Retour en Paugamie pour un nouveau périple. Les instantanés d’une vie s’y succèdent pics après pics. Volcan assoupi, fol ermitage, désir d’azur, petits et grands naufrages. « Le ventre et l’estomac », 4ième album de Nicolas Paugam poursuit la geste entamée depuis les premiers albums solo bricolés au fond de studieuses chaumières. L’ordinaire s’y transforme en épopées drolatiques avec un bon zeste de saudade et de caipirinha.
Les 3 albums précédents, « Mon agitation », « Aqua Mostlae » et « Boustrophédon », ont posé un territoire musical personnel entre variété française, rock, jazz et musiques brésiliennes. Une forte aspiration à la chanson populaire et un désir répété d’aventure. Le « ventre et l’estomac » est donc l’ultime maillon de ce projet, et probablement le plus abouti. Les chansons ont des lignes mélodiques claires, une musicalité plus aérée. Chacune constitue un petit tableau coloré comme la pochette du disque. L’album entier est un grand imagier aux tonalités fluctuantes, adulte et pitre à la fois.
Le « Ventre et l’estomac » s’ouvre sur « Rendez-vous au sommet », une fresque autobiographique poivrée sucrée. École, paternité, divorce et maison de retraite y défilent à saute-mouton. L’auteur s’y délecte de rimasses saugrenues : audace, godasse, grasse et… Pujadas. Dans « Il fallait fuir », on retrouve le petit Nicolas prêt à s’échapper du bercail. « Il fallait bien partir d’ici où on était cuit. Bien dans l’os. ». Voler de ses propres ailes c’est aussi partir à l’abordage d’autres styles et continents pour trouver ses expatries musicales. Plusieurs morceaux, « Ipanéma » ou le tubesque « Le ventre et l’estomac », ont conservé les effluves de ces voyages : des guitares folk chaleureuses, des oiseaux chanteurs, du piano, des ornements de trompette.
« Tu savais, tu savais » et le finale « La Complainte du Titanic », font basculer le disque dans un registre mélancolique. Les deux titres, très beaux, évoquent la condition des voyageurs déclassés, des réfugiés de Calais jusqu’aux naufragés du transatlantique. Les harmonies vocales qui ouvrent « la complainte » renouent avec les chœurs 70’s des Crosby, Stills & Cie, mais c’est durant la longue course du morceau, lancinante et crescendo, que l’émotion agit le plus. « Orchestrera, orchestrera ce coup d’éclat. Main dans la main, l’eau dans mon sein, Neptune et moi ». « Tu savais, tu savais » est une autre émouvante odyssée. Le chanteur y entonne une longue succession de « Oh si ! », suivie d’un déluge de chœurs et de notes pianotées. « Plus d’eau dans les bouches. Des crevasses, des cailloux et des mouches. Bien loin du paradis… »
Tout en étant immédiats, les morceaux demandent plusieurs écoutes. Leur générosité et la spontanéité de leur ton déroutent parfois. Ingénuité, gravité, dérision ? Chansons concises ou hymnes fleuve ? Nacimento, Ferrer ou le Facteur Cheval ? Ces semblants de contradictions font le charme du projet musical. Faire des chansons pour mieux les déborder. Leur donner un peu plus de corps, d’ouvrage et de vie. « Le ventre et l’estomac » échappe aux catégories cloisonnées. Ni pop vraiment légère ni esprit de sérieux, mais une clairière ensoleillée, ailleurs ou entre deux. Des mélodies faciles à embarquer mais toujours pleines de contre-courants.
Le Ventre et l’estomac de Nicolas Paugam (Microcultures records/Kuroneko)
sortie physique CD et Vinyle le 14 juin 2019 | streaming et téléchargement
Informations : site et bandcamp | (c) pochette du disque et clip vidéo : Nicolas Paugam
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Matthieu PIERENS
Excellent album, grande variété de styles, richesse du son, paroles poétiques. Artiste bien trop méconnu.