Lightning Dust – "Fantasy"

En attendant l’écriture de L’histoire de la pop à travers ses side-projects (1570 pages, préface de Mike Patton, Editions du Fantasme), voici venir le troisième album de Lightning Dust, entité imaginée par Amber Webber et Joshua Wells en marge de leur groupe d’origine, Black Mountain. Encore une fois, le duo s’éloigne nettement du rock caractéristique de ces derniers: dès le premier titre (le single Diamond) et au bout de dix secondes d’une rythmique ascétique, les synthés installent pour toute la durée du trajet une atmosphère eighties qui pioche dans nos souvenirs, et pas forcément les meilleurs (selon les critères, toujours suspects, du bon goût). Une démarche qui en pop devient une habitude, avec des résultats plus ou moins heureux. Pas tout à fait révolutionnaire comme approche donc, mais ici précisément on ne s’en plaindra pas: en effet, la distance trouvée sur Fantasy est parfaite car infime -un minimum de distance donc pour un disque qui embrasse avec un amour manifestement non feint la synth pop qui l’inspire.

Et ainsi Lightning Dust trouve la juste voix qui lui faisait un peu défaut sur ses deux efforts précédents (le premier album, éponyme et dépouillé, et le plus panoramique Infinite Light), bien troussés mais en manque de grandes chansons. Le son très différent de Fantasy offre à la voix d’Amber Webber un habillage nettement plus ajusté, qui lui fait trouver de troublantes similitudes avec celle de Karin Dreijer Andersson de The Knife. On conseillera d’ailleurs très vivement l’écoute de cet album à tous ceux qui -à tort certainement- ont fui, en âmes sensibles, les paysages inhospitaliers de l’imposant Shaking The Habitual. Il ne faudrait cependant pas réduire le Lightning Dust d’aujourd’hui à un safety knife (ce qu’il est en partie, et on pourrait aussi évoquer Björk sans les vocalises), car le disque recèle de véritables merveilles: la deuxième piste, Reckless and Wild sonne comme les end credits d’un film rêvé de Richard Kelly, puis une guitare sèche nous prend par surprise sur le beau Moon, quand Fire me up rallume nos désirs de pop… Et la seconde face atteint de superbes sommets, dès le fantastique Loaded Gun (énorme, menaçant, et complètement ultime en bagnole). Le coup de Grâce est donné avec Fire, Flesh and Bone, slow de l’été et puis de l’hiver nucléaire à venir, auquel succède une Agatha qui divisera peut-être par l’émotion qu’elle cherche ostensiblement, mais qui offre un moment de frissons qui pourrait clore parfaitement l’album. Reste pourtant Never Again, titre composé par le duo au début des sessions, à la fois déclaration d’intention à rebours et bouquet final, qui n’éclipsera pas les beautés le précédant dans cet album d’une grande cohérence. Le seul frein de ce disque: un minimalisme certes relatif mais revendiqué sans cesse par le groupe, qu’on pourrait préférer par instants plus généreux -alors Fantasy pourrait avoir l’éclat, anachronique et bouleversant, du Paradis Retrouvé de Christophe. On ne lui reprochera pas d’être seulement un très bel album de pop synthétique et émouvante.

 

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A propos de Rémi Boiteux

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