Il y a un an, Culturopoing avait rencontré Laurent Rieppi à l’occasion de la sortie de son premier livre consacré à David Bowie. C’est aujourd’hui avec un ouvrage sur Lou Reed que celui-ci nous revient. Un livre court en forme de discographie commentée qui peut constituer une bonne introduction à l’univers musical de l’artiste disparu il y a un an.
Il existe une multiplicité de Lou Reed qui pourrait donner lieu à autant d’ouvrages spécifiques : du musicien à l’écriture littéraire égale de celle d’un Bob Dylan à l’icône gay et punk, de l’artiste marginal, drogué et suicidaire au Chevalier des Arts et des Lettres décoré par Jack Lang, de l’avant-gardiste proche d’Andy Warhol à la star du rock sombrant parfois (trop souvent ?) dans la facilité. Finalement, en choisissant de se pencher chronologiquement sur la vingtaine d’albums enregistrés par Lou Reed, Laurent Rieppi a le mérite d’offrir une vue globale de la progression de l’oeuvre depuis le premier opus du Velvet Underground en 1967 jusqu’à l’ultime collaboration avec Metallica en 2011. Il parcourt ainsi un corpus où alternent les chefs-d’oeuvres (les albums du Velvet, Transformer, Berlin, Coney Island Baby, The Blue Mask, …) et les échecs commerciaux et artistiques (son premier album solo, Growing Up In Public, Mistrial, Lulu…). En s’attachant uniquement à la musique de Reed et en s’étendant peu sur sa vie privée, Laurent Rieppi donne avant tout l’envie de se plonger ou de se replonger dans les albums du musicien, le livre à la main, pour y dénicher quelques titres parfois oubliés, mais dignes d’intérêt, titres souvent masqués par les bien connus Perfect Day, Walk on the Wild Side, Vicious, Satellite of Love, etc., qui font bien évidemment l’objet de belles présentations tout au long de l’ouvrage.
Ainsi, qui se souvient de Kicks sur l’album Coney Island Baby (1976), cet étrange morceau sur un tueur psychopathe dans lequel Lou Reed intègre en bruit de fond des dialogues enregistrés à la sauvette d’amis et de représentants de la maison de production venus écouter en studio une maquette de l’album ? Leurs propos deviennent un tapis sonore qui illustre le côté inquiétant et tendu du titre comme le souligne Rieppi. L’une des qualité de l’ouvrage est, par ailleurs, de permettre au lecteur de pouvoir établir des liens entre les morceaux : reconnaître le procédé utilisé dans Kicks quelques années plus tard sur une chanson comme All Through the Night (album The Bells, 1979), s’y retrouver parmi les chansons dédiées par Lou Reed à ses amants et amantes tout au long de son oeuvre, percevoir l’évolution du traitement de l’addiction à la drogue et à l’alcool, l’un des sujets récurrents du musicien, depuis Heroin sur le premier album du Velvet Underground jusque Mystic Child sur l’album Ecstasy en 2000…
La structure de Lou Reed – On the Wild Side, linéaire, chronologique, offre une certaine facilité de lecture. Après un bref avant-propos, chaque album fait l’objet d’une présentation en deux ou trois pages sur ses conditions de productions et ses collaborations, présentation suivie par des informations complémentaires sur certains titres de l’album. De nombreux témoignages recueillis par Laurent Rieppi grâce à son activité de journaliste pour la radio belge Classic 21 émaillent les analyses. C’était déjà une des qualités de son précédent ouvrage sur David Bowie. Une discographie et une bibliographie sélective complètent le texte.
Beaucoup de témoignages proposés tout au long du livre évoquent les multiples sources d’inspiration de Lou Reed : sa vie privée et amoureuse, l’omniprésence de la ville de New York où il a toujours vécu, son sens de l’introspection, son goût pour la littérature de William Burroughs et Hubert Selby, Jr… Finalement, le saxophoniste de jazz Ulrich Krieger, avec qui Lou Reed a tourné dans la formation Metal Machine Trio en 2002, est peut-être celui qui définit le mieux la singularité de l’artiste : « Lou était plus qu’un musicien de rock. Il était certes amoureux de cette musique : il venait du monde du rock et voulait faire cette musique avec un ou deux accords. Vous connaissez sa fameuse citation : « Un accord, c’est bien ; deux accords, ça se défend ; trois accords, c’est du jazz ! » D’un côté, il était capable de travailler avec des bases très primitives et de l’autre, il travaillait et apportait à sa musique des éléments de free-jazz, de blues, de musique expérimentale. Même sa façon de jouer de la guitare… Il n’a jamais été un guitariste rapide, il a toujours eu un jeu plutôt branché sur le son, la sonorité. Il avait beaucoup d’intérêt pour la musique contemporaine : les oeuvres de John Cage, Xenakis… L’influence littéraire était très présente également. Le titre Street Hastle par exemple : ce morceau, c’est juste un riff, mais la façon dont il l’a proposé sur l’album, c’est presque une composition de musique contemporaine. Son secret, c’était de pouvoir combiner tous ces éléments dans sa musique. »
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