« Tout rater c’est comme le vélo, ça s’oublie pas »[1]

Le rap français opère depuis quelques temps un virage vers une certaine quête de respectabilité littéraire étrange. Syndrome mimétique du damné de la terre qui rêverait du panthéon français des belles lettres ?
Ainsi par exemple, Gaël Faye n’était jamais aussi bon que quand il était dans le duo Coffey Milk and Sugar, avant que ne vienne la tentation littéraire. Celle de faire des belles lettres.

Comme le disait le grand écrivain Witold Gombrowicz [2], la poésie c’est comme le sucre dans un gâteau. S’il n’y en a pas c’est fade, si il y en trop, c’est immangeable.

Photo de la Meije et du Râteau, massif de l’Oisans, Ray Bornéo

Le hip-hop n’a jamais existé en reprenant là où s’étaient arrêtés les autres. Le hip-hop c’est la mauvaise herbe culturelle qui fait pousser une merveilleuse fleure carnivore. Elle vient dévorer le consensus des ventres mous. La beauté n’y existe pas selon des règles. Sa beauté est invisible aux yeux des puissants. Les meilleurs morceaux, les plus belles créations du genre viennent rarement des courants dominants. Musique de la marge qui se réinvente, ses dignes héritiers sont sans aucun doute ceux qui refusent les genres.

Alors, pour qui sait s’éloigner des rivages rassurants des côtes marchandes, l’aventure des mots et du son peut commencer.

 

Lomostatic : les mots d’un homme élastique qui reste statique

Créé autour de Ray Bornéo[3], Lomostatic est une formation fixe à géométrie variable, un oxymore musical, une coïncidence vivante des opposés.
Arno Boyer est loin d’être un débutant question musique, comme d’ailleurs tout ceux qui vont faire l’aventure Lomostatic. En plus de la sortie de l’album de Lomostatic, il est aussi l’artisan des albums de Tara King (https://about.me/tkth) et de  Bee Tricks (https://www.youtube.com/user/BeeeeTricksss).

Un homme plutôt occupé, plutôt doué et qui mérite qu’on tire le frein à main après avoir coupé le moteur, pour descendre arpenter ces territoires nomades.

Bleu Russe au travail

L’album de Lomostatic semble incontournable pour qui aime la musique sauvage et libre comme un pur-sang au regard torve.
(Entre autres featurings : Olivier Depardon, Bleu Russe, Jull, Gontard dans l’hypnotique « la Politique c’est Potemkine ».)


Interview

Vasken Koutoudjian : Naissance/origine : qui est Lomostatic? De quelle boue dont on fait les Golems s’est-il formé?

Ray Bornéo : Lomostatic, au départ, c’est moi même, Arnaud Boyer alias Ray Borneo. Lomostatic était mon pseudo Instagram. Après des centaines de photos, j’ai eu envie de faire un album pour accompagner l’image. Sur le premier album, Olivier Depardon avait posé des voix. Ça m’a donné envie d’aller plus loin, de réunir des gens qui ont des choses à dire, de les mélanger et de voir ce qui en sortait. J’ai alors demandé à Gontard, Jull, Bleu Russe et Ginger Man de rejoindre Olivier pour cette suite.

Séance de travail pour Gontard et Bleu Russe à gauche et Depardon et Jull à droite

VK : Quels sont les influences musicales dans lesquelles navigue le groupe ? (Grosse influence « Non Stop » ?)

RB : C’est très large. Ça va de Gainsbourg aux Beastie Boys en passant par Bob Marley ou Dean Martin. Je crois que ce sont plus les petits détails, des sons, les ambiances qui m’influencent qu’un style en particulier. Pour ce disque, je voulais tordre les choses. Que la musique soit un peu à l’étroit, que les voix soient en pleine face.

VK : « collectif non mercenaire » du coup vous travaillez pour qui ou pour quoi ?

RB : AhAh. Pour la bonne cause. A l’éveil ! Simplement mettre le doigt sur des petites choses qui ont un sens. C’est de la poésie moderne. Des visions très personnelles du monde qui nous entoure. Un état des lieux plus qu’une revendication. Et ces petites choses peuvent résonner avec du vécu, éveiller quelque chose à l’écoute.

VK : Quand tu écris « ne nous délivre pas du mal » ? en quoi ce très court moment vient prendre sa place dans l’album ? (le format, le propos…)

RB : C’était supposé être un intermède musical, un temps de pause dans le disque et finalement Bleu Russe a proposé ce sample et ça collait parfaitement, tant musicalement que sur le propos. C’est une vision poussée à l’extrême. Il y a quelque chose de fascinant… En pleine période électorale quand on a fait ce bout de morceau, ça avait un sens! Puis il y a ce petit truc sectaire qui dérange.

VK : Tu fais beaucoup de photos non? (ou alors je n’ai rien compris, c’est possible…) Est-ce que du coup tu penses avoir une écriture visuelle, si oui de quoi se nourrit-elle? (Tant dans les œuvres que dans le quotidien)

RB : Je me suis mis à faire des photos au début d’Instagram, parce que cette instantanéité me faisait du bien. J’y ai pris goût. Manipuler l’image pour véhiculer une émotion; transmettre une vision au travers d’une photo. J’aime lier l’image à la musique. Je suis fan de cinéma. J’essaie, dans les photos, de figer des images très cinématographiques et j’aime les musiques qui ressemblent à des bandes originales de films.

VK : Aujourd’hui que fait Lomostatic? Quelles sont ses projets? Le live, est-ce un passage, un plaisir ou une contrainte?

RB : Pour le moment rien de plus pour Lomostatic. A part des vidéos pour accompagner le disque et peut être quelques live en 2018 mais de manière occasionnelle. Tous ont des albums qui arrivent : Jull avec « Nuage fou » (Art Autoroutier), Olivier Depardon « Avec du noir avec du blanc » début 2018, Gontard « Tout nait tout s’achève dans un disque » au printemps 2018 et Bleu Russe « Missives d’amour » (mixtape1) en 2018 aussi. Quant à moi, je sors ce mois-ci trois autres albums : le nouvel album de Tara King, celui de Bee Tricks et enfin « 8 » fait avec Brisa Roché.


Toutes photos dans la chronique : Ray Bornéo

Pour l’album de Lomostatic : https://petrolchips.bandcamp.com/album/lomostatic

A propos de King Tao : http://www.kingtao.org/

https://www.youtube.com/user/BeeeeTricksss


[1] « Nyctalope » feat. Olivier Depardon, Gontard, Jull, Bleu Russe

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Witold_Gombrowicz

[3] Anagramme de son vrai nom : Arno Boyer

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A propos de Vasken Koutoudjian

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