C’est au moment de mettre le point final à cette chronique, que je crois comprendre vraiment son sujet ! Mal barré….

Morcheeba est quasiment la créature d’un seul homme, qui ne le reconnaîtra jamais d’ailleurs. Si Ross Godfrey, son guitariste et compositeur, avait eu vingt ans dans les années 70, il aurait certainement aimé être guitariste pour Led Zeppelin. Si j’avais aussi compris le jeu de pilotis sur lequel s’était construit le groupe, j’aurais eu quelques questions pour essayer de comprendre les ramifications concrètes de cette musique qui se veut avant tout une expérience psychédélique. Mais faut-il chercher à retrouver le chemin du réel quand on marche en apesanteur dans le nuage de fumée du Créateur ?

Ross Godfrey

Ross Godfrey © Newt

De passage au Vercors Music Festival, j’ai rencontré Ross Godfrey. Traversant les époques (les siècles même !), les genres et les turbulences de la vie d’artiste quand elle touche à la famille, Morcheeba est toujours là, debout à la barre d’un navire fantôme, en route pour son havre de paix au milieu des chaos du temps.

La musique de Morcheeba n’a pas changé. Si, pour son compositeur, tout vient du blues, elle délie les gammes du genre, comme éthérées sur des volutes de marijuana. Oui Morcheeba, ça veut dire « plus d’herbe ».

Jamais Morcheeba depuis le retour de Skye, sa chanteuse, n’était revenu aussi près de ses origines : une musique planante, aux racines plongées dans les profondeurs d’une musique qui doit au blues son éveil.
Si le groupe garde le nom de Morcheeba pour des raisons évidentes, c’est sous l’appellation Skye and Ross qu’ils poursuivent désormais la route. Dur à suivre ? Tire une latte mon frère et remonte les temps à la nage… L’intro au clavier rappelle les notes de Rider on the storm des Doors et le groupe fait le reste pour cette version du morceau de 1998 tiré de l’album Big Calm : The Sea.

Un océan que l’odyssée du groupe n’a pas arrêté puisque quelque soit leur nom, Morcheeba est toujours là.


Rencontre avec Ross Gofrey.

Ross Godfrey : Morcheeba aujourd’hui c’est Skye et moi. Nous venons juste d’écrire un nouvel album.  Nous sommes en tournée en Europe cette été, et nous jouons un mélange de chansons de Morcheeba et d’un album que nous avons, Skye et moi, sorti l’année dernière. Mais le prochain album sera un album de Morcheeba. Si l’album Skye and Ross est plus organique le prochain Morcheeba sera plus électronique. Nous jouons avec les même musiciens depuis 5 ans, il y un batteur qui est le fils de Skye et bassiste, Steve, le mari de Skye, et un clavier, Ben. Skye chante et je joue de la guitare.

VK : Tu as dit que pour toi, la musique la plus importante est le Blues.

RG : Oui, une grande partie de la musique contemporaine vient du rythm’n’blues.  Pour nous c’est intéressant car nous étions très tournés vers la musique américaine, comme le blues, le jazz, et les premiers temps de l’électro, ainsi que le hip-hop.
Mais en Angleterre, on ne fait pas de la musique comme ça. Les Rolling Stones ne jouaient pas vraiment du blues. De la même manière nous avons tourné le hip-hop dans quelque chose qui a été nommé par la suite le trip-hop.  On ne pouvait pas « raper ». Nos voix n’étaient pas bonnes pour ça. Il y a peu d’anglais qui font du hip-hop, comme Roots Manuva…

VK : Ou Kate Tempest ?

RG : Oui par exemple. Nous voulions retourner la musique américaine, que nous écoutions, en quelque chose de différent. Nous avons utilisé les beats hip-hop, Skye chantait avec sa voix angélique, nous étions dans une sorte de « downbeat », cherchant quelque chose de très relaxant. On fumait beaucoup de marijuana, on était tout le temps stone, alors on voulait faire une musique qu’on puisse écouter nous même ! Une agréable expérience psychédélique.

VK : Entre les années 90 et maintenant qu’avez-vous vous changer dans la musique ?

RG : Rien n’a vraiment changé. C’est même très décevant. Quand on a commencé au milieu des années 90, les vingt années avant ça, tout avait changé. Tout ! Depuis 1995, des petites choses arrivent comme le « dubstep[1] », mais rien de vraiment nouveau. Il n’y as plus de révolution musicale.

« Le groupe est l’enfant de Ross Godfrey. »

VK : J’ai toujours pensé que le Trip Hop était le dernier genre musical créé. Il y a eu le hip-hop et enfin le trip-hop.

RG : C’est à peut près ce qui s’est passé. Je pense que maintenant tout est tourné autour de la promotion, où la musique n’est qu’une toute petite partie de ce dont vous avez besoin.  Il n’y a pas de nouvelles scènes. Internet rend les choses très volatiles et fragmentées tout autour du monde. Alors il n’y as plus de scènes locales. D’autant plus en Angleterre où il y avait temps de scènes locales, comme le heavy metal de Birmingham, les très bonnes scènes reggae de Bristol. Il y avait quelque chose de très étrange qui dictait selon ton lieu de naissance ce que tu écoutais.

VK : Morcheeba a connu des changements de musiciens, Skye a mené une carrière solo, que devient le groupe aujourd’hui ?

RG : Et bien, Skye a fait quelques albums solos, elle va continuer d’en faire je pense. Nous n’avons pas toujours travaillés tous les trois ensembles, mais Morcheeba a toujours fait quelque chose, et j’ai toujours fait quelque chose avec Morcheeba, des concerts, composer, enregistrer des albums, là il va y avoir un nouvel album d’ailleurs, d’ici peu. Parfois il y a eu quelques breaks, mais tu sais, Morcheeba est quelque chose que je vais faire pour le reste de ma vie.

VK : Et quel est ton ambition en tant qu’artiste ?

RG : Je pense quelque chose comme hypnotiser mon auditoire. Le convaincre que le monde est un lieu magnifique, le relaxer pour un moment. Je vois le groupe comme un « arrow message » [2]. Nous aidons en massant le cerveau, en diffusant de l’amour, dans le sens hippie de la chose. Notre carrière avançant nous devenons plus vieux, avec notre publique, et nous devons être la bande son de leur vie.
Mon artiste favori est Jimmy Hendrix, et quand je l’écoute, il m’emmène dans un voyage psychédélique qui m’aide à réaliser combien l’univers est magnifique et combien mes problèmes sont minuscules.

« Nous devons être la bande son de leur vie. »

VK : Quels sont vos projets ?

RG : Nous aurons fini d’enregistrer notre nouvel album pour Noël, il devrait sortir au printemps. Après quoi nous irons sur la route pour une grande tournée. Australie, probablement l’Amérique du Sud. Nous reviendrons en Europe pour l’été.

VK : Comme dernière question, qu’elle est celle qu’on ne vous a jamais posé et que vous rêveriez qu’on vous pose ?

RG : …Voudriez-vous du LSD ?!

 


Morcheeba sur Deezer

http://www.deezer.com/artist/10596125

Merci à Romain Berthault du Vercors Music Festival pour son aide précieuse et son efficacité.


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dubstep
[2] un message envoyé avec une flèche

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A propos de Vasken Koutoudjian

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