec ou sans clichés, aller au bout de ma douce folie, me perdre dans la procession de la nuit tel un crooneur anéanti »
Les aficionados reconnaîtront dans « Jungle Food » un extrait, avec les voix françaises, de Starsky et Hutch, Jacques Ballutin et Francis Lax.
Au fur et à mesure des albums (cinq albums), on peut dresser un portrait-robot de l’exécuteur en se servant des rap de Terence Still.
Sans prétendre à l’exhaustivité, que verrait on apparaitre ? (cut dans le melting pot des paroles, le « je » des paroles a juste été remplacé par « il » pour les besoins de l’article, mais ce sont les paroles de Terence Still) :
L’Exé est assis sur un trône de pacotille, aller plus loin l’a toujours intrigué, il est donneur de sang puis vampire. Pas se prendre au sérieux, ça c’est sa vie. Il n’est pas très frais dans son canapé, le monde entier est foncedé, c’est pas près de s’arranger. Dans l’écriture il est libre même si il passe mon temps à ramer. Il te fait passer du cauchemar au dream, met de la joie dans ton cœur et du cyanure[10] dans ton ice cream. Il est le cafard du rap, le renard du parc. Est-ce qu’il gagne du fric avec la musique ? Tu l’as pris pour Moby, il n’a même pas de quoi se payer une mobilité. Il tente de maitriser le flow comme le surfeur sa planche à Hawaï, c’est le bain de minuit et les dents de la mer te cisaille. C’est cauchemar et imagination, spontané sans machination. Et lui il n’est qu’un simple marchand d’utopie sous les tropiques. Un incendie dans ton cockpit qui vient s’éteindre sur une fausse note. Mortel comme un type qui « tise » dans une boîte à Strip-Tease. Aveuglé par le spot, lucide sous alcool, il racole. « Hé gamin, lance-toi dans la coke, le porno. J’f’rais ta promo, j’s’rais sordide sans le moindre gros mot. Tu veux du caviar sur ta crêpe, une belle bm qui fuse sur le périph’ au cœur d’la night ? Tu veux du love et du fight ? Être vite riche et beau ? Sortir ton troupeau d’call girls dans Monte-Carlo ? Loin. Si loin de la grisaille des blocs de ciment gris où un enfant joue sous une pluie pure qui façonne son armure. Vu que les larmes de la vie sont dures. » Il est l’inondation dans tes murs, prête à sécher en un fou rire. Chaque être humain peut être une tornade.
Est-ce qu’il veut sombrer ? Négatif. Son esprit reste positif. Sa rage de vaincre est intact. Sa soif d’apprendre toujours plus grande. »
Voilà pour un petit pot-pourri des textes.
Une fois ce credo posé que pouvait dire de plus l’Exécuteur ? Ma foi, tant que le monde reste ce qu’il est, les paroles de l’exécuteur rendront toujours la vie plus merveilleuse. L’Exécuteur est libre.
Ici s’achève ma chronique dithyrambique sans alambique. Oui je l’écoute trop peut-être. Mais donnez-moi une bonne raison d’arrêter….
Voilà.
Adios amigos et reviens nous encore !
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- [1]In « Sunset 7 »
- [2] « Force et amour » in Temps précieux
- [3] In « La nuit de l’exécuteur »
- [4] In « le Nabab »
- [5] Spéciale dédicace !
- [6] In « Hollywood stroriz »
- [7] Bon pour ceux qui n’ont pas saisi, il s’agit du Jedi de la Guerre Des Etoiles qui forme Luke Skywalker !
- [8] In « Dolce Vita »
- [9] In « Sunset 7 »
- [10] De Bergerac bien entendu.
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