Nicolas PAUGAM – « Boustrophédon » (2017)

Nicolas Paugam revient avec un deuxième album ouvertement pop et toujours agité du sillon. Solaire, colorée, l’écriture de « Boustrophédon » regorge de mélodies aux lignes claires et chaloupées. Quelques brins de folie, des restes d’embruns, du cycle et des nonnes…

Quelle est donc cette étrange créature ? On pourrait se le demander à l’annonce d’un titre d’album aussi Ogre. Boustrophédon, dixit son auteur, c’est avant tout un mode d’écriture un peu zigzagante, une lecture continue dans un sens puis dans l’autre, comme les sillons d’un champ. C’est peut-être le saut d’une strophe à l’autre, un enjambement qui rime, une cascade d’associations, pour fuir en avant, l’automatisme bien rieur. Enfin, c’est le dialogue entre le compositeur et ses musiciens, le guitariste Yannick Baudruche notamment, complice live et studio sur le dernier album. Les guitares électriques, légères et pimpantes, sont donc à leur avantage.

Le « monstre », le Boustrophédon susnommé, avance sous les meilleurs auspices : un collage dadaïste en guise de pochette, ses images liées dans une lave mélodique qui préfigure les rougeoiements à l’intérieur du disque. Surmenage à Paris achoppe d’abord, comme le surplace d’un embouteillage, buttant à chaque strophe et phrase musicale, avant de prendre le maquis pour fuguer – les chœurs bien espiègles – au sommet des Ardennes. Le Dortoir du Bon Dieu, titre-hommage aux victimes du Bataclan, est certainement l’un des morceaux les plus touchants du disque, un hymne élégiaque, rempli de tact. La Lumière est immense est une autre épopée douce et intime. Cette évocation biographique commence par la chronique éclairée d’une naissance dans un hôpital nantais, et se poursuit en combi Volkswagen au rythme de la vie familiale, nomade et champêtre. En trois titres crescendo, le ton de l’album est posé : candide, grave, émouvant, léger.

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La suite n’est pas avare en mélodies ni en mots goûteux. Les Ablettes, Exsalem, La folle de Prévenchères, sont des chansons aussi drôles qu’efficaces, aux refrains très entêtants. Un pantalon qui va bien est un ancien titre remanié, repêché de Douces Barbaries, album non édité. Dans cette chasse au félin qui se termine en juteuse pantalonnade, ou dans l’inventaire insatiable de Mon Chou, qui fait rimer profit’roll et pets d’non’s avec Lennon, on croit entendre un peu de Bobby Lapointe, Prévert ou Nino Ferrer. La chanson Combien de Miles ? renoue davantage avec la veine de Mon Agitation : introduction en clin d’œil à Cartola, trompette aérienne, un air de bossa acoustique. En fin d’album, Le Cycle est un nouveau duo vocal avec Nelly Dvorák, en écho à celui qui concluait le disque précédent. Il est cette fois porté par un refrain revigorant – le cycle de la vie qui va même après les chutes, les pertes, les fracas. 

Dans son ensemble, Boustrophédon se démarque des premiers disques de Nicolas Paugam tout en restant familier et personnel. On y sent l’effort de l’écriture, plus resserrée et accessible en surface, mais toujours généreuse. Les reflux mélancoliques s’atténuent un peu ; l’humeur du disque est plus enjouée. Mais ce rapprochement avec les canons supposés de la Pop reste très relatif, à bien des miles du conformisme actuel. Le chansonnier Paugam reste un joyeux hétérodoxe qui perpétue l’esprit fantasque des sixties et seventies. Il a gardé quelques zébrures, héritées du jazz, du rock, et des savoureux ailleurs, vers lesquels il ne cesse de tendre, même quand il arrondit un peu sa manière. En attendant les futurs albums, on ne peut que se réjouir que Boustrophédon ne soit pas une sage réplique de Mon Agitation, mais l’amorce toujours savoureuse de nouvelles évolutions.

Boustrophédon de Nicolas Paugam

(Microcultures)

sortie CD le 25 août 2017

Informations : site et bandcamp de Nicolas Paugam | Microcultures.fr

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A propos de Robert Loiseux

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